Jean Daniel qui avait tant espéré de la «Révolution du jasmin» en Tunisie s’interroge…
On a eu le tort d’oublier qu’en renversant le pouvoir de Ben Ali, on ne pouvait qu’assurer la victoire de ses ennemis les plus farouches.
[…] C‘est un fait que les islamistes ont été, pendant les vingt-quatre ans de règne du tyran de Carthage, les plus traqués, les plus persécutés et, dans les prisons, les plus torturés. A vrai dire, les islamistes sont même les seuls dont on pouvait dire que leur mouvement avait constamment et résolument manifesté leur hostilité au pouvoir de l’ancien président et de son épouse. Ajoutons que le mérite de ce mouvement islamiste, c’est d être resté aussi structuré, aussi déterminé dans la clandestinité. D’un point de vue rationnel il était normal qu’il en fût récompensé. […] Dans tous les pays arabes, on a pensé qu’après le modèle iranien (une théocratie) parrainé et garanti par les religieux, après le modèle turc où un Premier ministre islamiste s’accommodait des principes démocratiques, il pourrait y avoir un modèle tunisien où le pouvoir et la foi seraient nettement séparés et où l’état de droit ne dépendrait plus de Dieu mais du citoyen souverain. La victoire du parti Ennahda fait disparaître cette ambition et ce rêve dans le pays de Bourguiba. […]