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Cette semaine, nous comptions nous contenter d’une petite étude portant sur les rentrées fiscales de l’État fédéral. Notre objectif était de débuter une série de posts alors que se termine l’année fiscale aux USA. Nous voulions examiner la santé fiscale des administrations publiques américaines en examinant l’assiette de leurs recettes et le niveau de leurs dépenses.

Or ce travail préparatoire nous a conduits à faire un constat étonnant. Les dépenses de l’ensemble des administrations présentées dans les tables NIPA (National Income and Products Accounts) du BEA (Bureau of Economic Analysis) semblent indiquer que la thèse d’une reprise à crédit de l’économie américaine pourrait bien s’avérer en partie inexacte.

Nous avons en effet imputé le ralentissement de la croissance américaine des T-1 et T-2 2011 (et sans doute du T-3 2011) à la baisse des dépenses fédérales. Or cette baisse n’a rien de certaine, les données du BEA et les données du Trésor se contrarient car selon le BEA la dépense publique n’a pas fortement fléchi durant cette période. Il y aurait donc eu décrochage de l’économie américaine au premier semestre sans que le niveau des dépenses publiques ait exercé une influence déprimante sur la croissance.

Pour appuyer cette thèse, les données du BEA ont l’avantage de faire la synthèse des dépenses et des recettes de toutes les administrations. Les données du Trésor ont le défaut d’être limitées à l’État fédéral. Les données du BEA permettent donc d’interroger la politique de l’État fédéral en replaçant cette dernière dans le cadre élargi de toutes les dépenses publiques – États fédérés (States) et administrations locales incluses (Local).

Notre exposé se contentera d’examiner à partir du BEA la question de la reprise à crédit et du ralentissement de l’activité de l’année 2011. Nous examinerons tout d’abord la thèse d’une reprise à la remorque des déficits publics sur la base de comptes élargis à toutes les administrations publiques (A). Cet examen nous conduira dans une seconde partie à examiner les différentes assiettes fiscales des administrations américaine. Nous montrerons qu’une crise fiscale rampante est déjà en cours (B).

En conclusion, nous exposerons les thèses que l’on peut soutenir sur le ralentissement aux USA, la crise fiscale et les risques inhérents à l’ensemble des dettes publiques, la dette fédérale restant privilégiée. Nous nous efforcerons de montrer alors que les questions de dépenses et les questions fiscales ont des relations intimes. Elles trouvent une base commune dans la nature de la crise.

Par commodité, nous intégrerons les programmes sociaux – financés sur les budgets de l’État fédéral et des administrations subfédérales – dans la fiscalité publique. Ce faisant, nous ne faisons que suivre la méthode de collecte des données de la 3ème section des Tables NIPA du BEA.

A – Recettes, dépenses et déficits des administrations publiques américaines – l’invalidation de la thèse d’un effet de la baisse de la dépense publique sur le niveau de la croissance.

1° Remarques techniques.

Nous avons calculé le montant des déficits des administrations publiques en suivant la méthode du BEA. Le BEA fait une différence entre les dépenses courantes et les investissements bruts.

Nous avons calculé les déficits en ajoutant aux dépenses courantes (B) les investissements bruts (Gross Government Investment = BEA NIPA 3.1, 3.2, 3.3, Ligne 35).

Les déficits courants (Net saving = C) résultent de la différence entre les dépenses courantes (A) et les recettes courantes (B)

Les déficits totaux résultent de la prise en compte des dépenses d’investissements dans les dépenses publiques totales (Total Expenditures = E). On mesure sur les trois premiers graphiques de ce post l’importance des déficits publics en examinant les courbes oranges (déficit courant = net saving) et les courbes rouges (Deficit total = D-E).

Les dépenses totales (Total expenditures = E) sont toujours Consumption of Fixed Capital (CFC) exclues. Nous n’intégrons pas au calcul des différents déficits totaux de nos graphiques la valeur des amortissements publics qui n’ont pas à en être soustrait (Consumption of Fixed capital). En effet, ce calcul ne fait pas sens dans le cas des administrations publiques qui ne vendent pas des biens. Cette valeur est couverte par les impôts qui permettent de renouveler les investissements publics à mesure qu’ils sont consommés ou usés.

