Addendum :
La crise grecque révèle une grave crise de confiance interbancaire, trois ans après la faillite de Lehman Brothers.
Le monde se souvient de ce 15 septembre 2008. Des employés de Lehman Brothers sortant des locaux de la banque sur la Septième avenue, à New York, un carton dans les mains.
Au-delà du cliché, la faillite sacrificielle de la banque d’investissement américaine s’est transformée en véritable milestone de la crise financière. Trois ans après, jour pour jour, la crise de la zone euro provoque les mêmes configurations interbancaires qu’à la veille de la faillite de Lehman Brothers.
Les banques sont aujourd’hui fragilisées par une sévère perte de confiance et le spectre de la dette grecque. Un syndrome Lehman, avec toutes les nuances qu’il faut lui ajouter, agite les marchés et le secteur financier. Accepter un défaut de la Grèce, comme la faillite de la banque d’investissement n’avait pas pu être évitée, entraînera-t-il dans son sillage un effondrement du système financier ?
Certains signaux sur les marchés tranchent nettement avec l’incertitude politique autour du cas grec.
Un constat alarmant, tout d’abord : depuis plusieurs mois, deux mondes sont en train de s’éloigner, celui des investisseurs et celui des analystes. Le dernier sondage de BofA/Merrill Lynch révèle à quel point les gérants d’actifs se détournent du secteur bancaire européen avec une ampleur inédite, alors qu’une majorité d’analystes recommandent l’achat des titres bancaires essentiellement pour des raisons de valorisation.
Les investisseurs font la sourde oreille face aux recommandations d’achat, entraînant une corrélation parfaite entre la plupart des actifs risqués. Signe d’une anticipation d’une crise financière entretenue par le spectre du risque d’insolvabilité. L’effondrement des valorisations boursières de grands opérateurs bancaires français, notamment, pourrait apparaître comme une marque d’anxiété inquiétante.
Les problèmes de liquidités ne laissent rien augurer de positif. Depuis août, les banques européennes peinent à se financer en dollars, faisant face au départ des grands fonds américains. Au final, la Banque centrale européenne (BCE) est contrainte d’alourdir un bilan déjà très conséquent. Avant-hier, Francfort a annoncé avoir accordé un prêt de 575 millions de dollars à deux établissements de la zone euro en difficulté.
Les dépôts overnight auprès de la BCE ont à nouveau atteint un plus haut lundi à 197,75 milliards d’euros, signe de craintes renouvelées concernant les dettes souveraines. Jusqu’à quand la BCE pourra-t-elle continuer ?
«Welcome back, Ted», ironise le Financial Times. De la même manière qu’il y a quatre ans, le Ted spread, soit l’écart entre le taux Libor interbancaire à trois mois et ceux des T-Bills, a atteint un niveau très élevé. D’ordinaire, cet écart est minime. Il gagne en importance lorsque les banques perdent leur confiance mutuelle en matière de solvabilité. L’écart entre le principal taux du marché, l’Euribor à échéance 3 mois, et le taux de l’argent au jour le jour (overnight indexed swap ou OIS), a renoué avec son niveau d’avril 2009, au lendemain de la crise financière.
Le Ted spread est l’instrument par excellence pour prédire une crise du crédit du type de celle qui se déclencha en 2007. Le Ted spread européen (utilisant le Bund allemand et l’Euribor) s’est hissé à 140 points de base lundi, soit un niveau jamais atteint depuis le début 2009, lorsque les banques étaient encore en pleine crise. Mais son équivalent américain, lui, demeure stable à 33 points de base.
Le scénario du film qui se déroule actuellement est donc connu, il ressemble à s’y méprendre à celui de la crise du subprime et de l’assèchement du crédit bancaire. Avec toutefois une différence de taille, puisque la crise bancaire ne s’est pas encore propagée outre-Atlantique. La raison est que les préoccupations actuelles tournent avant tout autour de l’ampleur du trou que la crise grecque provoquera dans le bilan des établissements bancaires exposés.
Or, en 2007, les instruments de crédits structurés du subprime américain avaient essaimé de la dette hypothécaire dans les bilans de plusieurs banques de la zone euro. Aujourd’hui, la dette européenne – le nouvel actif toxique – est essentiellement concentrée dans des institutions européennes.
L’anxiété des marchés et des investisseurs ne renvoie donc pas à la même réalité qu’en 2007. Suffit-il de le marteler pour rassurer ? Certainement pas. D’autant plus qu’un nouveau ralentissement économique en perspective jette encore davantage d’incertitude sur les marchés.
(Merci à Eisbär pour la vidéo)