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La banque centrale américaine assèche-t-elle le financement des banques européennes en dollars ?

Très inquiète de l’évolution de la crise de la dette souveraine sur le Vieux Continent et de ses conséquences sur les établissements financiers, la Réserve fédérale (Fed) a pris, il y a plusieurs semaines, des mesures restrictives à l’égard du système financier européen.

Elle a exigé que des banques non américaines déposent des actifs en garantie à l’avance, même pour celles qui ne lui empruntent pas d’argent, confie une source proche de la Fed. C’est surtout pour la Fed une façon de se protéger au cas où les banques viendraient chercher un prêt d’urgence », d’aller plus vite en cas de tension.

En temps normal, les établissements déposent des actifs en dollars à la Fed (bons du Trésor américain, prêts hypothécaires…), lorsqu’ils lui demandent de l’argent, en garantie du prêt accordé par la banque centrale américaine.

La mesure prise par la Fed a bloqué des titres que les banques utilisent habituellement comme caution pour obtenir des dollars auprès d’autres établissements financiers (banques, fonds d’investissements). Accentuant le mouvement, les fonds monétaires américains, pourvoyeurs de dollars, ont durci leurs conditions de prêts aux banques européennes.

Certains parlent même de complot, arguant que les Etats-Unis, qui ont perdu leur triple A en août, ont intérêt à peser sur le cours de l’euro pour garder la suprématie du dollar. Ainsi Laurence Parisot, la présidente du Medef, a récemment évoqué récemment “un tam-tam très organisé » Outre-Atlantique.

Face aux signes de renchérissement du financement en dollars, la Banque centrale européenne (BCE) a ouvert les vannes. Elle a annoncé le 15 septembre qu’avec l’aide d’autres banques centrales – Fed, Banque d’Angleterre, Banque du Japon et Banque nationale suisse qui lui prêteront des dollars -, elle accorderait, à partir du mois d’octobre, des prêts à trois mois en billet vert, en contrepartie d’actifs en euros, non pas en dollars.

Cette mesure vient compléter un financement hebdomadaire en devise américaine accordé par la BCE, auquel les banques ont accès depuis mai 2010. Celui-ci n’a jusqu’à présent servi que trois fois depuis mi-août. Les banques hésitent en effet à solliciter les instituts d’émission, de peur d’être stigmatisées comme traversant une crise de liquidités.

Il s’était passé la même chose en en 2007 lors de la crise des “subprimes » et en 2008, au moment de la faillite de Lehman Brothers. Les établissements n’osaient pas se présenter au guichet d’urgence de la Fed, celle-ci assimilant cette démarche à de la mauvaise gestion. Pour contourner le problème, “les banques françaises pourraient faire une démarche collective », confie une source bancaire.

Le changement des conditions de prêts – plus chers et plus courts – a touché certaines de leurs activités, par ailleurs déjà pénalisées par la future réglementation dite de Bâle 3. La Société générale et BNP Paribas ont prévu de réduire leur dépendance au dollar, essentiellement dans leurs départements de financement et d’investissement.

Dans ce contexte, elles comptent en priorité s’attaquer aux activités de prêts qu’elles doivent financer en dollar, alors que leurs dépôts en billet vert étant insuffisants : les exportations d’avions, les flottes de bateaux, les projets d’infrastructure, le commerce international ou encore l’immobilier commercial aux Etats-Unis.

Les répercussions se font déjà sentir dans l’industrie aéronautique dont les banques françaises sont d’importants pourvoyeurs de fonds. Les marchés redoutent que les compagnies aériennes, en mal de crédits, annulent des commandes. ce qui a fait chuter en Bourse EADS, la maison mère d’Airbus, de 7,91 % jeudi 22 septembre.

Les compagnies aériennes vont aller chercher les dollars là où ils se trouvent : aux Etats-Unis ou en Chine » relativise un expert du secteur Le directeur financier d’EADS, Hans-Peter Ring, précisait jeudi que bon nombre de nouvelles banques, notamment asiatiques, étaient arrivées sur le marché du financement d’avions.

C’est finalement plus une mauvaise nouvelle pour les banques françaises que pour le secteur aéronautique », expliquait un analyste financier “car elles se voient exclues d’un marché juteux dont elles se sont faits une spécialité ».

Le Monde

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