Un papier du Guardian sur les États-Unis décrit une situation qui risque d’être prochainement celle de toute l’Union européenne. L’auteur y raconte comment la stratégie marketing de Procter & Gamble (Ariel, Gillette, Bonux, Pampers…) fait une croix sur les classes moyennes. Le groupe se concentrera sur le haut de gamme et le bas de gamme.
Le consommateur américain (à crédit) : le nouvel Icare
Le constat est que la richesse moyenne des américains du quintile central a baissé de 26% dans les deux dernières années. Le revenu médian d’une famille américaine est, en valeur réelle, inférieur en 2011 à celui de 1998. Il y a des ouvriers dans l’automobile à Detroit qui sont embauchés à un salaire divisé par deux par rapport aux ouvriers exerçant la même fonction. L’exemple est observé par toute l’industrie américaine (cf. le New York Times).
Ce mouvement s’inscrit dans une tendance où une partie de la population américaine voit son espérance de vie décroître. Le Census bureau a révélé qu’un américain sur six est sous le seuil de pauvreté, maximum jamais atteint.
En sens inverse, les 400 familles les plus riches ont une richesse nette égale à celle des 50% d’américains du bas de l’échelle.
L’article qui a inspiré le Guardian, paru dans le Wall Street Journal, voit l’un des vice-présidents de Procter rappeler que les États-Unis ont un indice d’inégalité (coefficient de Gini) comparable aux Philippines ou au Mexique…
Robert Reich voit là une tendance lourde : les salaires et les avantages sociaux réduits comme seul moyen de contenir le chômage. Il impute ce genre de politique aux républicains. C’est probablement un peu court. Mais la situation lui paraît si grave qu’il en vient quasiment à expliquer que les États-Unis ne sont pas une zone politique optimale : “les États n’ont pas de politique monétaire et ne peuvent donc baisser leur taux d’intérêt pour ranimer la création d’emplois. Ils n’ont pas de moyen de ranimer la demande car leurs budgets sont trop faibles et que 49 des 50 États ont adopté une règle constitutionnelle leur interdisant les déficits“. De quoi réfléchir avant d’adopter une règle d’or…
La réalité, à grands traits, c’est que les dirigeants des grands groupes ont accepté une mondialisation débridée pour accroître leurs bénéfices (remplacer les ouvriers syndiqués et bien payés par des chinois, vietnamiens, mexicains…) Tant que les salaires au sommet s’accroissent, on adapte la stratégie y compris marketing. A terme, l’idée est de faire cohabiter une grande masse d’américains payés à des niveaux proches de ceux des salariés chinois, avec une super élite mondialisée vivant avec des moyens sans aucune commune mesure.
L’idée n’est pas nouvelle, ce qui l’est, c’est que sa traduction atteint maintenant la stratégie de groupes comme Procter, autrefois dédiés au bien-être de la classe moyenne. Le seul moyen de contrer cette évolution est d’imposer que ce soit les salaires chinois qui rattrapent les nôtres et pas l’inverse, notamment en refusant la sous-évaluation du yuan et du dollar (et la sur-évaluation de l’euro). Ce faisant d’ailleurs, nous heurterions tout autant les groupes américains et européens, pour lesquels le pari chinois – celui de la mondialisation à marche forcée qui est un faux libre-échange – est une stratégie, que les travailleurs chinois eux-mêmes.
(Merci à Titi)