La Chine est prête à investir davantage en Europe mais demande à être reconnue comme économie de marché, a déclaré ce mercredi au «Forum d’été de Davos» son Premier ministre Wen Jiabao, en appelant les pays occidentaux «à mettre de l’ordre» dans leurs finances.
A l’ouverture du Forum dans la ville portuaire de Dalian (nord-est), le chef du gouvernement chinois a souligné que son pays était prêt à faire davantage pour un rééquilibrage de la croissance mondiale, mais a demandé des contreparties.
«L’économie européenne peut rebondir»
«La Chine pense que l’économie européenne peut rebondir» et «elle va continuer d’augmenter ses investissements en Europe» a affirmé Wen Jiabao alors que l’Europe est engluée dans une crise des dettes souveraines qui affole les marchés boursiers.
Mais «j’espère que les dirigeants des principaux pays européens envisageront avec courage leur relation à la Chine», a poursuivi Wen Jiabao, rappelant la demande de son pays de se voir accorder le statut d’économie de marché de la part de l’Union européenne.
«Selon le calendrier de l’Organisation mondiale du commerce, le statut d’économie de marché à part entière sera reconnu (à la Chine) en 2016. Si les pays de l’UE peuvent faire preuve de sincérité quelques années plus tôt, cela refléterait notre amitié», a-t-il déclaré. «J’espère qu’il y aura des avancées sur ce sujet lors du prochain sommet UE-Chine», a encore dit le chef du gouvernement chinois. Ce statut permettrait de lever des restrictions sur les investissements et les exportations chinoises dans l’Union européenne.
Il faut «accélérer la réforme»
Réaffirmant le soutien de la Chine à l’Europe, Wen Jiabao a toutefois demandé aux gouvernements «de prendre leurs responsabilités et de mettre de l’ordre chez eux» par «des politiques efficaces et responsables».
«Il faut empêcher la crise des dettes souveraines de s’étendre» et «accélérer la réforme du système économique et financier» par une meilleure coordination entre Etats, a ajouté Wen Jiabao devant quelque 1.500 participants –hommes d’affaires et responsables gouvernementaux– de 90 pays réunis pour trois jours.
La Chine dispose de 3.000 milliards de dollars de réserves de change
Les déclarations de Wen Jibao interviennent alors que les grands pays émergents du Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) discuteront la semaine prochaine de la possibilité de venir en aide à l’UE.
Le gouvernement chinois, qui est assis sur plus de 3.000 milliards de dollars de réserves de change, en investit une part grandissante dans des actifs en euros et s’est déjà engagé à soutenir la Grèce, l’Espagne ou le Portugal.
Sous pression des marchés, l’Italie a assuré mardi ne pas avoir demandé à la Chine de l’aider en achetant sa dette. Mais elle a indiqué discuter avec des investisseurs chinois de possibles investissements industriels.
«Une croissance mondiale équilibrée»
Plus généralement, Wen Jiabao a assuré que la deuxième économie mondiale voulait «davantage contribuer à une croissance mondiale équilibrée» alors que «la reprise économique mondiale sera un processus compliqué (…) et de longue haleine».
Pour diversifier les placements chinois actuellement concentrés sur les bons du Trésor, dont Pékin détient plus de 1.100 milliards de dollars, le Premier ministre a demandé aux Etats-Unis de lever leurs restrictions sur les investissements chinois sur le sol américain.
Afin de rééquilibrer une balance commerciale fortement déficitaire pour les Etats-Unis, il aussi exhorté Washington à lever ses restrictions sur les exportations de technologies sensibles vers la Chine. «Nous pensons que les Etats-Unis peuvent surmonter leurs difficultés», a-t-il dit avant d’espérer que le gouvernement américain «préserve la confiance et les intérêts des investisseurs», en référence à la dégradation de la dette souveraine américaine par l’agence Standard and Poor’s.
Wen Jiabao a enfin promis que «la Chine continuera(it) à suivre une stratégie d’expansion de la demande intérieure», alors que l’investissement et les exportations occupent encore une place démesurée dans sa croissance.
