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Alors que l’économie islandaise semble trouver le chemin de la sortie de la terrible crise dans laquelle elle était plongée depuis 3 ans, serait-il raisonnable de laisser couler des banques comme l’a fait le gouvernement islandais après la crise financière de 2008 ?

L’ex-Premier Ministre islandais est jugé actuellement pour avoir laissé les trois banques nationales s’effondrer lors de la crise économique de 2008. Sa défense? Souligner que l’Islande s’en tire bien, alors que la Grèce, sous perfusion, est plus que jamais empêtrée dans la crise. Un exemple à suivre ?

Les Islandais n’ont pas laissé couler leurs banques, ils les ont nationalisées. Le cas islandais est un cas extrêmement particulier. Il n’y avait pas de menace de panique bancaire car les banques étaient déjà toutes touchées. Les trois grandes banques allaient faire faillite.

L’Islande est une toute petite économie, 300 000 habitants, où les banques islandaises récupéraient des dépôts et des financements de l’extérieur du pays pour financer des projets à l’extérieur du pays. Laisser les banques islandaises avoir des difficultés graves avait donc beaucoup moins d’impact sur le pays. Si les banques françaises se finançaient à 95% en Chine par exemple, leur faillite toucherait beaucoup moins l’économie de la France.

Regardons à nouveau l’économie de l’Islande. Les actifs des banques islandaises représentaient environ entre 900% et 1000% du PIB islandais. Donc elles prêtaient énormément plus que le revenu national. Et elles empruntaient beaucoup plus de dépôts que les dépôts islandais, notamment en Grande-Bretagne. Le cas islandais est très particulier car même en laissant les banques faire faillite, en faisant une approche coût/bénéfice, on voit que le coût de leur renflouement aurait était très élevé et que les laisser faire faillite touchait beaucoup plus les pays étrangers que l’économie domestique, on pouvait donc les laisser faire faillite.

Au-delà du cas islandais qui est donc très spécifique, la réponse à la question de laisser couler des banques en grande difficulté ou non est globalement négative. Car si on laisse les banques faire faillite, il y a deux conséquences dangereuses.

La première conséquence est que si une banque fait faillite, même une banque mal gérée qu’on aurait voulu “la punir”, cela risque d’entraîner des faillites de banques saines. On appelle ça une externalité négative en jargon économique. Par exemple, si demain une banque aussi importante que la Société Générale fait faillite car elle a mal investi dans la dette publique grecque (ceci est un juste exemple), il existe un risque important que cela génère une panique bancaire du fait que les déposants français de toutes les banques retirent leur argent de toutes les banques en même temps. Et s’il y a une panique bancaire sur une banque, même saine, elle fait faillite.

Les faillites bancaires sont donc contagieuses. Ce n’est pas pareil que la faillite d’une entreprise classique. Il y a un canal de transmission psychologique qui fait que quand une faillite bancaire a lieu, et c’est historiquement constaté, les faillites bancaires s’enchaînent. Par ailleurs, les banques ont des engagements les unes par rapport aux autres, et si une banque mal gérée fait faillite et que cette banque mal gérée devait beaucoup d’argent à une banque saine, la banque saine se trouve elle aussi dans une mauvaise situation financière. Cet argument joue surtout pour les banques de taille importante. Si une petite banque fait faillite demain en France, l’impact psychologique sera beaucoup moins important que si c’était la Société Générale. On parle de « too big too fail », trop grande pour qu’on la laisse faire faillite.

La deuxième conséquence négative d’un enchaînement de faillites bancaires, c’est que ça provoquerait une très forte réduction du financement de l’économie. C’est parce qu’on a laissé les banques faire faillite après la crise boursière de 1929 qu’il y eut ensuite une très grave crise économique. Septembre 1929, dans un premier temps, c’était uniquement un krach boursier, et après tout, la bourse qui chute c’est arrivé plusieurs fois dans l’histoire sans que cela provoque une situation économique avec 25% de chômage comme ce fut le cas dans les années 30 aux États-Unis ou en Allemagne. En 1987 par exemple, il y a eu un important krach boursier, sans conséquences. Si on prend la bourse actuellement, elle a perdu en trois ans approximativement la moitié de sa valeur, et pourtant il n’y a pas eu une crise économique de la même ampleur que dans les années 30.

Car à l’époque, après le krach, les banques ont fait faillite. Elles avaient prêté beaucoup d’argent aux particuliers pour qu’ils investissent en bourse, et comme cette bourse a chuté, ils n’ont plus pu rembourser. Les déposants ont eu peur et ont retiré leur argent. Il y a eu une panique bancaire et l’on a assisté à la faillite d’un grand nombre de banques. Entre 1930 et 1932, la moitié des banques américaines et 40% des banques françaises ont fait faillite. Et s’il n’y a plus de banque, le financement de l’économie est très difficile. Si on laisse les banques faire faillite, ça provoque une chute du financement de l’économique qui provoque une dépression très grave.

D’une manière générale, il ne faut pas laisser les banques faire faillite. Même d’un point de vue libéral, il faut sauver les banques quand il y a un risque négatif envers le reste de l’économie. Ce qui n’exclut pas qu’on puisse sanctionner les banques, par exemple en les nationalisant, ce qui est un moyen de sanctionner les actionnaires de la banque. Les États peuvent aussi considérer que les banques sortent du schéma économique général où les entreprises prennent des risques et font parfois faillite ce qui pénalise leurs actionnaires. Car si l’État doit à chaque fois prendre des mesures pour sauver les banques quand elles prennent trop de risque, on peut estimer qu’il serait normal que les banques paient plus d’impôts que les autres entreprises, car elles font courir un risque plus important à l’économie et nécessitent une intervention de l’État.

Le problème des nationalisations, c’est que si elles sont trop larges, on évolue vers une économie étatisée. Dans l’actionnariat public, on n’est pas sûr que les actionnaires fassent correctement leur travail de contrôle des dirigeants. Dans le cas du Crédit Lyonnais, l’État ne contrôlait pas bien ce que faisaient ses dirigeants. Garder des banques privées, c’est aussi faire assumer les risques de financement à des actionnaires privés. Et ça évite aussi de faire porter le poids de la capitalisation des banques à l’Etat dans les périodes prospères.

Quand l’État est actionnaire, il risque d’orienter le financement des banques en fonction de ses propres intérêts. Ça peut être des intérêts économiques positifs (un certain secteur a besoin d’être développé…), mais quand les banques sont publiques, l’État peut aussi être tenté d’utiliser le financement des banques pour favoriser les régions où les dirigeants politiques ont plus de poids, ou dans une perspective de réélection.

N’est-il pas choquant qu’il incombe aux citoyens de renflouer les mauvais élèves ?

Il faut rappeler que dans le cas français, aucune banque n’a dû être sauvée. Une seule filiale, Natixis, a eu des pertes importantes. En dépit du fait qu’il y a de nombreux leaders politiques qui disent que l’État a donné beaucoup d’argent aux banques, l’État n’a fait que prêter de l’argent à des taux avantageux. De manière générale, même si c’est avec l’argent du contribuable, il faut faire une approche coût/bénéfice. Si une banque de la taille de la Société Générale risquait de faire faillite, il faudrait comparer le coût /bénéfice de la faillite avec le coût/bénéfice de son sauvetage et de l’évitement de faillites bancaires en cascade.

Atlantico

(Merci à PS)

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