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L’Europe songe à remettre son traité sur le métier pour faire un saut en avant dans le pilotage en commun de la zone euro, deux ans seulement après avoir juré de ne plus y toucher à la suite du cauchemar de la Constitution et du traité de Lisbonne. Au Parlement européen, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi a résumé d’une formule imagée les déficiences du fonctionnement éparpillé et désordonné de l’Union monétaire face à la crise de la dette : «l’Europe a un grand corps et une petite tête».

Sous la pression des marchés financiers, qui font vaciller la Grèce et la zone euro dans son ensemble, les tabous tombent et les partisans d’un bond en avant fédéraliste, pour faire en sorte que les pays de l’Union monétaire avancent dans le même sens, gagnent du terrain. Pour ce faire, toutefois, il faudra sans doute en passer par un changement du traité européen, au risque de rouvrir la boîte de Pandore dans un contexte déjà de poussée de l’euroscepticisme et des partis populistes anti-européens.

«Différents pays ont des vues divergentes sur le fédéralisme européen, mais l’Italie est prête à abandonner toute la souveraineté nécessaire à la création d’un véritable gouvernement central européen», a indiqué le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, dans une interview parue mercredi. «Au besoin, il faudra modifier les traités» existants, a-t-il dit, précisant qu’il ne s’agirait pas de les «réécrire intégralement», mais de «réviser ou amender certains chapitres». Berlin aussi est prêt à rouvrir le chantier pour davantage centraliser le pilotage économique des pays de la zone euro, «bien que nous sachions combien il peut être difficile de négocier un traité», a récemment déclaré le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. La Banque centrale européenne abonde dans ce sens. Son président actuel Jean-Claude Trichet veut un «ministre des Finances» européen à terme. Son successeur désigné, Mario Draghi, a appelé à une «large» révision du traité de Lisbonne.

Un tel chantier serait à haut risque. L’Europe s’est déjà cassée les dents en étant obligée en 2005 d’abandonner son projet de Constitution après le refus par référendums des Néerlandais et des Français. La formule réduite qui lui a succédé, le traité de Lisbonne, a eu toutes les peines à se faire adopter et ratifier en 2009, en Irlande et en République tchèque en particulier. A l’époque, les gouvernements européens avaient juré qu’on ne toucherait plus fondamentalement au texte pendant des années. Il n’est pas certain non plus que les pays européens favorables à un changement de traité aient le même objectif. Celui de l’Allemagne, garante de la zone euro du fait de sa puissance économique et financière, est clairement d’ancrer dans le marbre un net durcissement de la discipline budgétaire commune. D’autres pourraient en profiter pour relancer l’idée des euro-obligations, dont Berlin ne veut pas.

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a confirmé mercredi au Parlement que ses services allaient présenter «bientôt» une étude sur les options possibles en vue créer un tel mécanisme de mutualisation des dettes entre pays de la zone euro. «Certaines pourront être mises en œuvre dans le cadre du traité (européen) actuel, d’autres nécessiteront un changement de traité», a-t-il prévenu. Pour le commissaire européen Olli Rehn, l’Europe ne peut plus choisir le statu quo. «Il nous faut pourvoir décider plus vite et plus efficacement», a-t-il dit. «Les structures institutionnelles actuelles ne sont pas suffisantes pour répondre à la crise actuelle, nous avons besoin d’un nouvel élan fédérateur qui doit commencer dès aujourd’hui», a-t-il ajouté.

Le Matin.ma

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