Patrick Viveret, philosophe et Conseiller honoraire à la Cour des Comptes, analyse les émeutes en Grande-Bretagne et souligne la responsabilité des milieux boursiers.
Le casseur et le trader sont les deux faces d’une même médaille. Si l’on veut éviter les nuisances du premier, il faut arrêter de se prosterner devant le second.
Face aux casseurs des villes britanniques, le Premier ministre britannique David Cameron a évoqué le mal profond d’une absence d’éducation centrée sur la distinction du bien et du mal.
Il a fustigé la décadence amorale des pilleurs. Mais a-t-il noté que s’il y a quelque chose qui s’est depuis toujours affranchi de la morale, c’est bien le système financier actuel ?
«Certains enfants, s’est-il exclamé la semaine dernière dans son discours aux Communes, grandissent en ignorant la différence entre le bien et le mal. Cela n’a rien à voir avec la pauvreté. C’est une question de mode de vie. Un mode de vie qui exalte la violence, qui ne manifeste aucun respect envers l’autorité, et qui sait tout de ses droits mais rien de ses responsabilités.» […]
L’éthique de conviction n’existe pas sur les marchés. L’éthique de responsabilité encore moins. Que telle notation, que telle opération boursière, que tel plan de licenciement pour des motifs de rentabilité, ait pour conséquence le fait de mettre des dizaines, parfois des centaines de milliers d’êtres humains en situation de détresse sociale ou de mettre en cause des équilibres écologiques vitaux, n’a strictement pas de sens dans cet univers. La théorie ultime du monde de la finance est même fondée sur l’inversion du rapport à la morale. […]