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Depuis quelques semaines, les signaux d’alarme se multiplient. Et ce qui paraissait inenvisageable il y a encore six mois devient de plus en plus vraisemblable, à telle enseigne que l’hebdomadaire anglais The Economist lui a consacré une couverture en août : la double récession, le “double-dip” tant redouté au plus fort de la crise, en 2008-2009, est en train de devenir réalité, même si beaucoup d’économistes, craignant sans doute d’alimenter une prophétie autoréalisatrice, préfèrent pour l’instant parler de “croissance molle”.

Emploi - Logement - Saisies immobilières - Wall Street - Crédit - Ventes à découvert - Dette... Obama : "J'aimerais que ce soit une récession en 'double dip'" (NB : termes qui peuvent aussi désigner une glace à deux étages) - Caricature américaine, 2010

La récession en “double dip” ou la courbe en W

La définition du “double-dip” est relativement simple, même si les économistes se plaisent à débattre de la forme exacte de la courbe : il s’agit de deux périodes de récession entrecoupées par une brève période de croissance. L’exemple le plus couramment cité est la crise qui a touché les Etats-Unis au début des années 80 : l’économie est tombée en récession de janvier à juillet 1980, puis a retrouvé des couleurs au premier trimestre 1981, avant de resombrer entre juillet 1981 et novembre 1982. En cause : une remontée mal dosée des taux pratiqués par la Federal Reserve (banque centrale américaine), alors dirigée par Paul Volcker, pour contrer l’inflation galopante.

Combinée à une hausse trop brutale des taux d’intérêt, une stimulation excessive de l’économie par les autorités peut contribuer à alimenter une croissance peu durable, qui finit par s’éteindre, ouvrant la voie à une seconde période de récession. Les politiques d’assouplissement monétaire (“quantitative easing“) opérées à deux reprises par les autorités américaines sont largement pointées du doigt dans le risque de “double dip” qui plane actuellement sur l’économie américaine.

Des indicateurs économiques déprimés

Alors que les craintes semblaient s’éloigner au début de l’année 2011 grâce à des chiffres encourageants, l’économie mondiale ploie depuis environ trois mois sous les mauvaises nouvelles. Mauvais chiffres de l’emploi aux Etats-Unis, avec un chômage autour des 9 %, doutes sur le lancement du nouveau plan de sauvetage de l’économie grecque, recul de la production industrielle au premier semestre dans la zone euro, croissance revue à la baisse dans la plupart des pays de l’OCDE, inflation préoccupante dans les pays émergents… La liste est longue.

Le plus inquiétant est peut-être le recul de la production industrielle enregistré dans la zone euro au second trimestre 2011, ce qui ne s’était pas produit depuis deux ans, selon des données compilées par la société d’information financière Markit. Pour les économistes, ce recul de l’activité traduit la réticence des industriels à investir et leur tendance à conserver leurs actifs par crainte des turbulences à venir.

Des mauvaises nouvelles qui ne sont pas passées inaperçues : les marchés sont déprimés depuis le début du mois d’août, et même si tous les économistes ne sont pas convaincus du risque de récession (article réservé aux abonnés), un sondage cité vendredi par le Wall Street Journal mettait en évidence le pessimisme des financiers : six spécialistes sur dix estiment en effet qu’une nouvelle récession interviendra dans les 18 prochains mois.

Pour Paul Krugman, lauréat du “prix Nobel” d’économie, “une convalescence qui se traduit par une croissance si lente que le chômage augmente et que les entreprises restent en surcapacité, n’est pas une réelle convalescence“. Krugman s’exprimait ainsi dans un billet posté sur son blog en juillet 2010 et citait un analyste de Goldman Sachs qui s’alarmait de “la pléthore de logements vides, les tensions sur les budgets locaux et fédéraux, la pénurie de crédit et les faibles création d’emploi“. Un an plus tard, la situation semble avoir peu changé. D’autant plus que depuis, un certain nombre de mesures ont été tentées pour redresser la barre et que les gouvernements commencent à être sérieusement à court de munitions.

Quelle marge de manœuvre ?

Andrew Wells, responsable mondial des investissements en produits de taux pour le fonds Fidelity, estime dans une note interne qu’une nouvelle vague d’assouplissement quantitatif aux Etats-Unis est peu probable dans l’immédiat : “La barre est maintenant beaucoup plus élevée que lors des dernières phases de relance, les anticipations d’inflation progressent et les investisseurs commencent à s’interroger sur l’efficacité de nouvelles mesures, dans la mesure où les économies développées sont déjà inondées de liquidités“.

Même son de cloche pour l’économiste Nouriel Roubini, l’oracle pessimiste de l’économie mondiale. Le risque de récession reste pour lui très fort dans les pays développés, et surtout aux Etats-Unis, et la croissance des pays émergents montre des signes de correction. “Le problème est que les gouvernements manquent de ‘cartouches’” explique-t-il sur Bloomberg. “Les plans d’austérité engagés pour diminuer la dette sont tout ce qui reste aux gouvernements, mais ces plans ont tendance à renforcer les risques de contraction de l’économie“.

Interrogé sur la fragilité des banques et la possibilité d’un nouveau “Lehman-Brothers” (le 15 septembre 2008, Lehman Brothers, une des principales banques américaines, faisait faillite), Roubini souligne que “la profitabilité des banques dépend directement de la bonne santé des économies nationales et mondiale“. Il rappelle que risque souverain et risque bancaire sont intimement liés : “Personne ne souhaite un nouveau Lehman-Brothers, mais un pays ‘too big to fail [‘trop gros pour faire défaut’] peut se révéler ‘too big to save [‘trop gros pour être sauvé’]”.

Pour un certain nombre de pays, le seul levier sur lequel il est possible d’intervenir dans l’immédiat est le niveau des taux directeurs. Après les avoir relevés pour contrer une inflation inquiétante, beaucoup de pays émergents, en dernière date le Brésil, ont abaissé leurs taux afin de ne pas brider le dynamisme économique. Selon une note interne des analystes de BoFA Merrill Lynch Global Research, la BCE ne devrait pas prendre de décision sur ses taux avant le premier semestre 2012, et à la condition que les anticipations d’inflation soient revues à la baisse.

Le Monde

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