La question ne se posait même pas il y a quelques semaines. Mais après l’effondrement de la droite au Sénat, elle est évoquée, à voix plus ou moins basse, par de nombreux élus du camp présidentiel: Nicolas Sarkozy est-il encore un bon candidat?
Sur le plan électoral, le quinquennat est un champ de ruines. Le parti sarkozyste UMP n’a gagné qu’une seule compétition depuis l’arrivée de son chef à l’Elysée, celle des Européennes en juin 2009. Toutes les autres élections ont été perdues et souvent de façon cinglante. Ainsi, le Parti socialiste — qui gisait à l’agonie en 2008 — est-il devenu le maître des régions et, désormais, du Sénat. C’est un boulevard qui s’offre à la gauche pour la présidentielle de 2012. À moins que les vieux démons de la division socialiste ne viennent transformer la machine à gagner en engin à perdre.
Rejet des élus de droite
Au Sénat, le succès de la gauche s’annonce encore plus triomphal que prévu. Avec 177 sièges, elle détient la majorité absolue. Mais pour parvenir à un tel résultat — alors que le mode de scrutin les désavantage outrageusement — les sénateurs de gauche ont dû recevoir les suffrages de nombreux grands électeurs du centre-droit.
Un nombre croissant de ces élus locaux au tempérament conservateur rejette le président Sarkozy, coupable à leurs yeux d’avoir imposé des réformes à leur détriment et sans consultation. Ce peuple des élus conservateurs cherche donc à miser sur un nouveau cheval pour le Grand Prix de l’Elysée. Et lorgne de plus en plus vers les centristes qui, aux élections sénatoriales, ont plutôt mieux résisté que l’UMP à la vague rose.
Pour l’instant, ce centre est éclaté entre le MoDem de François Bayrou, le Nouveau Centre de l’ancien ministre Hervé Morin et les radicaux de Jean-Louis Borloo. Il faut encore ajouter à ce tableau, Dominique de Villepin et des chiraquiens à la fibre sociale comme Alain Juppé qui n’a pas fait montre d’un activisme militant durant la campagne sénatoriale. Sans accord entre elles pour désigner un seul candidat à l’élection présidentielle, les différentes composantes du centre ne sauraient offrir une alternative crédible à Nicolas Sarkozy. Mais le rythme soutenu des affaires politico-financières risque de hâter cette recomposition centriste.
Le poids des affaires
Le dossier «Karachi» — destiné à savoir si le mouvement d’Edouard Balladur a touché des rétrocommissions lors de la présidentielle de 1995 — reste le plus embarrassant pour Sarkozy, même s’il n’y aura pas d’enquête parlementaire, la justice étant déjà saisie. Or, les chiraquiens d’Alain Juppé se trouvaient en 1995 dans le camp opposé à celui de Sarkozy-Balladur. Et il ne faudra pas compter sur eux pour aider les proches de l’actuel président à se tirer d’affaire. Le camp sarkozyste rétrécit donc de jour en jour.
Par conséquent, un accord entre les diverses composantes du centre et les chiraquiens — qui n’ont pas soutenu Sarkozy de gaieté de cœur — ne paraît plus aussi improbable que cela, comme l’indique le journal numérique Mediapart: Juppé, Borloo, Villepin, Bayrou, Raffarin. Cette configuration fait rire aujourd’hui. Mais dans trois mois?