Une étude publiée en Suisse récemment montre que l’ensemble des multinationales de la planète est contrôlé par seulement 737 multinationales et groupes financiers, et donc par leurs actionnaires qui sont eux aussi souvent les mêmes. Avec la crise économique, cette information est complètement passée à la trappe.
Cette étude est inédite car elle croise plusieurs domaines : économie, statistiques, finances, mathématiques, et passe au crible l’ensemble des multinationales pour comprendre qui contrôle qui.
Réalisée par trois chercheurs de l’Institut Fédéral de Technologie de Zurich, l’étude « The network of global corporate control », a étudié 43.060 multinationales (1) dans 116 pays et leurs interconnexions. Mêmes les filiales ont été analysées.
Au final, les chercheurs ont constaté que 80% de la valeur de ces 43.060 multinationales est contrôlé par seulement 737 groupes financiers ou industriels. Et encore plus loin, 147 multinationales et intermédiaires financiers qui ont des intérêts les uns dans les autres, contrôlent 40% de la valeur économique des groupes du monde entier.
Encore plus loin, 50 groupes financiers (banques et assurances) se taillent la part du lion dans ces 147 multinationales.
Ils constatent aussi que les acteurs les plus puissants ont niveau de contrôle supérieur à ce que laisserait attendre leur fortune réelle.
Il y a donc une sorte de cœur de compagnies très fortement interconnectées en comparaison du nombre total de multinationales. Chacune des multinationales de ce noyau est connectée avec en moyenne 20 autres membres dudit noyau, si bien que ¾ de la valeur de ces boîtes sont détenus par les autres multinationales de ce groupe central.
Les auteurs soulignent aussi le paradoxe des produits dérivés et autres CDS, censés « diversifier » le portefeuille d’actions et diminuer les risques, mais qui finissent par créer de très fortes interconnexions entre les mêmes groupes internationaux, et donc à augmenter le risque de contagion en cas de crise… Par malchance, écrivent les auteurs, les données concernant ces produits dérivés sont inexistantes pour des « raisons stratégiques ». Lesdits dérivés sont en effet considérés comme des contrats privés, qui n’ont pas à être déclarés lorsque les titres sont échangés.
Au top des entreprises qui détiennent le plus d’actions de groupes d’envergure internationale, on a ¾ de banques et assurances. Par ordre d’importance, on a Barclays qui contrôlerait 4,05% du réseau des 43.060 multinationales, puis Capital Group Companies Inc., FMR Corp, Axa, State Street Corporation, JP Morgan Chase & Co, Legal & General Group Plc, Vanguard Group Inc, UBS, Merrill Lynch & Co, Wellington Management Co LLP, Deutsche Bank, Franklin Ressources, Crédit Suisse, Walton Enterprises, Bank of New York Mellon Corp, Natixis, Goldman Sachs, T Riwe Price Group, Legg Mason, Morgan Stanley, Mitsubishi Financial Group, Northern Trust Corporation, Société Générale, Bank of America… BNP Paribas n’arriverait qu’en 46e place, ING en 41e place, Lehman Brothers (2) en 34e.
Au total, ces 50 premiers groupes contrôleraient 40% de la valeur des autres multinationales.
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Notes :
(1) Ils ont sélectionné parmi les 37 millions d’acteurs économiques mondiaux les groupes qui détenaient au moins 10% de parts dans des compagnies situées dans au moins deux pays.
(2) Aujourd’hui Lehman Brothers a été disséqué et distribué par morceaux à plusieurs banques et autres assureurs. Barclays a ainsi récupéré les activités de banque d’investissement et de courtage en Amérique du Nord, et Nomura, le plus gros assureur japonais, a racheté le courtage des actions et la banque d’investissement en Europe. Mais l’étude s’est basée sur la liste des multinationales de l’OCDE en 2007, avant la faillite de Lehman Brothers. Axa était le premier actionnaire de la banque quand elle a fait faillite.