Le 25 novembre 2007, Mohsin Sehhouli, 15 ans, et Laramy Samoura, 16 ans, qui roulaient sans casques, sont tués à Villiers-le-Bel (Val d’Oise) dans la collision de leur mini-moto non homologuée avec une voiture de police. Deux jours d’émeutes suivirent cet accident. L’hebdomadaire Les Inrocks se mobilise pour le procès en appel qui va bientôt avoir lieu.
Les accusés, les magistrats et les parties civiles sont censés appartenir à la même société, mais ils ne parlent pas le même langage et n’ont pas la même lecture de l’histoire.
Peu de procès cristallisent à ce point les préoccupations d’une époque. L’affaire de Villiers-le-Bel révèle ses facettes comme autant d’instantanés sur lesquels se pencher tour à tour. Elle touche au brûlant et au refoulé : le destin des quartiers populaires et leur soulèvement redouté, le travail policier, l’affirmation de l’autorité de l’Etat sur un territoire qu’il a abandonné depuis longtemps dans ses dimensions autres que répressive. […]
D’où vient la violence initiale? L’affaire commence-t-elle quand une voiture de police percute la mini-moto de Lakhamy et Moushin, et les tue, comme le crie tout un quartier? Ou avec les trois nuits d’émeutes, pendant lesquelles pour la première fois, des individus tirent à balles réelles sur des policiers, comme l’avancent les parties civiles et le tribunal ?
Cette rupture polarise chaque «camp» de manière irrémédiable. Les soutiens des accusés théorisent la répression d’une révolte légitime, expression d’une justice de classe et de race. La police voit dans ses blessés les victimes d’émeutiers tantôt présentés comme des « sauvages », quasi-barbares, tantôt comme une armée de l’ombre, organisée, mue par la haine. Les accusés sont tour à tour infantilisés et criminalisés.[…]