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Les dernières estimations de l’évolution du PIB des USA permettent de parler d’échec des mesures de relance aux USA.

La croissance à crédit marque le pas en dépit de dépenses publiques cumulées depuis le début de la crise (2007-2008).

Le PIB réel ne s’accroît plus d’un trimestre sur l’autre que de 1,3  % au T-2 2011 contre 0, 4 % au T-1 2011.

Depuis le début de 2010, l’économie américaine ralentit : le PIB passe de 3,9 % de croissance (T-1 2010) à 3,8  % (T-2 2010), puis à 2,5 % au T-3 2010 pour finir à 2,3 % (T-4 2010). Il y a corrélation nette de la baisse du PIB avec le ralentissement de la dépense publique au T-1 et T-2 2011. Cette corrélation avait déjà été constatée en 2010, elle exerçait des effets de ralentissement  avec une moindre acuité. La corrélation est exemplaire depuis les T-1 et T-2 2011. La reprise est à crédit, la croissance endogène à l’économie est faible.

La crise est en train de produire une correction massive des excès du capitalisme américain. L’ampleur du réalignement est susceptible de générer une dépression car la limite inférieure de la contraction de l’économie ne peut être fixée en raison d’une croissance qui a procédé dans des déséquilibres. Ce sont ces déséquilibres qui jouent contre le redémarrage de l’économie.

Nous voudrions remettre ce fiasco de l’administration Obama en perspective historique. Notre but n’est pas de faire la synthèse des panoramas de l’économie américaine. Nous expliquerons pourquoi l’économie américaine est historiquement dans une impasse dont la croissance de la dette publique est le symptôme. Nous serons ainsi conduit à expliquer pourquoi la croissance folle de la dette fédérale est une fuite en avant aux dimensions complexes. Il faudra aussi donner de cette ruée collective vers le risque souverain une intelligence différenciée.

Nous ne pouvons qu’esquisser cette explication en faisant converger tout un ensemble d’éléments explicatifs. Nous aurons ainsi réussi à réaliser une mise en perspective et contribué à éclairer les raisons d’une crise dont l’issue sera au mieux une stagnation longue l’économie américaine. Nous tenterons d’expliquer pourquoi le couple récession-dépression n’a pas disparu de l’horizon de l’économie américaine. En conclusion, l’intelligence du risque sur la dette souveraine des USA se trouvera précisée.

Il ne suffit pas que dans un vaste mouvement moutonnier l’ensemble des investisseurs se précipite sur une dette souveraine à risque, il faut encore qu’ils en abaissent le coût pour encourager son creusement. Mais qui est dupe de cet irrationalisme de marché, l’achat de la dette souveraine des USA s’accompagne d’un renchérissement des CDS garantissant les placements en bons du Trésor américain. S&P a dit tout fort ce que les marchés murmurent déjà, la crise de ce mois d’août 2011 indique qu’un Krach général est maintenant possible.

Encore un mot, nous allons parler de surcrédit et de surcroissance sans fournir les graphiques habituels, ils sont dispersés dans les panoramas faits en juillet-août. L’épargne importée et le surcrédit ont tiré le PIB des USA vers le haut de manière artificielle. On peut estimer que durant la décennie précédant la crise (1998-2007), le PIB des USA a été surévalué de 6-8 %.

Il faut avoir cette estimation à l’esprit quand nous parlons de décrochage de l’économie américaine et d’alignement de la production de richesse sur les capacités effectives de production de valeur de l’économie des États-Unis.

Ce post tente d’articuler ce risque de dépression et la croissance de la dette souveraine qui est une réponse – sans doute désespérée – à la crise.  Il insiste sur l’inefficacité des politiques de dépenses publiques qui ne peuvent soigner un mal ancien avec des mesures ponctuelles contra-cycliques. En conclusion, nous nous contenterons de proposer quelques hypothèses sur les évolutions prévisibles de l’économie américaine. Nous pensons en effet que la reprise est dorénavant hautement improbable.

La mise en perspective historique de la crise est nécessairement sommaire, elle est une reconstruction du passé sur la base des phénomènes de crise . Elle permet simplement d’éclairer les blocages contemporains de la nation américaine face à ce qui sera sans doute la première grande crise du XXI° siècle et la dernière des grandes crises classiques du capitalisme. Au-delà s’amorceront les crises de nouveau régime marquées par les capacités de charge limitées de la planète.

I – La mise en place des mécanismes de la crise

A – De la crise des années 70 aux prémices de la crise actuelle.

1° La crise des années 70.

Amorcée par la crise de rentabilité du capitalisme américain de la fin des années 60, les années 70 ont été marquées aux USA par un ralentissement de la productivité et une baisse des profits. La stagnation s’est accompagnée d’une inflation résultant d’une course de fond entre niveau des prix et des salaires et profitabilité du capital, la stagnation d’un marché des biens de consommation arrivé à maturité créant de surcroît une forte tension sur les débouchés. Les années 70 sont donc aux USA une période de stagflation dont les modalités d’échappée vont générer une nouvelle phase d’expansion dont nous voyons la fin. Pour ne rien arranger, la crise après 1973 se traduit par une dégradation du marché de l’emploi.

2° Les solutions à la crise

La solution de la crise va revêtir plusieurs dimensions.

a) Le modèle salarial et les écarts de revenu et de patrimoine.

