Fdesouche

Fort d’un taux de chômage le plus bas depuis la réunification, Angela Merkel était en position de force lors sa rencontre avec Nicolas Sarkozy dimanche. Un “miracle économique” qui tient notamment à la radiation de millions de chômeurs… L’Allemagne est-elle en mesure de se poser en donneuse de leçons ?

Avec un taux de chômage de 6,9% en septembre 2011, le marché du travail en Allemagne accuse une santé insolente, à côté duquel celui de la France fait pâle figure. N’accuse-t-il pas le même nombre de chômeurs pour une population 25% plus élevée en Allemagne ?

Depuis l’unification et les problèmes économiques subséquents, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas, et il continue à reculer. Comment expliquer ce succès indéniable ? On peut apporter plusieurs réponses à cette question qui intrigue les Français.

L’Allemagne, depuis une dizaine d’années, a procédé à des adaptations douloureuses mais nécessaires pour améliorer sa compétitivité. Elles portaient sur une modération salariale conséquente pour ramener le salaire horaire des Allemands dans la moyenne européenne, appuyée d’une réforme des allocations chômage, la fameuse réforme Hartz IV, ainsi que sur une restructuration du secteur industriel qui a permis d’augmenter les bénéfices des entreprises.

La réforme Hartz IV

L’impact le plus important sur les chiffres du chômage est sans conteste dû à la réforme Hartz IV. Basée sur la fusion de l’assistance chômage et de l’aide sociale, elle a basculé les “sans emplois” après un an de chômage dans la nouvelle allocation chômage II, l’équivalent du RSA français. Cette mesure financière sévère, assortie de contraintes réglementaires accrues, a exercé une pression considérable sur les chômeurs, les poussant à accepter des emplois moins rémunérés ou moins qualifiés que ceux qu’ils détenaient avant.

L’oubli volontaire des seniors et des précaires

Toutefois, le recul du nombre de chômeurs s’explique aussi par d’autres facteurs. Les statistiques officielles ne prennent pas en considération certains groupes de personnes pour des raisons diverses. Ainsi, les chômeurs de 58 ans et plus, n’ayant reçu aucune offre d’emploi en un an, ne sont plus comptabilisés. Ils sont environ 100 000, beaucoup moins qu’il y a quelques années, où les schémas de préretraite, appuyés par les entreprises, fleurissaient partout, notamment dans les nouveaux Länder où le marché de l’emploi est moins porteur qu’à l’Ouest.

Aux seniors, on peut ajouter les chômeurs en formation ou ceux qui pratiquent un job à 1€, une thérapie « occupationnelle » qui vise les chômeurs de longue durée ayant des difficultés à se réinsérer. Le marché du travail allemand connaît en outre une particularité, les mini-jobs, des emplois à temps très partiel et à faible rémunération horaire ne rapportant pas plus de 400 € par mois, non soumis à l’impôt sur le revenu et aux assurances sociales. Aucun de ces groupes ne figure dans les statistiques.

Sans vouloir accuser les instances officielles de truquer les chiffres – l’Agence fédérale du travail de Nuremberg ne fait qu’appliquer les consignes –, on constate que le nombre de chômeurs ne renseigne qu’imparfaitement sur l’état du marché du travail. Car à côté des sans emplois, on trouve un nombre presque trois fois plus important de travailleurs précaires. Ces salariés à l’emploi atypique, les intérimaires, les salariés en CDD, les mini-jobbers, etc. formaient un bataillon de 7,84 millions en 2010. L’accroissement de l’emploi entre 2009 et 2010, tant admiré en Europe, est dû pour 75% au travail précaire, comme le note Destatis, l’Agence fédérale de statistiques en Allemagne. La situation est donc plus nuancée qu’elle ne paraît aux yeux des observateurs étrangers.

Une pénurie de main-d’œuvre ou l’inadéquation entre l’offre et la demande

Si l’Allemagne risque de connaître une pénurie de main-d’œuvre dans les années à venir, c’est moins une question de candidats – bon nombre de précaires ne demandent qu’à travailler plus et mieux –, qu’un problème d’inadéquation entre l’offre et la demande, le nombre d’ingénieurs et de médecins notamment étant considérablement inférieur aux besoins. Ce problème, constaté en France aussi, est aggravé en Allemagne par une situation démographique préoccupante : avec un taux de naissance très bas, moins de 1,4 enfant par femme, le nombre de naissances ne couvre plus celui des décès depuis trente ans.

Les Allemands étant réfractaires à l’immigration massive, il ne reste que deux solutions, les femmes et les seniors. De fait, le taux de femmes actives s’accroît régulièrement se situant désormais au-dessus de celui des Françaises, même si les Allemandes sont nombreuses à travailler à temps partiel. Pour les seniors, s’il leur est toujours très difficile de retrouver un emploi s’ils sont au chômage, ceux qui sont en emploi sont très appréciés par leurs employeurs. Leur part dans l’ensemble des salariés est, avec plus de 25%, en augmentation constante. Un exemple pour la France ?

Atlantico

(Merci à Arbre Sec)

Fdesouche sur les réseaux sociaux