Tribune libre de Paysan Savoyard
Nous sommes encore à six mois de l’élection mais nous ne résistons pas à l’envie de nous livrer d’ores et déjà à un rapide survol de la façon dont l’actuel Président à donné suite aux principales promesses en forme de slogans qui avaient structuré sa campagne de 2007 (étant entendu que M. Sarkozy disposant encore de plusieurs mois pour faire montre de ses compétences, son bilan, déjà éloquent comme nous l’allons voir, peut encore s’enrichir).
« Travailler plus pour gagner plus »
Le chômage est aujourd’hui plus élevé qu’en 2007. Le nombre de chômeurs au sens du BIT était de 2,2 millions en 2007 en France métropolitaine (taux de chômage de 8 %). Il atteint en 2011 2,6 millions (soit un taux supérieur à 9 %).
http://www.insee.fr/fr/themes/info-rapide.asp?id=14.
On sait qu’en outre ces chiffres ne correspondent qu’aux chômeurs de la catégorie A. Si l’on y ajoute les demandeurs d’emplois ayant travaillé quelques heures au cours du mois précédent (par exemple à temps partiel ou en intérim) on atteint 4,5 millions de chômeurs. Si l’on prend en compte également tous ceux qui ne sont pas comptés comme chômeurs mais qui n’ont pas pour autant d’emploi, on atteint environ 6 millions de personnes (voir la tribune parue sur Fds le 9/11/10).
Le revenu par habitant des Français (PIB) a continué à stagner depuis 2007, comme c’est le cas depuis une dizaine d’années. Dans le classement des pays européens en termes de revenu par habitant la France est restée à la mauvaise position (la 13e) qui était la sienne en 2007. Par rapport à la moyenne européenne, l’indice de la France s’est même encore dégradé. http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&plugin=1&language=fr&pcode=tsieb010
S’ils ne gagnent pas plus, les Français devront en revanche travailler plus longtemps pour bénéficier d’une pension de retraite : la durée de cotisation nécessaire pour percevoir une retraite à taux plein est passée, à la faveur de la loi sur la réforme des retraites de 2010, à 41 ans et un trimestre (elle était de 40 ans en 2007) ; en outre l’âge minimal pour le départ en retraite est passé dans le même temps de 60 à 62 ans. http://www.retraites2010.fr/tout-savoir/dispositions-g%C3%A9n%C3%A9rales
« Chercher la croissance avec les dents »
La croissance du PIB a été nettement inférieure au cours du quinquennat de M. Sarkozy à ce qu’elle avait été les années précédentes (où elle était pourtant déjà très faible) : le taux de croissance annuel moyen en volume entre 2007 et 2011 devrait être de 0,5 % au maximum (contre 1,72 % entre 2002 et 2006).
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF08112
Par ailleurs le déficit public s’est fortement creusé, atteignant même, en 2009, le niveau record de 7,5 % du PIB ; dès lors la dette s’est accrue à un rythme jusqu’ici inconnu : elle était de 65 % du PIB en 2007 et atteint désormais 86 %.
http://www.insee.fr/fr/themes/comptes-nationaux/tableau.asp?sous_theme=3.1&xml=t_3106
Le commerce extérieur, lui, a été déficitaire pendant tout le quinquennat. En 2010 le taux de couverture des importations par les exportations n’a atteint que 91,6 % soit l’un des deux pires résultats depuis 1950, juste derrière celui de 1982.
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF08450
M. Sarkozy invoque « la crise » pour expliquer ces résultats, comme s’il s’agissait d’un phénomène externe, imprévisible et inévitable, alors que cette crise résulte directement des décisions prises par les différents gouvernements depuis une quarantaine d’années (nous visons en particulier les décisions de dérégulation ayant conduit aux délocalisations, à la financiarisation de l’économie et à l’endettement des Etats).
« Promouvoir une immigration choisie »
Entre 2002 et 2007, période au cours de laquelle M. Sarkozy a été pendant plusieurs années ministre de l’intérieur et de l’immigration, les flux d’immigration légale pour une installation durable ont été nettement supérieurs à ce qu’ils avaient été sous M. Jospin (et ce alors même que la période Jospin avait déjà marqué une forte augmentation par rapport à la phase précédente). Les installations légales d’immigrés non européens ont été entre 1997 et 2001 de 106 000 par an en moyenne : entre 2002 et 2006, elles ont été de 160 000 par an en moyenne, soit une augmentation de 51 %. Depuis que M. Sarkozy est président, ces flux, pour les deux années connues 2007 et 2008, ont légèrement baissé (respectivement 144 000 et 156 000) mais restent très supérieurs à ce qu’ils étaient sous le gouvernement de M. Jospin.
http://www.ined.fr/fr/pop_chiffres/france/flux_immigration/depuis_1994/
En tenant compte des entrées illégales, des naissances issues de l’immigration, et déduction faite des départs et des décès, le rythme d’augmentation de l’immigration non européenne en métropole reste de l’ordre de 400 000 par an. Ce sont donc 2 millions d’immigrés supplémentaires qui sous le quinquennat de M. Sarkozy sont nés ou se sont installés en France.
Ces derniers mois, ce qu’il est convenu d’appeler « le printemps arabe » s’est traduit par l’arrivée de plusieurs dizaines de milliers d’immigrants supplémentaires débarquant en Italie et rejoignant ensuitela France, sans réaction du gouvernement.
