Jean Daniel s’inquiète dans le Nouvel Obs du changement de climat du «Printemps arabe».
Attention ! S’il est accompagné de violences, le «printemps arabe» risque de cesser de mériter son nom. Croisons les doigts en attendant le déroulement et les résultats des élections de dimanche prochain en Tunisie. Mais pensons à l’Egypte, à la Libye, et surtout à la Syrie.
Tandis qu’en Tunisie, des modernistes pleins de vitalité s’opposent à des islamistes très structurés, la répression meurtrière au Caire de la manifestation pacifique des coptes est le premier dérapage grave du régime né de la révolution égyptienne de janvier dernier. […] Ce qui se passe avec les islamistes violents en Tunisie et bien plus encore avec l’armée en Egypte ne doit donc pas être jugé sur la tragédie des victimes mais sur l’exemplarité jusque-ici rayonnante de leurs mouvements révolutionnaires. […]
Pour l’Egypte, tout est plus grave.[…] Pour la première fois, a-t-on écrit, des millions de coptes s’étaient sentis chez eux dans le pays où ils avaient d’ailleurs précédé les Arabes. Ils ont tellement cru assister aux débuts d’une ère nouvelle que, dès qu’il y a eu un attentat mineur attribué à des extrémistes irresponsables contre l’une de leurs églises, ils n’ont pas hésité à se constituer en cortège dimanche dernier pour protester.
Et c’est là que le pire est arrivé, lorsque les forces de sécurité ont littéralement mitraillé une marche pacifique tandis que des jeunes fanatiques, partisans semble-t-il de l’ancien régime, traquaient dans les rues tous les coptes qu’ils pouvaient rencontrer. Là, nous sommes en pleine régression, en pleine guerre de religion, en pleine explosion de fanatisme musulman. […]