L’ouverture accrue des marchés nationaux à la concurrence mondiale et la liberté de mouvement des capitaux vont fragiliser le monde du travail et imposer aux USA une modération salariale. Cette modération va se traduire par un recul des salaires dans la répartition du revenu sans pour autant que les coûts indirects du travail se trouvent abaissés. Sous l’action d’un marché national très concurrentiel et de la pression des produits importés, la polarisation des revenus issus du travail va bénéficier aux Américains aisés. Sur longue période, un transfert de revenu – salaire, intérêt, dividende – va s’opérer à leur avantage avec le concours d’une fiscalité toujours plus favorable aux plus aisés, les cessions d’actifs mobiliers et immobiliers accentueront encore cet enrichissement dont la mesure est donnée par des écarts patrimoniaux croissants.

Pour remédier à cette dégradation relative des salaires dans le revenu national, l’ouverture des marchés va se combiner avec un abaissement des coûts des biens de consommation importés. La moindre progression du pouvoir d’achat de 80 % des ménages va donc être compensé par un abaissement relatif du prix des marchandises entrant dans leur consommation. La voie des déficits commerciaux est ainsi ouverte ; c’est un choix qui est fait, le choix d’une économie globalisée sans espoir de retour.

b) Ouverture et rentabilité.

L’augmentation des profits va être obtenu par une combinaison complexe de facteurs.

Les profits industriels et commerciaux vont s’établir sur un partage inégal des gains de productivité entre salaire et profit. L’ouverture des marchés va abaisser le coût des importations avec un effet plus sensible sur le secteur commercial que sur le secteur industriel. Il s’ensuivra que l’ensemble du système économique ne peut qu’être indifférent à la montée des déficits extérieurs qu’il encourage. Les importations de biens de consommation garantissent en effet une aisance matérielle écornée par le ralentissement de la progression des salaires, ils sont au coeur de la modération salariale.

c) Ouverture et base productive

Le résultat de cette situation va être une lente érosion de la base productive des USA. A partir des années 80, les USA perdent encore plus fortement leurs industries au profit des services. Ce glissement a deux effets négatifs, les services s’exportent moins bien, ils ne peuvent donc tirer l’économie vers le haut. Une large fraction des entreprises et des emplois de service ont le défaut d’être moins productifs et de réclamer un  travail moins qualifié, les salaires y sont donc plus bas et la création de valeur moindre. Dans ces conditions la croissance américaine aurait dû fléchir.

Or c’est l’inverse qui va se produire. Ce sont les déficits commerciaux croissant, pourtant signe d’une perte de compétitivité de l’économie américaine, qui vont générer des mécanismes favorables à la croissance en volume d’une économie américaine tirant parti du dollar. La perte de la base industrielle du pays va avoir pour effet paradoxal de la transformer lentement en économie consommatrice de produits étrangers et d’épargne étrangère, ces deux consommations vont masquer l’appauvrissement relatif du pays dont la base de production de richesse est en déclin relatif.

d) Affaiblissement de la base productive et transformation du système financier.

C’est le système financier qui va jouer le rôle de correctif autant que de facteur de crise de plus en plus menaçant. L’érection du système financier au-dessus de la société porte un nom : la dérégulation. Cette dérégulation permet dès les années 80 au système financier d’agir de manière complexe.  Le système financier va permettre à l’idéologie spontanée des marchés – le libéralisme primaire – de s’imposer à tout et à tous.

Il va dont entraîner une accélération des processus de restauration de la rentabilité du capital autant que d’accélération des mécanismes d’abaissement des coûts salariaux entraînant à son tour un affaiblissement de la base productive américaine glissant toujours plus dans les services au détriment de l’industrie. Les USA abandonnent les productions de biens de consommation aux pays étrangers et renoncent au socle de croissance des « trente glorieuses » au profit d’une base productive affaiblie, c’est la condition d’un retour définitif vers la rentabilité du capital et de la modération salariale qui l’accompagne.

La grande force du système financier va être de dissimuler les mécanismes d’appauvrissement relatif à l’ oeuvre au niveau productif. Il faut dire à sa décharge que dans un premier temps, le système financier va créer de l’expansion en encourageant le déséquilibre fonctionnel des comptes extérieurs du pays  avec le concours du dollar, véhicule monétaire du déclin relatif du pays.

Les évolutions du capitalisme américain ne sont pas sans produire des effets heureux. Des années 80 aux années 2000, l’économie américaine connaît deux très longs cycles d’expansion. Les inégalités des revenus des ménages se creusent de même que la valeur des patrimoines immobilier et financier, mais en apparence la plupart des Américains profitent du système. Les patrimoines financiers concentré vers le haut enrichissent les plus riches, les patrimoines immobiliers – gérés par les ménages américains comme un capital et une ressource financière – plus équitablement distribués occultent la moindre progression des revenus de la plupart des ménages américains.

La base productive américaine s’affaiblit, mais les Américains semblent collectivement s’enrichir. C’est que le système financier a changé de fonction. Il n’est plus un moyen de socialiser l’épargne et d’affecter les ressources. Les choix qui ont été faits font des USA une économie de moins en moins créatrice de richesse. Pour le dire autrement l’investissement productif, l’accumulation du capital nationale ne sont plus des priorités. Ce qui est devenu prioritaire, c’est une régulation de l’économie nationale mettant les échanges commerciaux au service d’une économie dont les équilibres retrouvés sont globalisés. Le métabolisme général de l’économie est en effet devenu inséparable d’une consommation de biens matériels produits hors des USA. La rentabilité du capital intimement liée au niveau des coûts du travail est devenu  inséparables de biens de consommation importée que les USA vont consommer en volume croissant sans offrir de contrepartie suffisante : les services s’exportent mal.