Les administrations publiques ne peuvent récupérer cette valeur en vendant des produits ; elles ne sont pas marchandes ; c’est pour cela que nous avons calculé les dépenses totales (E) CFC exclu. Dans le calcul des dépenses totales (E), nous avons tenu compte des Capital transfer payments et du Net Purchase of non Produced Assets calculés par le BEA pour ne pas trahir sa méthodologie et donner des comptes complets. Leur valeur est marginale.

2° Examen des graphiques des déficits des Gouvernements ou de l’ensemble des administrations publiques.

L’examen des déficits courants et des déficits totaux de l’État fédéral ne laisse apparaître aucun fléchissement majeur des déficits fédéraux. Les déficits fédéraux n’ont pas baissé au point d’impacter la croissance au T-1 et T-2 2011. Certes, ils varient, mais ils restent à des niveaux voisins des déficits enregistrés depuis le T-2 2009. Il n’y a donc ni effet brusqué, ni effet différé des déficits fédéraux sur le recul de la croissance de 2011. Nos conclusions portant sur les déficits fédéraux corroborent notre analyse des déficits de l’ensemble des administrations publiques (A – 2°).

4° Examen des déficits des administrations subfédérales.

L’examen des déficits des administrations subfédérales contredit encore plus nettement la thèse d’une chute des déficits publics sensée expliquer le ralentissement de la croissance. Depuis le T-3 2010, les déficits courants des administrations subfédérales ont augmenté, ils n’ont connu qu’un petit tassement au T-2 2011. Les déficits totaux ont connu une évolution parallèle. De plus, en comparaison des déficits fédéraux, les déficits publics des administrations subfédérales sont nettement plus modestes. Leur évolution ne leur a pas fait jouer un rôle considérable dans les évolutions de la croissance américaine.

5° Examen élargi des déficits publics

Une objection pourrait être faite à notre démonstration. Il existe des emprunts faits par le Trésor pour le compte de tiers qui sont hors budget. Le BEA ou le Trésor ne les imputent pas aux dépenses publiques puisque les émissions du Trésor qui les couvrent ne sont pas des emprunts publics. Ce sont des dépenses publiques « sournoisement » hors budget.

Pour répondre à cette objection nous avons intégré les données du Trésor qui font apparaître ces emprunts pour des tiers. Ce ne sont pas des emprunts publics, mais ils entrent dans le calcul du montant des émissions de bons du Trésor et se rattachent comme tels au crédit public dont nous voulons mesurer les évolutions et les impacts supposés sur la croissance.

Ce graphique étant un graphique récapitulatif, nous avons fait apparaître l’ensemble des déficits des administrations publiques (Government = C), de l’Etat fédéral (A) et des administrations subfédérales (B). Pour calculer le déficit public total, nous avons ajouté au déficit total des administrations publiques (Government = C), les emprunts du Trésor pour le compte de tiers. Il n’est pas utile de refaire les commentaires des courbes A, B, C, D. En revanche, il est nécessaire de faire le commentaire des déficits publics totaux (E) et des emprunts du Trésor pour le compte de tiers (G).

Premier constat, les emprunts du Trésor pour le compte de tiers restent stables depuis 2010 T-1 ; leur valeur, estimée à titre provisoire par le Trésor, a augmenté au T-1 et T-2 2011.

Deuxième constat. Il est donc logique que le constat que nous faisions pour l’État fédéral (A) et pour l’ensemble des dépenses des administrations publiques (C) se répète. Le déficit public total des dépenses des administrations publiques n’a eu aucune incidence sérieuse sur le ralentissement de la croissance au T-1 et T-2 2011. Depuis 2010, le soutien à la croissance des déficits publics n’a pas été altéré par des variations brusques du niveau des déficits. D’un trimestre sur l’autre, les plus ont compensé les moins. Et surtout on ne voit aucune chute de la dépense publique en 2011 ou à la fin de 2010 qui pourrait expliquer le ralentissement économique de 2011.

