Les hôpitaux français devraient mieux s’armer pour lutter contre les discriminations et mieux valoriser la diversité. Ce sont les conclusions de l’étude du Centre Migrations et Citoyennetés de l’IFRI intitulée « La “diversité” à l’hôpital : identités sociales et discriminations » [à télécharger plus bas].
Conduite par Christophe Bertossi, le directeur du Centre, et Dorothée Prud’homme, l’étude, publiée le 29 août, a été réalisée entre mars 2009 et décembre 2010 avec le soutien de la HALDE, absorbée en mai par le Défenseur des Droits, du Conseil Régional d’Ile-de-France, de la Fédération Hospitalière de France (FHF) et de la Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP).
La diversité dopée par l’universalisme du soin
Pour mener à bien l’étude, quatre établissements hospitaliers de la région parisienne ont été choisis, dont trois situés dans des départements dont les difficultés socio-économiques s’allient à une très forte mixité ethno-culturelle et religieuse.
Premier constat : l’hôpital est à l’image de la société française et « la “diversité” est aujourd’hui une réalité importante des établissements hospitaliers en France. L’hôpital public et privé emploie un personnel très diversifié socialement et culturellement et lui offre des opportunités de mobilité sociale ascendante », constituant ainsi « une ressource qui permet à l’institution de recevoir une population elle-même très diversifiée, issue de l’immigration ou originaire des DOM-TOM », peut-on lire dans le rapport.
Bien que les populations minoritaires soient surreprésentées dans les fonctions les moins qualifiées et que le personnel étranger qui, à diplôme et à missions équivalents, n’accède pas souvent aux positions d’encadrement que ceux de nationalité française, la diversité « revêt une importance particulière pour les personnels issus de l’immigration postcoloniale qui, de “publics à intégrer”, se transforment en “agents d’intégration” : par le soin, ils travaillent aussi à l’intégration de la société » et réussissent à faire la jonction entre l’universalisme des soins et le « particularisme culturel », qui « leur apparaît comme un moyen d’être un meilleur professionnel en produisant un soin adapté et réussi à destination d’usagers eux-mêmes issus de l’immigration », note l’étude.
Les “bricolages” nécessaires mais à valoriser
En l’absence de règles institutionnelles claires en la matière et de formation à la gestion de la diversité dans les établissements de soins, note le rapport, « le personnel médical et paramédical est souvent contraint à des “bricolages” », pour prendre par exemple en charge correctement les patients ne parlant pas français ou permettre le respect des préférences ou des interdictions alimentaires.
Le personnel issu de l’immigration se voit valoriser dans cette tâche car il sait utiliser des compétences culturelles et linguistiques adaptées aux patients nécessaires au bon fonctionnement du service, quitte à « contourner parfois les règles formelles à partir d’appréciations de la situation par les responsables des services – par exemple, accepter la nourriture extérieure à l’établissement », mais nécessaires pour assurer le bon fonctionnement des services, ajoute le rapport.
Toutefois, ces compétences du personnel issu de la diversité ne sont pas reconnues sur le long-terme. Le rapport recommande leur valorisation sur la base du volontariat et sans jamais tomber « dans le piège de l’attribution identitaire », nous déclare M. Bertossi. « Un médecin doit rester un médecin et non un immigré de service », précise-t-il.
Le racisme banalisé, le phénomène méconnu
« Être raciste à l’hôpital est plus difficile que dans d’autres institutions » du fait de la forte diversité du personnel et des patients, selon M. Bertossi mais les établissements hospitaliers ne sont pas exempts de tout phénomène du racisme, dont la lutte n’apparaît que rarement comme une priorité par les directions. Les cas de discrimination raciale sont fréquemment signalés par les enquêtés, notamment celle des patients à l’égard des soignants en raison de l’origine réelle ou supposée de ces derniers, « sous la forme d’une remise en cause de leur compétence ou de refus de soin. »
« Le plus souvent, le personnel médical et paramédical banalise ces attitudes et propos racistes » en y faisant abstraction pour pouvoir faire leur métier et soigner tous les patients mais également en les justifiant par l’âge, la maladie ou la fragilité du patient, qui les « excusent ».
Peu de conflits sont étalés sur la place publique, les professionnels de santé préférant un règlement des conflits « sur place ». Or, « le règlement “local” des expériences de discrimination raciale laissent les directions dans l’ignorance de l’ampleur du phénomène. » La reconnaissance de l’existence du racisme au sein des établissements hospitaliers est le premier pas vers une meilleure gestion du problème. […]