Le système financier se trouve alors obligé de devenir une machine à refinancer la surconsommation de produits étrangers, la préservation du dollar est à ce prix. Les mécanismes de la crise actuelle se mettent en place dès lors que les déficits commerciaux s’emballent. C’est le cas dès le milieu des années 90. Les mécanismes virtuellement aberrants de la croissance dans les déséquilibres vont placer le capitalisme américain dans une situation de plus en plus précaire. L’équation est simple : plus la rentabilité du capital s’accroît plus le modèle de croissance se déséquilibre car la base productive des USA s’effrite inexorablement.

B – La mise en place d’une économie rentière

1° Logique générale de l’économie de rente.

A partir du milieu des années 90, une économie de rente se met en place aux USA. Cette économie rentière est dans son détail assez complexe. Elle résulte de la métamorphose du système financier qui s’autonomise toujours plus pour corriger les faiblesses de la base productive du pays.

La force du marché financier américain est de réussir depuis les années 70 à faire entrer  suffisant de capitaux nets (entrée moins sortie de capitaux) pour rééquilibrer la balance des paiements (commerce, service, revenu des capitaux, transfert sans contrepartie). Le solde des IPD (Intérêt, Profit et Dividende) restant en faveur des USA, le solde net des capitaux ou des flux financiers permet aux USA d’importer une épargne nette gratuite en volume croissant, le pays refinance ainsi le déficit de sa balance des paiements.

Moins la base productive des USA produit valeur et marchandise en quantité suffisante pour que les USA soient à l’équilibre de leurs comptes extérieurs, plus le système financier doit s’accroître pour refinancer l’économie nationale américaine. L’essor de la dérégulation est proportionnelle à l’affaiblissement de la base productive qui confère au système financier un rôle économique accru dans les échanges entre les USA et le monde.

La globalisation financière est donc le sous-produit d’une globalisation commerciale dont nous avons esquissé les causes et les modalités de fonctionnement, elle suppose une modification de la division internationale de la production matérielle au détriment des USA.

2° Perversité de la globalisation financière : le décrochage de l’économie réelle des capacités nationales de croissance.

A dater du milieu des années 90, la dégradation régulière de la balance des paiements a des effets paradoxaux.

1° Les entrées nettes de capitaux financier (IDE inclus)  permettent aux ménages de consommer toujours plus de biens importés, les inégalités croissantes des revenus salariaux s’en trouvent d’autant plus estompés, la rentabilité de l’ensemble du capital est garanti.

2° Les ménages entretiennent une illusion de haut niveau de vie en cessant d’épargner et en consommant. L’investissement suivant la consommation, la croissance tourne à plein régime et la productivité paraît excellente. C’est qu’en effet dans un tel système, la consommation croissante de produits matériels et de services fournit à l’économie nationale des débouchés croissants.

3° La sous-production effective de richesse, se traduisant par une surconsommation de produit étrangers, conduit à une sur-consommation croissante d’épargne étrangère qui induit une surcroissance de l’économie non financière et une impression de dynamisme économique très fort. C’est l’Amérique vendue par les idéologues de services qui se contentent de l’apparence des choses, le PIB et les études de marchés montrent en effet une économie en expansion continue.

Le produit d’un modèle de croissance dans les déséquilibres est de masquer et l’affaiblissement de la base productive américaine qui ne crée plus assez de valeur et de produit matériel servant de base à une croissance saine. C’est paradoxal, mais une économie financiarisée, procédant dans les déséquilibres, finit par s’aveugler sur son niveau de développement économique. Elle est au final incapable de voir les pièges qu’elle met sur sa route ; quand une crise structurelle survient, elle n’a pas d’alternative réaliste.

Dans une économie où la valeur absolue productible est nécessairement inférieure à la valeur effectivement produite par des mécanismes artificiels de croissance, la crise ne peut qu’entraîner un décrochage alignant le niveau de richesse, d’investissement, d’emploi, de revenus sur les capacités de production réelle de valeur de l’économie nationale. C’est ce qui s’est passé en 2008, la crise du crédit, n’a été que l’occasion de cette correction dont la logique générale est dépressive. Une croissance dans les déséquilibres n’a pas de capacité à se rééquilibrer toute seule.

C – Pouvoirs publics : patrimoine et politique monétaire.

L’épargne importée n’arrête pas là ses effets insidieux. Plus un système comme celui-là se met en place, plus il génère des effets pervers rentrés.

1° Les effets négatifs de l’épargne importée nette : les Investissements

L’épargne importée ou substituée peut être vue de deux manières. L’épargne importée en rééquilibrant les comptes extérieurs des USA et le dollar permet aussi de combler les besoins de financement des investissements du pays. L’épargne nette importée doit être complémentaire de l’épargne nette nationalement formée dans une situation marquée par la surconsommation et la désépargne des ménages. C’est ainsi que l’épargne importée permet d’ajuster les besoins d’investissement du pays à l’épargne nationalement disponible. Les investissements nets d’un pays se divisant en investissements résidentiels, investissements publics et investissements productifs, l’épargne importée couvre pour partie une part de chacun des investissements nationaux du pays. C’est ainsi qu’une base productive affaiblie – parce que remisée en seconde place dans les priorités d’un capitalisme globalisé et financiarisé – se trouve dépendre de capitaux étrangers pouvant prendre la forme d’IDE ou de fourniture de capital-argent. Elle permet aussi de financer en partie les infrastructures publiques du pays et  la construction des logements.