Il ne semble pas que le ralentissement sensible de la croissance soit explicable par la contraction des déficits publics si nous tenons compte des calculs du BEA.

Nous ne faisons pas le commentaire détaillé des relations entre les dépenses totales et les recettes totales tant la stabilité relative des déficits publics illustre le fait que les recettes totales suivent les dépenses totales des administrations publiques américaines et qu’il en est de même pour les dépenses et les recettes courantes.

En apparence, il n’y a pas de crise fiscale aux USA. Mais peut-être faut-il examiner les choses de plus près car les courbes de nos trois premiers graphiques sont quelque peu trompeuses. En effet, elles nous montrent depuis 2009 un redressement des recettes totales de l’ensemble des administrations publiques (Government), de l’Etat Fédéral (Federal) et des Administrations subfédérales (State & Local).

Nous nous trouvons donc en apparence dans une situation fiscale saine. Le rapport des recettes et des dépenses indique pourtant un inévitable alourdissement de la charge que les dépenses publiques cumulées font peser sur les capacités fiscales du pays.

B – Les recettes courantes des administrations publiques américaines par postes ou les assiettes fiscales des administrations publiques.

1° Remarques techniques.

Nous avons pris pour base des recettes des administrations publiques les recettes courantes. Il existe une mesure plus large des recettes qu’offre le BEA sous la rubrique total Receipts (NIPA T 3.1, T.2, T.3). Nous l’avons utilisée sur les graphiques précédents pour mettre en miroir les total receipts (recettes totales) et les total expenditures (dépenses totales) des administrations publiques des USA. La difficulté à distinguer les recettes courantes des recettes totales s’explique par la faiblesse de leur différence, les recettes totales comptabilisant en effet des Capital transfer receipts de faible importance. Nous pouvons donc négliger les Total receipts sans fausser les argumentations qui suivent.

2° Les recettes des administrations publiques.

a) Crise fiscale.

Premier constat, les recettes des administrations publiques américaines n’ont retrouvé leur niveau du T-1 2007 qu’au T-2 2011 alors que l’ensemble des déficits explosait. Il y a donc aux USA une dégradation lente des capacités fiscales du pays à faire face au remboursement d’une dette qui s’accumule en volume croissant pour l’ensemble des administrations publiques.

Deuxième constat, les capacités de remboursement des dettes publiques par les administrations ont cessé de progresser rapidement depuis le second semestre 2010. Ce ralentissement paraît épouser le ralentissement général de l’économie grevant les recettes fiscales.

b) Assiette fiscale

L’examen détaillé des recettes des administrations publiques est contrasté.

Les impôts pesant sur les personnes subissent de plein fouet les effets de la crise (chômage, emploi à temps partiel contraint, stagnation des revenus agrégés des personnes, baisse de la population employée, affaiblissement du taux d’emploi de la population active et du ratio population active/population en âge de travailler). Ils n’ont remonté depuis le T-2 2009 que sous l’action essentielle du redressement des revenus issus de la détention de capital (intérêt, dividende, loyer des logements).
Pour les cotisations sociales (Contribution for Governement social insurance) qui ne bénéficient pas du coup de pouce des revenus du capital, l’effritement est sensible au T-1 et T-2 2011 et la progression très faible depuis le pic de 2008 T-1

Les impôts sur les entreprises contribuent depuis le T-2 2009 à redresser une situation fiscale compromise. Ils n’ont toutefois pas encore retrouvé leur niveau antérieur et il semble bien que le ralentissement de l’économie commence à les pénaliser depuis le premier semestre 2011.

Les impôts sur la consommation et les importations sont les seuls à continuer d’apporter une contribution nettement positive depuis le T-1 2009. Ils sont les seuls à avoir dépassé au T-2 2011 leur niveau du T-1 2008.

