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Par Myret Zaki

On critique la faillite de Dexia, qui venait de passer un «stress test». Mais on oublie que son bilan s’est détérioré avec les attaques spéculatives.

C’est une année où nous avons tout vu : une vague d’indignation mondiale des classes moyennes, qui prennent conscience de la redistribution des richesses du contribuable moyen vers l’élite financière. Et ils ne sont pas seuls : les plus grandes fortunes des États-Unis s’indignent à leur tour. Le père de l’Américain le plus riche, Bill Gates, et le fils du deuxième Américain le plus riche, Warren Buffett, se sont tous deux élevés contre les inégalités sociales et les taux d’imposition trop bas des plus riches.

Indignation vs. lobbying

Un autre membre du 1% le plus aisé, Bill Gross, numéro un de la gestion obligataire, a «tweeté» il y a quelques jours : «Une guerre des classes menée par les 99% les plus pauvres contre le 1% le plus riche? Evidemment, ils nous tirent dessus après que nous leur avons tiré dessus pendant trente ans». Propos qui rappellent ceux tenus par Warren Buffett en 2006 : «Il y a une guerre des classes, c’est vrai, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui fait la guerre».

Même le célèbre raider Asher Edelman, qui a inspiré le rôle de Gordon Gekko dans le film «Wall Street» de 1987,  soutient les manifestations et déclare : «La cupidité des banques est la cause de cette terrible situation économique». On croit rêver. Enfin, le chef des investissements du puissant fonds de pension CalPERS, vient de mettre sa pierre à l’édifice de l’indignation : «Je comprends pourquoi les gens protestent : Wall Street est un jeu truqué».

Et si le parlementaire texan Ron Paul a depuis longtemps déclaré que le système est truqué en faveur des riches et contre les pauvres, il est désormais admis que, lorsqu’il s’agit de sauver le secteur bancaire, L’État se mue en planificateur socialiste, et lorsqu’il s’agit de sauver le petit peuple, l’Etat n’a plus un sou et le système devient ultra-libéral.

Tout le monde est donc d’accord sur le diagnostic. C’est déjà une première. Mais ce sera insuffisant. L’indignation des plus riches contre les inégalités, fort touchante,  ne se traduit pas en action politique. En revanche, l’indignation des plus riches contre la réglementation du secteur financier et la hausse des taux d’imposition se traduit, elle, en action politique.

Les lobbies financiers ont dépensé, après 2008, quelque 600 millions de dollars pour influencer des membres du Congrès et mettre des entraves à la réglementation financière.

Certes, il convient de rappeler, comme l’a fait le gérant de hedge funds John Paulson face aux indignés contre Wall Street, que 41% des recettes fiscales de l’État de New York proviennent du 1% le plus riche de cet État. Mais il faut aussi rappeler que les gérants de fonds spéculatifs paient, aux États-Unis, seulement 12% d’impôts (pour ceux qui n’échappent pas carrément à toute imposition en s’implantant offshore) et que les Américains les plus riches restent les champions de l’évasion fiscale :  le montant des avoirs non déclarés au fisc des États-Unis s’élève à au moins 1600 milliards de dollars, soit plus du double de l’évasion allemande.

L’information, l’arme ultime

Pendant que les masses s’indignent dans les rues, les plus nantis s’indignent dans les allées des parlements, armés de leur imparable chéquier. Ou alors, armés de leur force de frappe spéculative, ils mènent à la faillite, sur les marchés, les rivaux qui pourraient leur faire de l’ombre : il en va ainsi de la guerre spéculative et financière menée contre l’euro, les États de la zone et à présent ses banques.

On critique la banque Dexia, qui avait passé le «stress test» européen  en juillet, pour faire faillite deux mois plus tard. Mais a-t-on regardé ce qui s’est passé, entre deux, sur les marchés ? Son action a perdu 75%. Le cours de ses obligations s’est effondré sous le poids des paris baissiers, qui ont fait exploser le risque  de défaut du titre, dégradant encore et par là-même le bilan de la banque franco-belge. Les titres de toutes les banques européennes ont subi, en septembre, une véritable razzia sur le marché spéculatif des dérivés (CDS).

Reste qu’en face de cette force de frappe financière, s’érigent des citoyens mieux informés, l’information étant la première arme de la démocratie. Du printemps arabe à l’automne financier, on assiste à une seule grande révolte contre le fossé grandissant qui sépare la haute finance et les masses. Les journalistes financiers se retrouvent dans la position de reporters de guerre. Et comme dans toute guerre, le plus dur et le plus essentiel, c’est de séparer l’info de l’intox.

Bilan

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