Nous sommes typiquement dans la situation d’une économie nationale rentière du système financier globalisé dont elle s’est instituée en tant que centre. C’est une nouvelle forme de dépendance générant un aveuglement sur l’État de l’économie réelle et de la richesse produite par les USA. L’investissement serait plus faible si l’épargne importée n’existait pas. Il s’alignerait sur une consommation à son tour plus modeste, puisque tout le revenu des ménages ne pourraient être consommé sans que les entreprises finissent pas disparaître. Nous retrouvons les effets de taille exagérée de toutes les variables d’une économie rentière dissimulant un affaiblissement de la base productive du pays. La croissance ne peut exister que dans des déséquilibres des comptes extérieurs qui gonflent le PIB.

2° Le compromis national patrimonial et ses dérives : les effets d’une épargne importée sur l’épargne nationale brute nationalement disponible.

* Le jeu des écarts.

L’épargne importée nette vient se fondre avec les sources d’épargne qui abondent le système financier : consommation de capital fixe des entreprises, épargne des ménages, profits non distribués. Et comme elle est gratuite – le solde des IPD est toujours en faveurs des USA – elle produit un effet paradoxal. Elle permet au système financier de se financer sans création d’épargne nationale suffisante. Il faut comprendre comment l’épargne importée peut littéralement pervertir une économie nationale.

L’épargne est la frustration d’une  jouissance immédiate ; pour une économie nationale elle est le moyen de couvrir les investissements qui sont inversement proportionnels au niveau de consommation du revenu constitué des dividendes et d’intérêts versés, des revenus salariaux directs et indirects, des revenus de la propriété des entreprises accaparés par les personnes privées… Sur-consommer et réussir à couvrir les investissements nationaux en important de l’épargne de l’étranger, c’est pour les Américains s’écarter des vertus de l’abstinence qui fonde collectivement un régime sain d’accumulation du capital. C’est demander au crédit extérieur ou à l’épargne importée de financer gratuitement une jouissance immédiate.

Mais avant de jouer cette fonction, l’épargne importée a transité par le système financier dont elle fournit une partie des ressources. En circulant comme épargne étrangère additionnelle, elle contribue ainsi à soutenir le crédit et consolide les bases de la valorisation des actifs financiers – notamment les actions – autant que de l’endettement des ménages et des entreprises financières et non-financière. Cette épargne gratuite importée permet à une économie produisant de la valeur en quantité insuffisante de financer d’une part les actifs financiers et d’autre part les actifs immobiliers. Tant que la somme d’épargne brute nationalement disponible est égale aux emprunts nets du marché financier, la quantité de dette formée à l’intérieur (dette financière) et à l’extérieur du marché financier (dette des acteurs économiques non-financiers) est encore « saine ». L’écart qui se manifeste porte sur la valeur des patrimoines financiers et immobiliers qui bénéficient avec l’épargne importée d’un effet de levier.

La valeur des patrimoines immobiliers et financiers s’accroît sous l’action de l’importation d’épargne produite ailleurs. C’est le second effet de décrochage dont le feed-back est la surconsommation des ménages tirant la croissance, l’investissement, la hausse des productivités. L’élévation de la valeur des patrimoines sans abstinence est alors le signe évident que la croissance se fait de plus en plus sur la base d’un crédit extérieur croissant. Et c’est le modèle de croissance dans les déséquilibres qui génèrent ce phénomène.

L’épargne importée est toute prête à générer un gonflement du système de crédit et la formation de sur-crédit car elle a dissocié de l’économie productive les facteurs de stimulation de la croissance. Elle génère du surcrédit en raison de sa gratuité. Puisque l’investissement est pour partie gratuit, puisque l’épargne n’est jamais nationalement payante, puisque le coût de l’épargne devient insensible (elle est produite en partie ailleurs), alors le système financier peut opérer en son sein un basculement historique : faire commerce d’un argent qu’il n’a pas et générer nationalement un surcrédit existant d’abord dans la sphère financière (Emprunt et prêt du marché financier), ensuite dans la sphère de l’économie réelle sous forme de surendettement croissant des acteurs économiques.

Comme le crédit et l’endettement ne sont plus liés à rien, ils décrochent des capacités de remboursement effectif qui sont le produit d’une base productive de moins en moins capable de supporter un volume croissant de dette. Telle est la cause de l’Insolvabilité nationale des USA qui ne pouvait manquer de causer une crise fondamentale du système économique américain globalisé et financiarisé. La crise est une crise de surendettement généralisé qui se manifeste par un incident ponctuel de crédit – les subprimes – aux effets nécessairement disproportionnés : tout le système entre en turbulence avec pour effet un amorçage de contraction-dépression que les pouvoirs publics (FED & Trésor) vont contrer en catastrophe. La fête est finie.