Les deux autres composantes des recettes de l’État fédéral restent assez marginales. On notera une amélioration très sensible des Currents transfer receipts alors que les revenus sur des actifs détenus par les administrations publiques sont stagnants depuis le T-1 de 2007.

3° Les recettes de l’Etat fédéral – Assiette fiscale

Les recettes de l’État fédéral confirment les analyses que nous venons de faire. Les rentrées fiscales fédérales n’ont pas retrouvé leur niveau de 2007. Elles tendent à ne progresser que très faiblement depuis le T-3 de 2010.

Les impôts pesant sur les personnes (Personnal current taxes) n’ont pas retrouvé aux T-1 et T-2 2011 leur niveau du début de 2007. Leurs progrès récents s’expliquent moins par la progression des revenus salariés que par la reprise des revenus du capital.

A nouveau, les contributions pour les assurances sociales trahissent la stagnation des revenus issus du travail salarié. Il est logique de les voir chuter au T-1 et T-2 2011 avec le ralentissement de l’économie. N’étaient les revenus du capital, la chute serait plus forte.

Les taxes sur les entreprises apportent une contribution positive depuis le T-1 2009 mais cette contribution stagne depuis les trimestres allant du T-3 2010 au T-2 2010.

Le reste des recettes – Impôt sur la consommation et les importations, Revenus sur les actifs publics ou taxes prélevées à l’étranger – est négligeable.

4° Les recettes des administrations subfédérales – Assiette fiscale

Les recettes des administrations subfédérales sont les seules à paraître s’être améliorées.
Il y a à cela une raison simple. Ce sont les transferts de l’État fédéral (Current Transfer receipts) qui ont couvert l’accroissement des recettes fiscales, ces transferts assurent les dépenses du Welfare américain dont une partie est gérée par les Etat fédérés. On note là encore une chute de ces transferts fédéraux depuis le T-3 2010.

On notera que les impôts sur les personnes restent modestes dans le financement des administrations subfédérales. Ils ont simplement retrouvé leur niveau du T1 2007.

Ce sont les taxes sur les productions et les importations qui ont réussi à soutenir les dépenses des administrations subfédérales.

Les autres postes de recette – assez modestes – ont eu des contributions d’une qualité très inégale. Les revenus sur les actifs publics sont en baisse continue depuis le début de la crise, les impôts sur les entreprises anonymes tendent à stagner depuis un an après s’être repris en 2009 T-3 et T-4.

Nous laissons de côté les contributions des Etats au Welfare, il suffit de les comparer aux Transferts de l’Etat fédéral pour se rendre compte que le Welfare reste à la charge de l’État central aux USA.

5° Bilan – La crise fiscale est fédérale

La situation de la fiscalité américaine illustre un point fondamental valable pour l’ensemble des administrations publiques, l’Etat fédéral et, à un moindre titre, les administrations subfédérales. Les problèmes fiscaux aux USA tiennent à l’insuffisance des impôts sur les personnes. Insuffisance qui est la traduction d’une fiscalité très inégalitaire et d’une baisse sensible de la situation économique des salariés pâtissant de la crise sans disposer de revenus patrimoniaux compensateurs (action, placement financier, détention de logement locatif) en raison de la distribution très inégalitaire des patrimoines financiers.

Il y a aux USA une crise économique pesant sur les recettes, cette crise se redouble d’une mauvaise assiette des impôts envenimant les questions fiscales. A y regarder de plus près, la crise fiscale générale des administrations publiques est présente au niveau fédéral et subfédéral.

Les administrations subfédérales ont à peine retrouvé leur niveau de recette fiscale de 2007. Ayant augmenté leur dette pour faire face à la crise, elles se trouvent donc dans une situation fiscale détériorée. Néanmoins, il ne faut pas exagérer cette détérioration, la croissance de la dette des administrations subfédérales est restée modeste.

