Dans un texte intitulé «Eva Joly binationale ? La droite bloquée au stade du terroir», Esther Benbassa, Directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études, fait le rapprochement entre la polémique née des propos d’Eva Joly sur le 14 juillet et l’affaire Dreyfus.
[…] Norvégienne d’origine et donc suspecte aux yeux des Français de «souche», Eva Joly pouvait être facilement prise à partie pour manque de patriotisme envers son pays d’adoption. Dreyfus aussi, s’il n’avait pas été juif, n’aurait probablement pas suscité autant de haine. Certes, fort heureusement, Eva Joly n’a pas encore subi les tribulations du capitaine et la comparaison a ses limites. Mais le mécanisme est le même : c’est parce qu’elle incarne l’étrangère naturalisée, jamais entièrement française malgré ses cinquante ans de séjour sur notre sol et ses nombreuses années passées au service de la magistrature – grande institution nationale s’il en est -, qu’Eva Joly sert d’alibi à un nouveau sursaut de la vague nationaliste et xénophobe qui agite depuis un certain temps la France et l’Europe. […]La gauche française est en grande partie née des turbulences de l’affaire Dreyfus. Espérons qu’elle sortira renforcée de cette campagne et qu’elle arrivera au pouvoir unie, avec de vraies propositions. Si Eva Joly, à ses dépens, a servi à ce renforcement et à ce sursaut, ce sera tant mieux. On n’avait pourtant pas besoin d’une «affaire Joly». L’affaire Dreyfus nous aurait amplement suffi.