* La crise des illusions patrimoniales et les taux d’intérêt

Dans le modèle de croissance américaine l’inégalité de revenu est compensée par une valorisation des patrimoines socialement bien différenciée. Les ménages les plus aisés bénéficient du gonflement des valeurs financières, le gros des ménages jouit d’une augmentation de la valeur des biens immobiliers. Ce compromis national-patrimonial a été entretenu par les pouvoirs publics qui ont soutenu le maintien à des niveaux élevés de la progression des prix immobiliers depuis le début des années 70.

Les écarts que nous avons noté ont la particularité d’entraîner mécaniquement une hausse régulière de la valeur des actifs : cette hausse est augmentée de la part d’épargne importée entrant dans le système de crédit, elle est encore plus forte quand le système financier génère du surcrédit.

Le phénomène d’importation d’épargne devient explosif quand les déséquilibres des comptes extérieurs et les inégalités croissantes de revenu conduisent à une baisse du loyer de l’argent afin de dynamiser le pouvoir d’attraction du marché financier et de l’économie nationale américaine tout en entretenant le compromis national patrimonial. La baisse des taux d’intérêt orchestré par la FED est en effet le signe manifeste d’un affaiblissement général de l’économie que dissimule la surcroissance entretenue par les déficits et leurs effets dopant sur l’économie nationale américaine. Quand ces mécanismes subverstissent la sphère financière, l’épargne importée gratuite donne naissance à un crédit sans contrepartie d’épargne réelle et à un surendettement.

La baisse générale du loyer de l’argent a en effet pour effet d’accélérer et d’encourager ce processus ; il ne suffit pas de générer un système économique dépendant d’un crédit extérieur (épargne importée couvrant pour partie les investissements et les besoins d’épargne du marché financier ), il faut encore que l’argent prêté et emprunté ne soit pas cher. La machine économique se met alors à turbiner à toute vitesse.

Le crédit opérant sur une base d’épargne nationale insuffisante et d’épargne importée ne peut alors que s’emballer car l’épargne importée gratuite vient brouiller un peu plus les relations entre création de valeur, richesse, croissance et (sur)endettement généralisé.  Cet emballement se situe à la fin des années 90 quand les déficits extérieurs se creusent et que le coût du crédit baisse. Il conduit directement à la crise.

Une mécanique catastrophique se met alors en place. Le niveau d’endettement de tous les acteurs économiques – administrations publiques exclue – monte sur fond de gonflement de la valeur de l’ensemble des patrimoines détenus. Le PIB s’accroît grâce à phénomène d’endettement et de consommation excessive. Il y a un écart croissant entre la base productive ou la capacité du pays à créer de la richesse, et la sur-croissance de cette richesse qui s’avère dans les faits incapables de supporter les valeurs des patrimoines et le niveau d’endettement du pays. Le secteur privé est  dès cet instant en marche vers l’insolvabilité absolue qu’illustre le niveau d’endettement très élevé des acteurs économiques privés à la veille de la crise, cette inégalité est d’autant plus forte que les revenus des ménages sont très inégaux.

L’effondrement des valeurs patrimoniales entretenue par un double crédit – crédit extérieur et surcrédit – survient brusquement car l’ensemble des mécanismes à la base de leur élévation se dissocie brusquement.  La violence de cette dissociation résulte d’un jeu d’écart croissant entre les réalités d’une économie américaine affaiblie et les illusions de croissance et de richesse que cet affaiblissement a paradoxalement généré.

Selon le diagnostique posé sur l’état de l’économie, la définition de la crise ne peut que changer. Si l’économie américaine est destructurée alors la récession est inévitable et la dépense publique n’a fait que différer les effets de déstructuration qui peuvent encore faire basculer le pays dans la dépression. Si l’économie américaine est dissociée alors une reprise reste envisageable et/ou les effets d’une dépression possible contenus. Dans ce dernier cas, la reprise est impossible et un scénario de Krach lent ou de stagnation sont les plus probables.

Le moins mauvais des diagnostiques supposent d’examiner l’action des pouvoirs publics américains et de tenter de comprendre les limites de leurs actions. Il nous paraît clair que la puissance publique – FED et Trésor – ne peuvent que tenter de substituer l’endettement public à l’endettement privé en utilisant les mêmes procédés. Vente de la dette sur le marché américain et étranger et substitution d’un endettement public à l’endettement privé pour générer de la croissance. En effet la correction réalisée par la crise aligne inexorablement le PIB sur les capacités réelles de création de valeur. Il ne s’agit plus pour les pouvoirs publics que de relancer la machine au prix de déficit public intermédiaire.

II – L’impuissance des pouvoirs publics.

Les structures objectives de la croissance dans les déséquilibres ne permettent plus un rétablissement d’équilibre sur une base nationale, l’effondrement est inévitable. Il faut donc relancer la machine à l’identique alors que ce n’est plus possible. Tel est le drame de l’administration Obama. L’administration Obama cherche à relancer une croissance en valeur de l’économie américaine en substituant provisoirement le crédit public  aux mécanismes de croissance dans les déséquilibres qui ont généré un crédit extérieur massif – épargne importée – et un surcrédit, tous deux produisant un surendettement. C’est un pari fou; dans les fait la crise aligne la  production de valeur sur les capacités réelles d’une économie dont la base productive est depuis longtemps en déclin. Les structures de la croissance autant que les réalités de la production autonome de valeur de l’économie américaine ne peuvent que ruiner cette politique.

