La banque franco-belge a annoncé hier soir une vente accélérée de ses fleurons, le reste de ses actifs étant logé dans une «bad bank».
Le soldat Dexia a décidé de se sauver tout seul. Ou presque. Un conseil d’administration convoqué hier soir a entériné le schéma de sortie de crise qu’a préparé d’arrache-pied son administrateur délégué, Pierre Mariani.
Confrontée à une crise massive de liquidité (les autres établissements ne lui accordent plus de crédits), la banque franco-belge n’a d’autre choix que de vendre ses bijoux de famille tout en isolant ses portefeuilles et actifs non performants dans une «bad bank».
C’est une page de l’histoire bancaire qui se tourne. Car, au terme de ce travail, il ne devrait subsister plus grand-chose de cette ambitieuse construction franco-belge.
Au terme d’une réunion de six heures, le conseil d’administration a donné son feu vert pour que soient prises «les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes structurels qui pénalisent les activités opérationnelles du groupe et ouvrir de nouvelles perspectives de développement à ses franchises commerciales historiques en Belgique et en France».
Le communiqué publié cette nuit précise en outre que le conseil d’administration a mandaté Pierre Mariani pour préparer ces décisions «en concertation avec les Etats et les autorités de contrôle».
Pierre Mariani, arrivé en octobre 2008 pour sauver un Dexia étranglé par un besoin de financement à court terme de 265 milliards d’euros d’actifs impossible à satisfaire, avait tout fait pour réduire le bilan du groupe. En trois ans, il était parvenu à réduire ce besoin à 96 milliards.
Las ! Avec la crise des dettes souveraines, qui a une nouvelle fois fermé le robinet des financements, c’est encore beaucoup trop. Et les États n’en peuvent plus de jouer les pompiers.
Dès lors, Pierre Mariani s’est résolu à opter pour un scénario de liquidation ordonnée. Plutôt que de cessions, un proche du groupe franco-belge préfère parler d’«adossements de (ses) franchises commerciales». La banque de détail en Belgique, la filiale turque Denizbank, la gestion d’actifs ou la banque privée : toutes les filiales de Dexia vont ainsi chercher preneur dans les prochains jours.
Selon un banquier, certains processus de vente sont déjà bien engagés. Le britannique Standard Chartered, en particulier, ne s’est pas privé, ces derniers mois, de signaler son intérêt pour la très convoitée Denizbank.
Cependant, si le groupe franco-belge détient de très beaux actifs, certains restent invendables. Pas facile en effet de susciter un intérêt pour l’italien Crediop ou l’espagnol Sabadell en plein doute sur l’état des finances publiques en Italie et en Espagne.
Dans un premier temps, selon nos informations, Pierre Mariani avait envisagé de constituer des paquets d’actifs, regroupant à la fois des fleurons et canards boiteux, histoire de ne pas conserver que ces derniers dans son escarcelle. Mais cette option s’est révélée trop compliquée à mettre en œuvre. Or, il y a urgence si l’on veut préserver les clientèles qui commencent à s’inquiéter fortement.
Ce sentiment d’urgence s’est manifesté ce week-end à Paris. Après des semaines de tiraillement, la Caisse des dépôts, La Banque postale et Dexia sont parvenus à un accord au terme d’ultimes tractations menées ces derniers jours sous l’égide du «casque bleu» René Ricol.
Le portefeuille de prêts aux collectivités locales françaises va ainsi être repris par une entité détenue par la Caisse des dépôts et La Banque postale.
L’opération présente, comme l’avait révélé Le Figaro , un intérêt déterminant : sortir du bilan de Dexia environ 80 milliards d’euros d’actifs, essentiellement des prêts aux collectivités françaises, pour les transférer à la nouvelle entité. Pour la banque franco-belge, ce sera autant de moins à refinancer.
Dexia Municipal Agency, la société qui émet des obligations foncières pour le compte de Dexia, basculera également dans l’orbite de la CDC et de La Banque postale, de façon à préserver la note AAA indispensable à ses opérations.
Grâce à ce schéma, Dexia va pouvoir souffler quelque temps, le temps de finaliser le reste de son programme. La création de la «bad bank», en particulier, risque d’être délicate, compte tenu de ses enjeux politiques et financiers.
Les États français et belge, en effet, devraient être sollicités pour accorder leur garantie au montage d’une telle défaisance. Autant dire qu’ajouter des garanties dans un contexte où tous les États cherchent à réduire au contraire leur endettement est loin d’être une gageure [ou plutôt une sinécure ? – Fortune].
Hier, le ministre de l’Économie François Baroin rencontrait son homologue belge, Didier Reynders, en marge de la réunion des ministres des Finances de la zone euro. Les gouvernements français et belge «feront ce qu’il faut» pour soutenir leur banque, a affirmé Didier Reynders.
La restructuration financière de Dexia, enfin, pourrait avoir des conséquences lourdes pour la Belgique et son système bancaire. Certains actionnaires belges de Dexia, comme le Holding Communal, auraient du mal à se relever d’une opération vérité sur la valeur de leurs actifs. Les relations entre la France et le Royaume se jouent en ce moment.