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Dans sa famille, on est trafiquant d’armes de père et fils. Hatem, 21 ans, s’est échappé de la prison de Zarzis, au sud de la Tunisie, après la fuite de Ben Ali. De Lampedusa à La Villette, en passant par Rome et Milan, ce jeune harrag tunisien nous raconte son quotidien fait de trafic, vol et proxénétisme.

[…] Après avoir marché un long moment sur les Champs-Elysées, je revins à la dure réalité : je devais trouver un squat pour dormir. Choukri m’amena à Pantin, dans le 20e arrondissement, le royaume des harraga ! Le soir même, je défonçais la porte d’un appartement dans un immeuble qui menaçait de tomber en ruine. Et je commençai à m’organiser pour marquer mon territoire.

10 euros la passe

Les jours ont passé. J’avais dépensé tout mon argent. J’ai dû sortir la cocaïne pour la vendre au jardin de La Villette. A côté du Cabaret sauvage. Sur mon passage, je croisais d’autres harraga qui se prostituaient pour 50, 20 ou 10 euros, ou même quelques pièces. Par ce froid, ils étaient prêts à tout. Cela faisait le bonheur des vieux pervers. Je décidai très vite d’en faire un business, devenant malgré moi le mac de tous ces jeunes. D’autres, refusant mon parrainage, sont partis faire le trottoir à la sortie du périphérique parisien. J’organisais des guets-apens. Nous en profitions pour voler des clients en pleine intimité. Je dirigeais tout en fumant la zetla pour laquelle je suis prêt à tout. J’avais moi-même deux clients qui me payaient bien.

Le premier était un jeune Chinois dépravé et obsédé sexuel. Il me payait 400 euros la passe. Le deuxième, un sexagénaire, avait un vice. Il voulait être filmé pendant nos rapports. Pour 850 euros, prix fixe et inchangeable. Cela me suffisait pour bien vivre. J’envoyais de l’argent à ma famille, à mes amis et à ma copine en Tunisie. Au marché informel de Belleville, je rackettais les receleurs et leur subtilisais les objets de valeur. Un soir, un salafiste algérien m’interpella à La Villette et m’invita à l’accompagner dans une mosquée située dans un local. J’ai bien failli tomber dans son jeu et devenir prédicateur. Mon passif de délinquant m’a vite rattrapé et je suis retourné aux quais de La Villette pour reprendre les rênes de mon nouveau business. Un autre soir, un truand me proposa la vente d’armes légères en m’indiquant comment trouver les clients. Mon grand-père m’avait prévenu : «Pas de business avec les mécréants.»

Alors, je refusai le marché. Pourtant, j’avais juré à mon grand-père de perpétuer la tradition familiale… En juin dernier, dans les quartiers dits arabes de Paris, des affiches ont été placardées appelant les Tunisiens à venir s’inscrire sur les listes électorales en vue des prochaines élections. Mais moi je sais que ça n’intéressait personne. La seule chose que nous demandons, c’est que la consommation de la zetla soit tolérée et qu’El hakem ne nous embête plus comme ils continuent à le faire, même après le départ de Ben Ali. Alors là, peut-être, nous retournerons en Tunisie…

El Watan

(merci à Pénélope)

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