(Merci à Geraldine)
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A lire en complément :
Les Brics se décideront bientôt sur la possibilité d’aider l’UE
Les ministres des Finances des grands pays émergents regroupés dans le club des Brics prendront une décision sur la possibilité de venir en aide à la zone euro lors d’une réunion à Washington ce mois-ci, a déclaré mercredi un responsable du ministère indien des Finances.
Les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont entamé des discussions préliminaires en vue d’une augmentation de leurs avoirs en obligations libellées en euro pour aider une Europe engluée dans la crise de sa dette publique, avait indiqué mardi soir à Reuters un responsable du gouvernement brésilien.
“L’idée a été lancée par le ministre brésilien des Finances. Les ministres des Finances des Brics prendront une décision lorsqu’ils se rencontreront à Washington le 22 septembre », a déclaré mercredi R. Gopalan, secrétaire d’Etat indien chargé des affaires économiques.
Les Brics doivent se réunir en marge des réunions d’automne de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international à Washington.
R. Gopalan est resté discret lorsqu’il lui a été demandé si l’Inde apporterait son soutien à un éventuel plan d’achat d’obligations européennes pour soutenir la zone euro. “Les ministres des Finances des Brics examineront la question », s’est-il borné à répondre.
Le ministre indien des Finances, Pranab Mukherjee, avait semblé sceptique mardi sur la possibilité d’une action coordonnée au niveau international.
Il avait déclaré que, contrairement à ce qui s’était passé immédiatement après la crise financière de 2008, une coordination au niveau mondial serait aujourd’hui compliquée car les différents pays n’en sont pas au même stade du cycle économique.
Les obligations européennes représentent 20% environ des avoirs de l’Inde en devises et New Delhi souhaite maintenir ce ratio par la suite, a dit mercredi à Reuters un responsable indien. “Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous allons maintenir ce ratio à 20% », a-t-il déclaré.
L’Inde n’est pas exposée aux dettes grecque, italienne et portugaise, mais l’est à la dette allemande, a-t-il ajouté.
PRÉSERVER LA STABILITÉ FINANCIÈRE DE LA ZONE EURO
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, a accueilli favorablement l’éventualité d’achats d’obligations européennes par les Brics, tout en ajoutant qu’il ne fallait pas qu’ils se limitent aux titres les moins risqués.
“Cet intérêt des Brics est un développement intéressant, mais s’il est limité à des (obligations d’Etat) allemandes ou britanniques, ils ne prendront pas de grands risques », dit-elle dans une interview publiée par le quotidien italien La Stampa.
“Mon espoir, c’est que, si elles se produisent, ces interventions seront d’une vaste portée et pas limitées aux obligations sûres de quelques Etats », ajoute-t-elle.
La Commission européenne a de son côté indiqué que les déclarations des Brics illustraient le fait que tout le monde, y compris les économies émergentes, ont “intérêt à ce que la stabilité financière de la zone euro soit préservée ».
Le Premier ministre chinois Wen Jiabao, lors du Forum économique mondial organisé à Dalian, a déclaré mercredi que la Chine voulait investir davantage en Europe, mais que les Européens devaient de leur côté éviter une extension de la crise de la dette.
Cependant, un conseiller de la banque centrale chinoise, Li Dakui, a par la suite déclaré que la Chine devrait s’abstenir d’acheter de gros volumes d’obligations européennes, ajoutant qu’il était important pour les pays européens de poursuivre leurs réformes.
Le vice-Premier ministre chinois Li Keqiang a pour sa part déclaré que l’économie mondiale faisait face à une montée des incertitudes, notamment au niveau des dettes souveraines, mais que Pékin avait “toujours » eu confiance en l’euro.
Un quart environ des réserves de la Chine en devises étrangères – qui s’élèvent au total à 3.200 milliards de dollars – sont en euro.
Plusieurs pays hors de l’Union européenne, dont la Russie ou la Chine, ont pour l’instant manifesté peu d’intérêt pour la dette grecque, a reconnu mercredi le secrétaire d’Etat grec aux Finances, Filippos Sachinidis.
“Nous avons invité les pays que vous mentionnez (Chine et Russie) à répondre aux besoins de financement de la Grèce via le programme d’adjudication de bons du Trésor », a-t-il dit à la radio grecque Real FM. “Malgré l’invitation, la participation a été très faible, voire inexistante ».
(Merci à Romégas)