Les pouvoirs publics peuvent dans une telle configuration éviter l’effondrement, mais ils ne peuvent pas relancer la croissance car les mécanismes de croissance dans les déséquilibres se retournent contre eux. La dette souveraine et le bilan de la FED se gonflent sans produire de redémarrage de l’activité ; la croissance à crédit étale les effets de la dépression pour la transformer en stagnation ou en Krach lent.  Le risque est évidemment que la dégradation de la crédibilité financière du pays ne finisse pas être atteinte. Telle est la situation actuelle des USA affectés par une crise de sa dette souveraine conjuguée à la tentation d’un QE3 de la FED.

On peut comprendre assez aisément les difficultés de l’une et de l’autre en procédant de manière plus nalytique. On comprend les raisons du fiasco.

A – Relancer la consommation.

Relancer la consommation pose un problème de fonds si l’on tient compte du phénomène de surcroissance de l’économie américaine. En faisant de l’épargne, les ménages alignent leur consommation sur leur revenu après la phase de consumérisme patrimonial des années 2000. Il est donc difficile de les faire à nouveau consommer. L’état fédéral doit se substituer à eux en organisation des transferts sociaux pour soutenir la demande

De même est-il difficile d’obtenir une baisse rapide du chômage ? La montée du chômage et la dégradation de l’emploi sont l’expression d’un niveau d’emploi artificiel, c’est-à-dire d’une surcroissance de l’économie. Il est donc normal que le chômage augmente, c’est le signe d’un retour à la normal du marche de l’emploi.

Il reste à l’état à soutenir la demande par des transferts sociaux massifs. Mais ces transferts posent problème. Le circuit ordinaire de la demande est rompu, introduire des transferts sociaux, c’est injecter de l’argent circulant selon des modalités nouvelles qui ne peuvent qu’exercer un effet indirect sur le niveau de l’emploi. Le soutien à la demande s’accompagne donc nécessairement d’une décrue très lente du nombre des sans-emplois ou des salariés occupant un emploi à mi-temps sous la pression de la crise. Le PIB en comptabilisant les transferts sociaux dans la demande des ménages (le terme personne est statistiquement plus juste) dissimule ce hiatus.

L’effort de relance de la consommation coûte donc très cher et revêt une efficacité très limitée sur une éventuelle reprise, un effondrement est conjuré au prix d’une dégradation lente du crédit public.

B – Soutenir le patrimoine immobilier et le patrimoine financier des ménages

* Immobilier

Les efforts de la FED pour relancer le secteur de la construction et des ventes de logement ancien a rencontré un résultat tout aussi mitigé. Le secteur immobilier est stabilisé, les prix ne s’effondrent plus, la perte de valeur des patrimoines a été enrayée, mais il n’y a pas véritablement d’amélioration sensible de la situation. La stagnation paraît l’emporter sur la croissance. Faut-il s’en étonner ?

Les prix immobiliers ont été tirés vers le haut, comme tous les prix des actifs, par de l’épargne importée et un sur-crédit croissant durant toute la décennie procédant la crise. Le retour à la normal entraîne une réduction de l’épargne importée qui est un des ressort de la hausse des prix des actifs et de la formation du sur-crédit.

Le système financier est bien en peine de financer un immobilier où s’accumulent mauvaise créances, surendettement d’une fraction importante des emprunteurs et défaut de paiement. Quant à la volonté d’emprunter des américains pour financer leur logement elle reflète ponctuellement l’état du marché de l’emploi, la volonté d’épargner  et de se désendetter typiques des temps  de crise, elle traduit aussi une crise de la gestion patrimoniale des logements dont les prix croissant ne peuvent plus être entretenue par des GSE ayant opéré aux limites de la faillite technique et souvent hors de la légalité.  C’est tout le système financier qui ne peut plus jouer la carte de la valorisation des patrimoines immobiliers afin de soutenir une consommation pied au plancher des ménages tirant l’investissement et, partant, la croissance vers le haut.

La crise a commencé à ramener les prix immobiliers à un niveau compatible avec les capacités de financement des ménages, c’est-à-dire avec la richesse des USA. L’arrêt de la baisse des prix sous l’action de la FED est donc une intervention qui retarde des alignements inévitables des prix immobiliers sur le revenu des ménages américains alors que le devenir de l’économie paraît à tout le moins traduire un retour aux réalités les plus élémentaires de l’économie politique.

* Patrimoine financier.

Les opérations de QE1 et de QE2 de la FED ont joué un très faible rôle sur l’économie réelle : tel n’était pas leur objectif. En revanche, ils ont fourni des liquidités à un marché déjà très liquide en raison de la contraction du crédit.  Il en a résulté des effets positifs sur la valeur des actions qui ont repris quelques couleurs après la dégringolade de 2008. Pour autant, cette reprise est illusoire. Les perspectives d’une économie réelle en stagnation et les interrogations sur la dette souveraine ont entraîné un dévissage des bourses en août 2011 qui a annulé les effets de QE1 et de QE2.

Si l’on admet que QE1 visait à restaurer les prix immobiliers et QE2 à garantir la consolidation de la dette fédérale, force est d’admettre que la FED a enregistré des résultats médiocres sur toute la ligne.

