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Par Cécile Chevré

« La destruction du navire amiral Ottoman à Chios», Constantine Kanaris (1793–1877)

Que nous a appris cette nouvelle crise de la dette souveraine ? A prendre le large. Non, ne sautez pas tout de suite dans votre canot avec votre ration de biscuits de survie, plusieurs bonbonnes d’eau douce et un sac à dos rempli de lingots d’or. Pas besoin d’en arriver à de telles extrémités. Mais un véritable changement d’ère se prépare.

Un monde en mutation

Nous pourrions résumer ainsi — un peu grossièrement, je vous l’accorde — ce qui s’est passé cet été :

1. La plus grande puissance économique au monde s’est avérée ne pas être un emprunteur si fiable que cela.

2. Les “pays riches” se sont révélés être les nouveaux pauvres. Trop de dettes et pas assez d’argent pour les rembourser.

3. Les anciens “pauvres” — Chine en tête — ont sévèrement sermonné nos anciens “riches” sur leur gestion écervelée de l’argent public.

Nous sommes en plein changement de paradigme. Et la crise de la dette souveraine n’en est qu’un énième rebondissement.

Que s’est-il passé ? Cela ne date pas d’hier. Les entreprises occidentales, à la recherche d’un surcroît de rentabilité, ont massivement délocalisé leur production vers les émergents.

En parallèle, ces pays ont mis en place une industrie essentiellement orientée vers la production de biens de consommation à notre destination. Notre consommation dépend donc de plus en plus des exportations de ces pays. Nous avons voulu des ordinateurs, des voitures, des vêtements, de l’électronique moins chers. Nous sommes devenus dépendants, pour ne pas dire accros, à ces iPads, télévisions à écran plat ou encore ces chaussures de sport abordables.

▪ Anciens riches débiteurs des anciens pauvres

Nos États — privés en grande partie de leur force de production mais continuant à vivre au-dessus de leurs moyens — ont dû s’endetter… et de plus en plus auprès de ceux qui avaient suffisamment de liquidités, c’est-à-dire les émergents. En quelques années, la Chine est ainsi devenue le premier prêteur des États-Unis.

Comme le rappellent peu subtilement les avertissements légaux des publicités pour le crédit, s’endetter engage… à rembourser ses dettes. Une réalité toute simple que les États semblent avoir complètement oubliée.

▪ A la recherche de l’introuvable consommateur occidental

Le discours officiel est que le crédit permet d’encourager la production et donc la croissance. La croissance favorise la consommation mais aussi les rentrées fiscales. Bref, c’est un cercle vertueux.

Mais que se passe-t-il quand les rouages de ce cercle sont grippés ? Quand, par exemple, l’appareil de production a été presque entièrement délocalisé ? Ou encore quand les consommateurs, assommés par leur endettement, au chômage ou craignant pour leur niveau de vie, sont obligés de moins consommer ? C’est un cercle vicieux.

La crise de 2008 et les crises qu’elle induit — comme l’actuelle crise du crédit souverain — ne sont pas des crises “normales”. Ce sont des crises qui annoncent une totale redistribution des forces en jeu. Le pouvoir économique se déplace lentement mais sûrement vers les émergents, vers l’Asie, l’Amérique latine…

Évidemment, un tel bouleversement ne se fait pas en un jour, ni sans heurts. Des craintes de surchauffe pèsent ainsi sur l’économie chinoise. La question géopolitique ne doit pas non plus être sous-estimée. Un éclatement politique de l’empire du Milieu pourrait durablement affaiblir son économie.

La Chronique Agora

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