M. Sarkozy l’été dernier avait mis en avant les reconduites de Roms à la frontière opérées par son gouvernement : ces reconduites constituent une pure et simple esbroufe.La Roumanieappartenant désormais à l’UE, les Roms ont le droit d’entrer librement en France et d’y séjourner pendant 3 mois : en cas de reconduite à l’expiration des 3 mois, ils peuvent légalement rentrer en France quelques jours plus tard pour y entamer un nouveau séjour légal de 3 mois, ce que la plupart d’entre eux ne manquent pas de faire.
M. Sarkozy se prévaut par ailleurs d’avoir opéré plus de 20 000 reconduites de clandestins par an. Outre le fait que ce nombre ne représente de toute évidence qu’une faible proportion des immigrés clandestins présents sur le territoire, il se murmure que ces reconduites affichées concernent en fait surtout les clandestins comoriens de Mayotte et très peu la métropole.
Par ailleurs sous le mandat de M. Sarkozy, le communautarisme, en particulier musulman, a fortement progressé : le nombre des mosquées est en augmentation continue ; les prières de rue sont apparues dans plusieurs villes ; les grandes surfaces ont désormais un rayon halal ; certaines enseignes de restauration rapide vendent des produits exclusivement halal ; le port du voile islamique s’étend à une proportion toujours croissante de la population musulmane…
« Passer la délinquance au Karcher »
Le gouvernement affiche une baisse globale de la délinquance depuis 2007. Le nombre total des crimes et délits constatés a ainsi baissé de 1,77 % entre 2009 et 2010.
http://www.inhesj.fr/fichiers/ondrp/Bulletinannuel/bulletin-annuel-2010.pdf
En réalité cette réduction globale est due à la baisse des cambriolages et des vols de voiture, les logements et les véhicules étant davantage sécurisés. Les « vols avec violence », eux, ne diminuent pas. Les « atteintes volontaires à l’intégrité physiques » sont en constante augmentation (+ 7 % de 2006 à 2010). Le trafic de drogue prospère. Des actes d’émeutes se produisent partout chaque jour dans tel ou tel quartier (les « violences à dépositaires de l’autorité » ont augmenté de plus de 10 % entre 2006 et 2010). La presse se fait régulièrement l’écho de crimes spectaculaires commis par des délinquants récidivistes.
« Une république irréprochable »
A peine élu, le président a mis au grand jour son penchant pour le bling-bling (la première nuit au Fouquet’s, suivie d’une semaine sur le yacht d’un patron du CAC 40 de ses amis,la Rolex, l’augmentation de son traitement de 172 %, le mariage avec une top model millionnaire…).
Les « affaires » se sont multipliées au cours du quinquennat : Joyandet, Blanc, Woerth (Compiègne, Bettencourt), Tapie (Lagarde), Alliot-Marie, Tron, Karachi, cercle Wagram, sans compter la dizaine de députés et d’élus locaux UMP actuellement mis en examen….
L’impact de cette liste impressionnante est cependant relativisé par le fait que ses opposants du conglomérat UMPS ne sont pas en reste sous ce registre (DSK, Aubagne, Andrieux, Teulade, Guérini, Granié, Sève…). Une nouvelle affaire (le Carlton) éclate ces jours-ci, qui semble partie pour éclabousser indistinctement les différentes écuries de l’oligarchie française.
Ajoutons que l’image de M. Sarkozy ne souffre pas seulement de la remarquable médiocrité de son bilan : le comportement d’ensemble de l’individu est en effet le plus souvent contre-productif. En intégrant par exemple plusieurs personnalités de gauche dans son gouvernement et en tenant un discours « de gauche » sur l’immigration et l’intégration, il a mécontenté son électorat sans pour autant amadouer ses adversaires. M. Sarkozy continue à impressionner par son indéniable énergie et par la rapidité de ses réactions instinctives d’animal politique ; il reste craint en raison de sa propension à humilier ses collaborateurs. Mais son style personnel, son agitation permanente, sa gestuelle outrée s’apparentant à celle d’un acteur comique, son goût pour le clinquant et le voyant font de lui un personnage d’arriviste border line et de parvenu un peu vulgaire qui, même chez ses partisans, peine à susciter le respect.
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Evoquons en quelques mots, pour conclure, l’échéance électorale prochaine. Compte-tenu de son bilan et des réactions épidermiques que sa personne provoque, M. Sarkozy devrait en toute logique obtenir un score très faible. De son côté le candidat socialiste, certes assez sympathique, manque manifestement d’envergure. Les conditions sont donc les plus favorables qui soient pour Marine Le Pen. Tout en étant très connue, elle apparaît comme un personnage politique neuf. Sa personnalité très forte rendent attractives les émissions de télévision auxquelles elles participent, qui enregistrent systématiquement des taux d’audience élevés. Son discours républicain et social entre en résonnance avec les aspirations du plus grand nombre. Enfin les analyses et les prédictions énoncées par son parti depuis des décennies, notamment dans les domaines de l’immigration et de l’insécurité, apparaissent pour la plupart validées par les évolutions enregistrées.
Si dans un tel contexte Mme Le Pen ne parvient pas à être présente au second tour et à y réaliser pour le moins un excellent score, il restera alors à conclure que le vote de la majorité des Français ne repose décidément pas sur la prise en compte des faits et qu’il échappe à la rationalité.