Pouvait-il en être autrement ?  La valorisation des actifs financiers ne peut dépendre durablement d’opération ponctuelle de QE. C’est l’économie réelle qui assure leur valorisation, et cette économie réelle paie depuis 2008 durement ses déséquilibres et sa surcroissance. Pour le dire autrement, l’ensemble des actifs financiers à valeur variable se sont lentement surévalués à mesure que les déséquilibres des comptes extérieurs se creusaient. La surcroissance a donné l’impression d’une forte dynamique de l’économie non-financière américaine stimulant la valorisation des actifs financiers sur la base des résultats des entreprises; les soldes financiers positifs ont produit à leur tour un effet de levier sur les valeurs variables des actifs en donnant au marché américain un niveau de liquidité exceptionnelle.  Le surcrédit et l’argent facile ont encore poussé vers le haut la valeur des actifs financiers.

La crise est simplement en train d’aligner les valeurs des actifs financiers sur les réalités économiques des USA, l’effet de décrochage de la valeur des actifs financiers est inévitable dans une situation où l’ensemble des déséquilibres  produisent des effets vicieux. La FED a simplement gagné du temps, elle n’a apporté aucune réponse articulée solide à la crise de l’économie financière et de l’économie réelle. C’est logique, il n’y en a pas.

C – L’investissement

L’état fédéral s’est efforcé de favoriser l’investissement par une baisse de la pression fiscale, il est très difficile de mesurer les effets des baisses ou remise d’impôt et des aides consentis par les administrations publiques fédérales et subfédérales aux USA depuis 2008.

Les résultats de ses stimuli fiscaux ont été plus que mitigés. Les entreprises américaines n’ont pas cessé d’investir, mais elles ont avant tout cherché à rationaliser leur production afin d’augmenter leur ouput en consommant moins de travail. Dans le même temps, la situation dégradée de l’emploi leur a permis d’imposer de très faible progression de salaire.

Dans une économie en surcroissance, la hausse de la productivité se faisait à niveau d’emploi croissant en raison même du caractère artificiel de la croissance, le partage de la valeur restait défavorables au travail  Dans une économie en stagnation – pour ne pas dire en contraction réelle – les mécanisme à l’œuvre font jouer la productivité contre l’emploi alors que les conditions de partage de la valeur ajouté sont plus défavorables aux salaires et au niveau d’emploi. Qui plus est la logique de recherche de restauration des marges et de gains de productivité à pour effet paradoxal une augmentation des capacités brutes de productions auxquels fait défaut un réel débouché assuré auparavant par la surconsommation des ménages.

La politique d’aide à la demande et d’aide à l’investissement sans les mécanismes de surcroissance ont pour effet final de réclamer de la dépense publique l’entretien d’un niveau de demande que l’économie réelle est hors d’Etat de fournir. On retrouve le mécanisme d’alignement vers le bas de l’emploi, de soutien de la demande aux frais du crédit public. Il se conjugue pour l’instant avec une augmentation de la productivité et des capacités de production qui peuvent plaire aux analystes financiers. Mais d’un point de vue global, l’investissement joue contre la croissance et contre l’efficacité économique d’une forte demande des ménages, il contribue encore à creuser les déficits publics puisque le niveau de la demande est soutenu par les transferts sociaux, les emprunts du trésor pour le compte de tiers, des remises d’impôt…

Si le chômage reste élevé et que la demande est soutenue artificiellement par la dépense publique, alors un arrêt de la dépense entraînera les entreprises américaines dans une crise de suraccumulation relative et de sous-consommation accrue des ménages. Le processus à l’oeuvre est explosif, la dépense publique ne fait que l’occulter et le différer.

On retrouve les mécanismes de formation de la dette publique qui sont le pendant d’une véritable fuite en avant visant à différer des effets les plus déstructurants de la crise. C’est engager l’Etat fédéral et toute la société américaine dans une coûteuse impasse dont le dénouement pourrait être tragique.

III – Les raisons du blocage.

Nous pouvons dorénavant  comprendre les blocages de la gestion de crise américaines et le choix d’une réponse quantitative permettant de gagner du temps : la dette souveraine traduit une inversion des mécanismes « vertueux » de la croissance des trente dernières années.  Ce sont ces mêmes mécanismes qui jouent aujourd’hui contre la croissance, ils sont simplement en phase de précipiter l’économie américaine dans une récession nouvelle, voire une dépression.

La reprise a été attendue, tout indique qu’elle ne viendra pas. La stagnation est attendue, rien ne dit qu’elle ne se transformera pas en récession ou pire encore. Après tout, c’est une dépression qui s’amorçait en 2008-2009, il est concevable que l’effondrement de l’économie américaine n’ait été que retardé par le creusement de la dette souveraine. Un ralentissement marqué des déficits publics, une politique de rigueur excessive pourraient précipiter les USA dans une crise d’une intensité au moins égale à la crise de l’hiver 2008-2009. L’alerte d’août 2011 témoigne de la profondeur des craintes, dette publique insoutenable à terme et croissance pouvant ralentir ou chuter ont brusquement mis en avant l’irrésolution de la crise au terme de 3 années de creusement des déficits publics.

D’où la question de fonds : qu’est-ce qui bloque ? La réponse n’est pas simple.
La première raison, c’est bien évidemment les choix faits depuis 30 ans. Si ces choix ont créé une richesse en partie artificielle pour les USA, changer le modèle de croissance s’avère extraordinairement difficile. Les décisions politique supposerait un courage extraordinaire alors qu’aucun consensus public ne peut être formé. Ce sont les crises qui en régime capitaliste permettent des transformations de fond, la démocratie est impuissante quand une structure économique et sociale d’un pays et l’insertion d’une économie dans les échanges mondiaux se mettent à « turbuler ». Le problème est que les USA sont un pays autant une économie nationale qu’une économie monde en raison de leur poids et de leur place dans la production, les échanges et les flux financiers mondiaux.

