Par Marc Rousset, économiste, écrivain et auteur de La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou.
Maurice Lévy et un grand nombre de patrons du CAC 40, victimes de leurs mauvaises consciences et du « faire parler de soi » démagogique dans notre société médiatique décadente, n’ont trouvé rien de mieux pour nous sortir de la crise économique que de proposer de taxer les super-riches ! L’hypocrisie de ces Messieurs n’a pas de bornes! C’est l’Hôpital qui se moque de la Charité.
Quinze patrons du CAC 40 qui gagnent en moyenne plus de 3,06 millions, stock options et actions gratuites comprises proposent en fait de distribuer quelques miettes de leurs brioches au peuple, afin de sortir les Français de leurs difficultés : ils proposent la taxation de tous les super-riches pour un montant d’environ 300 millions d’euros, en plein débat sur une dette publique de 1675 milliards d’euros, ce qui revient à faire prendre aux Français des vessies pour des lanternes.
Or comme chacun sait, c’est avant tout et seulement en diminuant en France les dépenses publiques qui dépassent de 160 milliards d’euros celles de l’Allemagne, avec les salaires d’un trop grand nombre de fonctionnaires qui représentent en France 13% du PIB contre 7% en Allemagne, en passant à l’immigration zéro (coût de 40 milliards d’euros par an pour la France), en réindustrialisant l’Hexagone grâce à la préférence communautaire et à la suppression du libre échange mondialiste, que l’on arrivera à un budget équilibré !
Le gouvernement actuel, au-delà de ses propos lénifiants, se moque des Français en augmentant les impôts, alors que le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, soit une véritable source d’économies, sert en fait, pour 70% de ces sommes, à améliorer le statut de telle ou telle catégorie de fonctionnaires. A quand la suppression de l’inutile Conseil Économique et Social ?
A quand la suppression de certaines niches, comme celles sur les primes des retraites des fonctionnaires d’outre-mer ou les régimes spéciaux chers aux socialistes et aux syndicats, tout aussi immoraux que les grands patrons, juste capables de réclamer une augmentation des impôts et des prélèvements publics ruineux déjà les plus élevés d’Europe !
Contrairement aux affirmations de Proudhon : « la propriété c’est le vol ! », les rémunérations et les stock options des patrons dans les grandes entreprises, voilà le véritable vol ! Si la rémunération est la contrepartie du risque, de la réussite et des responsabilités, alors personne n’est capable d’expliquer pourquoi un patron du CAC 40 peut gagner 300 000 euros par mois alors qu’un patron de PME touche en moyenne un peu moins de 5000 euros dans le même temps. Il est temps de supprimer les stock options dans les grandes entreprises car elles ne comportent absolument aucun risque propre à l’entrepreneur et ouvrent droit à des plus values éhontées injustifiées. Les trois quarts des Français sont favorables à la fixation d’un salaire maximal pour les grands patrons.
John Pierpont Morgan, le fameux banquier américain, refusait de prêter de l’argent à des entreprises où l’écart de salaire avec un employé était supérieur à 20 fois. Henry Ford, lui, estimait que ce facteur devait être de quarante. Or rien que pour leurs salaires fixes, hors stock options, les grands patrons gagnent en moyenne plus de 150 fois le SMIC. Il y a vingt ans, Jacques Calvet, PDG de Peugeot gagnait 36 fois le salaire minimum et cela choquait ! L’instauration d’un salaire maximum est un impératif économique et de justice sociale.
Même les aristocrates à la veille de la Révolution ne bénéficiaient pas de tels privilèges car la grande majorité avait encore le sens de l’honneur, et n’hésitait pas à payer l’impôt du sang, un de leurs fils étant toujours destiné à la carrière militaire ! Pourtant, dans la nuit du 4 août 1789, les députés de l’assemblée nationale constituante, dans un bel élan mythique d’unanimité correspondant en fait aux intérêts bien compris de la bourgeoisie, proclamaient l’abolition des droits féodaux et de divers privilèges.
Nos sociétés européennes doivent revenir au capitalisme rhénan, substituer à l’irrationalité financière et à la valeur actionnariale, des valeur sociétales. L’ancien président allemand Horst Köhler, très courageusement, peu avant sa démission, n’avait pas hésité à dénoncer les salaires des grands patrons et le « monstre » constitué selon lui par les marchés financiers. Il convient donc d’opposer à la logique actionnariale celle des différentes parties prenantes de l’entreprise (les « stakeholders » par opposition aux « stockholders »). La finalité de l’entreprise n’est pas de satisfaire les seuls actionnaires, mais de prendre en compte les attentes de tous les ayant droit de l’entreprise : actionnaires, clients, fournisseurs, personnel, pouvoirs publics, environnement, etc.
Il apparaît que seule la pratique d’une logique d’ayant droits peut permettre d’éviter le piège tendu par la mondialisation. C’est à l’Etat seul, par des lois, une stratégie économique industrielle, une politique fiscale intelligente et surtout des droits de douane, à la Commission de Bruxelles par un retour aux sources de la CEE, aux citoyens par leurs votes, qu’il appartient de réagir et non aux chefs d’entreprise attirés par l’appât du gain personnel, subissant les contraintes du compte d’exploitation ou pieds et poings liés par la crainte de perdre leurs postes !
Platon, lui-même écrivait dès l’Antiquité : « Si un État veut éviter (…) la désintégration civile (…), il ne faut pas permettre à la pauvreté et à la richesse extrêmes de se développer dans aucune partie du corps civil, parce que cela conduit au désastre. C’est pourquoi le législateur doit établir maintenant quelles sont les limites acceptables à la richesse et à la pauvreté » (1). Voilà ce qu’on attend d’une bonne et intelligente gouvernance franco-allemande. Un « Main Street » continental européen doit succéder à Wall Street !
La France crève non pas d’un seul mal, mais de deux maux en apparence opposés qui cumulent en fait leurs effets dévastateurs : le capitalisme financier anglo-saxon et le socialisme de Madame Martine Aubry. IL importe de garder les vertus et les incitations des véritables entrepreneurs, avec l’innovation, comme l’a montré Joseph Schumpeter (2) ! Ce sont les entrepreneurs seuls qui créent des emplois, pas les grands patrons, pas les paroles des hommes politiques et encore moins les propos lénifiants ainsi que les mesures socialistes dévastatrices. Toutes les grandes entreprises multinationales telles que Michelin, Carrefour ou Microsoft ont commencé avec un entrepreneur dans un hangar ou dans un petit atelier.
N’oublions donc surtout pas, en supprimant les privilèges iniques des grands patrons le 4 août 2012, au-delà de ce que disait Platon, afin de ne pas nous tromper de combat, afin de ne pas tomber de Charybde en Scylla, ce que déclarait Abraham Lincoln, né dans une cabane, chez un couple de fermiers : « Vous ne pouvez pas créer la prospérité en décourageant l’épargne. Vous ne pouvez pas donner la force au faible en affaiblissant le fort. Vous ne pouvez pas favoriser la fraternité humaine en encourageant la lutte des classes. Vous ne pouvez pas aider le pauvre en ruinant le riche. Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu’ils pourraient et devraient faire eux-mêmes ». Winston Churchill ne disait pas autre chose lorsqu’il prétendait que « le vice du capitalisme est la répartition inégale des richesses et que la vertu inhérente au socialisme est l’égale répartition de la misère. »
Notes :
(1) Platon – L’esprit des Lois
(2) Joseph Schumpeter – Capitalisme Socialisme et Démocratie -1942
(Merci à Eisbär)