Les créanciers privés de la Grèce pourraient devoir accepter une perte allant jusqu’à 60% sur leurs titres souverains, au lieu de 21% prévu par l’accord du 21 juillet, afin que la dette grecque puisse redevenir soutenable sur le long terme, selon un rapport qui servira de base aux décisions des dirigeants de la zone euro qui se réunissent dimanche et mercredi à Bruxelles.
Les ministres européens des Finances planchent samedi sur différents scénarios et tentent d’aplanir leurs différences sur le caractère volontaire ou non d’une telle participation du secteur privé à un nouveau plan de sauvetage à la Grèce.
Vendredi soir, ils ont apporté une bouffée d’oxygène à Athènes en donnant leur feu vert au versement d’ici mi-novembre de la prochaine tranche d’aide internationale de 8 milliards d’euros, sans laquelle la Grèce ferait défaut sur ses titres souverains dans les prochaines semaines.
Le Fonds monétaire international doit toutefois encore lui aussi valider ce versement, qu’il a conditionné à des décisions ambitieuses des chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro pour réduire la montagne de dette grecque.
Selon les scénarios inclus dans le rapport de la troïka – FMI, BCE et Commission européenne – représentant les bailleurs internationaux en Grèce, une décote de 50% sur les obligations grecques détenues par les investisseurs privés est nécessaire pour réduire la dette à 120% du PIB, contre 162% aujourd’hui.
S’il était envisagé de la ramener sous la barre des 110%, une décote d’au moins 60% serait alors nécessaire, précise le rapport, qui prévient que la dette grecque pourrait avoir un pic à 186% du PIB.
Une note en bas de page mentionne toutefois l’opposition de la Banque centrale européenne à la publication de tels scénarios car elle estime que les investisseurs refuseront de souscrire de manière volontaire à de telles pertes, entraînant de fait un défaut grec.
Craignant de déclencher un événement de crédit aux conséquences imprévisibles, la France et plusieurs autres pays se montrent eux aussi réticents à aller au-delà de l’enveloppe de 50 milliards d’euros négociée le 21 juillet dernier avec les banques, comme le réclament les autorités allemandes si besoin en forçant ces dernières à faire un effort supplémentaire.
FONDS DE SOUTIEN À LA ZONE EURO
Reflétant un point de vue de plus en plus partagé par les responsables européens, le ministre suédois des Finances Anders Borg a appelé de ses voeux samedi à une “décote substantielle” sur les titres grecs.
“Je ne pense pas que nous devrions utiliser l’argent du contribuable. Le système de garanties ne peut pas seul restaurer la confiance », a-t-il dit à son arrivée à la réunion des ministres européens des Finances.
Outre le plan grec, ces derniers tentent d’avancer samedi sur un vaste plan de recapitalisation des banques du continent, destiné non seulement à les préparer à des pertes en Grèce mais aussi à restaurer la confiance des investisseurs.
Plusieurs sources européennes et bancaires ont indiqué à Reuters plus tôt cette semaine que ce plan pourrait avoisiner les 100 milliards d’euros.
Ils doivent aussi poursuivre les travaux afin de définir une formule acceptable par tous pour démultiplier le Fonds de soutien à la zone euro (FESF), sur lesquelles Paris et Berlin sont divisés.
Vendredi soir, à l’issue d’une réunion de l’Eurogroupe qui à peine effleuré cette question, le ministre de l’Economie, François Baroin, a souligné que la France continuait de penser que la transformation du fonds en banque était la meilleure solution mais qu’elle n’en faisait pas “un point d’affrontement définitif”.
“Ce qui compte, c’est ce qui marche. Et ce qui marche, c’est ce qui ira vers la dissuasion et des pare-feu efficaces et c’est autour de cela que l’on essaie de travailler », a dit le ministre à la presse.
RÉUNION SARKOZY-MERKEL
Octroyer une licence bancaire au FESF lui permettrait d’avoir accès à des financements de la Banque centrale européenne et de multiplier sa capacité d’action par un facteur allant jusqu’à cinq.
Mais Berlin se refuse à cette possibilité, qui reviendrait à accepter que l’institution de Francfort finance les pays de la zone euro, l’un des dogmes explicitement exclus par les traités européens.
Les autres membres de la zone euro sont eux aussi divisés, la Belgique ou l’Espagne s’étant prononcés pour un rapprochement BCE-FESF alors que la Slovaquie ou l’Autriche ont indiqué que cette solution n’était plus étudiée.
Une source européenne a dit vendredi que parmi les solutions sur lesquelles planchaient les ministres, aucune n’impliquait la BCE.
Cette question pourrait être tranchée dès samedi soir lors d’une réunion bilatérale prévue à Bruxelles entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, qui seront rejoints par les présidents de la Commission et du Conseil européen, José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy.
Les dirigeants européens sont placés sous une intense pression par leurs partenaires internationaux pour agir de manière résolue contre la crise, à moins de deux semaines du sommet du G20 de Cannes où ils ont prévu de leur demander des comptes.