On ne saurait toutefois réduire l’impuissance présente des USA à un effet systémique. Ce sont les classes dirigeantes qui ont profité de l’affaiblissement des USA, elles se sont enrichies à mesure que les USA perdaient en puissance relative. Il y a eu consentement des élites américaines au déclin du pays et mise en oeuvre d’une croissance dans les déséquilibres permettant d’acheter la paix sociale.

Les Américains les plus aisés (10 % de la population en comptant large, 2-3 % de la population en étant simplement réalistes)  n’ont aucun intérêt à changer de modèle de croissance. Il leur faudrait en effet renoncer à des extractions de revenu très favorable (salaire, prime, clause de départ, stock-options, dividende, intérêt des placements et dividende) et à des  gonflements de valeur des patrimoines générés par les cessions d’actifs ou leur valorisation spéculative.

Les ménages américains fortunés ont intérêt à entretenir l’illusion d’une sortie de crise rapide que colportent leurs petits commis: politiciens, journalistes et faiseurs d’opinion profitant grassement du système. Les revenus dérivés du travail et du patrimoine – avec leurs effets d’enrichissement – sont incompatibles avec un changement de trajectoire de la société américaine. Nous retrouvons les effets correcteurs d’une crise devant aller jusqu’à son terme pour modifier les règles du jeu.

Il s’ensuit qu’une remise en cause de la globalisation et de l’Utopie des marchés ouverts – sensés allouer au mieux les ressources – est strictement impossible. Ce serait remettre en cause les intérêts des USA, intérêts étroitement confondus avec une structure économique qui profite de manière très inéquitable à tous les Américains. Les USA peuvent se trouver au bord d’un précipice, la dépense publique, c’est un pas en arrière et, peut être aussi, deux pas en avant,

Le blocage tient aussi de la structure sociale dans son ensemble. Peu ou prou les américains ont un intérêt national à se bercer de l’illusion que tout pourrait continuer comme avant après une crise purgative. Il n’en est hélas rien mais il est extrêmement difficile de faire comprendre aux citoyens d’une économie nationale rentière qu’elle a vécu au dessus de ses moyens et que le retour à la normale imposera un appauvrissement relatif de toutes les composantes de la population. La mise à jour de la situation réelle du pays entraînerait en effet une crise idéologique sans précédent depuis les années 30. Les Américains ont sans doute vécu dans des illusions de richesse, mais ces illusions sont aussi des productions sociales mensongères.

Dans le meilleur des cas, ce blocage ne peut déboucher sur une stagnation durable de l’économie américaine.

Conclusion

Les USA sont-ils condamnés à se confronter à des difficultés majeures dans les mois ou les trimestres qui viennent. La réponse est  positive en raison de blocages politiques, économiques idéologiques et sociaux rendant des scénarii de sortie de crise peu probables. Le risque sur la dette souveraine résulte de ce mixte d’intérêt borné, de représentations idéologique fermée, de mystification collective et d’illusions bienfaisante. C’est un édifice vermoulu que la croissance de la dette publique soutient.

Une réforme fiscale est indispensable, les revenus les plus aisés devraient contribuer lourdement à sortir le pays d’une crise dont les tenants leur ont été si longtemps profitables. Ils portent une responsabilité écrasante dans les difficultés du pays en raison de leur cupidité féroce. Il existe encore d’autres marges de manoeuvre ; il faudrait arrêter les gabegies en matière de défense, de santé ou d’énergie et repenser toute la fiscalité. Les investissements d’avenir ne se feront qu’au prix d’une répartition nouvelle des revenus et des ressources nationales. Rien n’est réellement fait dans cette direction aujourd’hui ou si peu… Le vide est sidéral, il explique que la dette fédérale soit la réponse à la crise.

La sortie de crise des années 70 a rencontré ses limites. Une redéfinition de l’insertion des USA dans le commerce et la division internationale du travail impliquerait de mettre en place des tarifs et quotas protecteurs. Le développement du marché n’est pas entravé quand les économies négocient leur degré d’ouverture en fonction de leurs intérêts économiques, financiers, fiscaux et sociaux. Le marché mondial a connu une de ces plus fortes phases d’expansion entre 1870 et 1914 sans que les protections douanières aient été abolies pour autant. Les USA – et plus largement l’ensemble des pays de la zone atlantique – ne pourront retrouver des croissances saines qu’à condition de mettre un frein aux dumpings financiers, fiscaux, sociaux et environnementaux que les pays émergeants pratiquent sans vergogne.

L’interdiction de ce débat et la stigmatisation de ces thèses est intimement liée aux phénomènes que nous avons examinés dans ce post. La dette publique s’accroît en raison d’une fermeture idéologique intimement liée à la reproduction d’un modèle de croissance en perdition. Une maxime de conservation semble inspirer les défenseurs d’un modèle libéral de croissance à bout de souffle : ne rien changer pour ne rien changer. La croissance aveugle de la dette publique n’a pas d’autre origine. La reprise n’en est pas plus certaine, la stagnation probable, la récession possible, l’effondrement général envisageable.

Crise USA

(Merci à Balinou)

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