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Tribune libre de Paysan Savoyard

« Toujours plus de béton, de lotissements, de camions et de pesticides. Toujours moins de paysages authentiques. Toujours moins de paysans. »

Nous commençons avec cet article consacré à l’environnement un essai de bilan du quinquennat de M. Sarkozy, qui nous conduira à passer en revue les différents domaines de la politique publique.

Le gouvernement a organisé en 2007 un forum de plusieurs mois intitulé Grenelle de l’environnement qui a donné lieu à 238 engagements. Parmi les principaux, on peut citer ceux portant sur : la mise en place d’une politique de rénovation thermique des bâtiments publics et du parc HLM, la création d’une taxe sur la consommation de carbone, des mesures pour porter la part des énergies renouvelables à 20 % dans la consommation totale, le durcissement des normes d’émission des véhicules, la création d’un système de bonus malus pour les véhicules en fonction de leur impact sur la pollution, la création d’une éco redevance sur les poids lourds.

Citons également le lancement de 1500 km de lignes de tramways, le doublement du réseau des lignes ferroviaires à grande vitesse, le lancement d’autoroutes ferroviaires, des mesures destinées à lutter contre l’étalement urbain, la suppression des produits phytosanitaires les plus dangereux dans l’agriculture, le passage de 20% de la surface agricole à l’agriculture biologique en 2020 (www.legrenelle-environnement.fr/).

La plupart des observateurs et des participants avaient salué le caractère ambitieux des résolutions prises à l’issue du « Grenelle ». Dans les années qui ont suivi, en revanche, nombre d’entre eux ont exprimé leur déception et dénoncé l’abandon ou l’absence de mise en œuvre de la plupart des engagements significatifs. C’est ainsi par exemple que le projet de taxe carbone a été abandonné en 2010. Le projet d’éco-redevance sur les poids lourds a été reporté (on parle désormais de 2012 mais rien n’est moins sûr). Le projet d’aéroport du grand-ouest a été lancé en dépit des engagements du Grenelle (engagement n°35). L’exploitation du gaz de schiste a été lancée (même si la loi interdit l’utilisation de certaines techniques)…

Dans ces conditions La Fondation Nicolas-Hulot, par exemple, a décidé en mars 2010 de ne plus participer aux groupes de travail du Grenelle après l’annonce de l’abandon du projet de taxe carbone. En novembre 2010, le Réseau Action Climat, l’un des participants du forum, a estimé que « le Grenelle a été l’occasion de beaucoup d’annonces mais de très peu de mises en œuvre ».

Pour notre part nous ne partagions pas, de toute façon, en 2007 l’enthousiasme consensuel des participants du Grenelle. En examinant la liste des engagements, on pouvait constater d’emblée que, même dans l’hypothèse où ils auraient été pour la plupart mis en application, il ne s’agissait le plus souvent que de mesures limitées qui n’étaient pas de nature à changer les orientations générales poursuivies depuis plus de cinquante ans dans le domaine de l’environnement.

Le bilan de M. Sarkozy en matière d’environnement se place donc dans la continuité de celui de ses prédécesseurs de la 5e république. S’agissant de l’énergie et des effets sur le climat, aucune inflexion décisive n’aura été mise en œuvre. Le grand programme pour isoler les logements privés dont il est question depuis trente ans (le bâti consommant 42,5 % de l’énergie finale), qui supposerait d’important crédits publics mais créerait de nombreux emplois dans le bâtiment, n’a pas été lancé. D’autre part le gouvernement de M. Sarkozy a confirmé la priorité nucléaire en poursuivant la construction de l’EPR et en prolongeant la durée de vie des centrales les plus anciennes (et ce malgré les graves incertitudes pesant sur cette technologie : maîtrise des déchets ; risques de catastrophe…).

Dans le domaine des transports, les camions, dangereux et polluants, représentent toujours plus de 80 % du transport de marchandises. La défiguration du paysage par les autoroutes et les lignes TGV ne cesse de s’accentuer (de nouveaux tronçons autoroutiers sont sans cesse mis en chantier, densifiant toujours davantage un maillage déjà considérable ; quant aux lignes TGV, le Grenelle a renchéri en décidant le lancement de 2000 km de lignes supplémentaires. Le projet LGV Tours-Bordeaux a ainsi été démarré en 2010). Notons également qu’à Paris la place de la voiture n’a pas été significativement réduite et reste trop importante pour que la qualité de vie des piétons s’améliore et pour que le bruit et la pollution diminuent sensiblement.

De façon générale, le territoire ne cesse de s’artificialiser davantage, sous l’effet de la multiplication des lotissements, de la rurbanisation, des infrastructures de transports, de la création d’un nombre toujours accru de zones commerciales et de l’augmentation de la population.

S’agissant enfin de l’agriculture, les orientations à l’œuvre depuis cinquante ans n’ont pas été modifiées : la priorité reste donnée à l’agriculture industrielle et exportatrice, qui capte l’essentiel des subventions ; le nombre d’agriculteurs continue à se réduire chaque année, la taille des exploitations restantes ne cessant d’augmenter. Nous pensons pour notre part que les pouvoirs publics devraient désormais donner la priorité à la reconstruction d’une agriculture paysanne, créatrice d’emplois, occupant et entretenant le territoire et produisant des biens alimentaires sains et de qualité (alors que la production de l’agriculture intensive et de l’industrie agro-alimentaire qui lui est liée est très probablement massivement cancérigène).

Le bilan de M. Sarkozy est donc de notre point de vue mauvais. Le gouvernement n’a voulu mécontenter aucun de ces lobbys puissants que sont les majors du BTP (on sait que certains des patrons de ce secteur sont des intimes du président), la grande distribution, les géants de l’agro-alimentaire, les céréaliers et la FNSEA.

Nous devons à l’honnêteté de reconnaître que ce mauvais bilan n’est pas pire que celui des prédécesseurs : en dépit du barnum médiatique qu’a été le Grenelle de l’environnement, c’est malheureusement une continuité stricte qui a prévalu dans ce domaine.

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