Le seul point inquiétant est la croissance du poids des transferts fédéraux dans leurs recettes. En augmentant considérablement, ces transferts – transferts permettant de maintenir à un haut niveau les dépenses de consommation qui auraient chuté faute d’une demande solvable suffisante – l’État fédéral s’est condamné à supporter l’essentiel des risques d’une crise fiscale. La crise fiscale est donc d’abord fédérale car c’est l’État fédéral qui a fait le plus de dette depuis 2007.

Pour autant les administrations subfédérales restent pour nombre d’entre elles dans une situation financière fragile que nos statistiques ne permettent pas d’examiner. Le Montana est en dépôt de bilan, la Californie au bord de l’asphyxie… Faute de disposer de statistiques des dettes des États fédérés et des administrations locales, nous bornerons là nos remarques.

C – Synthèse en forme de conclusion

Les développements de nos deux parties semblent passablement étrangers l’un à l’autre. Peut-on réduire cette différence ? Pour répondre à cette question simple il faut se poser une question simple : qu’y a-t-il de commun entre une dépense publique qui ne tire pas la croissance et une fiscalité qui ne draine pas assez de recettes alors que les dettes s’accumulent ? La réponse est simple : la crise et ses effets sur le revenu des américains et leur capacité financière à contribuer aux dépenses sociales.

1° La relance à la remorque du crédit public.

a) Constat

Pour ce qui est de la dépense publique, nous avons essayé de démontrer dans un post antérieur que la dépense publique était très largement liée au maintien d’une consommation tirée par les transferts sociaux.

Si la croissance ne repart pas c’est que cette consommation, soutenue par des déficits croissants des comptes sociaux – auxquels il faut ajouter les transferts pour le compte de tiers – constitue un circuit de dépense artificiel qui est loin de se substituer efficacement à un circuit de consommation ordinaire. La stimulation réelle de l’économie est donc médiocre. Les modes de calcul du PIB dissimulent ce fait.

Ce que révèlent les comptes sociaux s’appliquant à toute l’économie américaine. En augmentant les transferts sociaux et en faisant des dépenses en vrac, le Trésor des USA a réussi à produire une croissance au moteur coûteux. La dépense publique semble pouvoir enrayer les effets récessifs – ou dépressifs – de la crise, elle ne peut se substituer à une croissance réelle dont la consommation des ménages est le moteur réel. Or cette dernière est rudement atteinte par la situation dégradée de l’emploi.

Si l’on se fie aux données du BEA, il semble bien que l’économie américaine connaisse depuis un semestre – voire un peu plus – un ralentissement sensible sans que l’on puisse imputer ce ralentissement à la contraction des déficits publics. Il semble donc que la dépense publique ait perdu son pouvoir de soutenir la croissance américaine indépendamment de son importance. Comme le montre la première partie de ce post, la dépense publique n’a pas fléchi aux USA en 2011, la ralentissement de la croissance doit donc trouver sa cause ailleurs.

b) Bilan

Quoiqu’il en soit, il semble bien que la thèse d’une croissance portée par le crédit public ait vécu. Le crédit public ne semble plus avoir ce pouvoir. La stagnation de la dépense publique au premier semestre 2011 aurait du s’accompagner d’une reprise soutenue si la croissance était redevenue endogène à l’économie. C’est l’inverse qui s’est produit. Ce qui est encore endogène à l’économie, c’est la crise et les limites atteintes par des dépenses publiques faites pour la dépasser.

Les données du Trésor nous avaient conduits à soutenir l’idée que c’est le ralentissement du déficit public qui est à la source des contre-performances économiques des T-1 et T-2 2011.
Les données du BEA font apparaître une explication plus sombre. La croissance de l’économie américaine est en effet en train de décrocher indépendamment du niveau élevé de la dépense publique. Dans le cas où il faudrait la soutenir plus fortement, il serait nécessaire de relancer la dépense publique fédérale et – accessoirement – subfédérale.

Les demandes de rallonge récentes de dépenses de l’administration Obama de 447 Md de $ nous conduisent à penser qu’une nouvelle phase de relance à crédit permettrait au mieux à l’économie américaine d’entretenir une croissance médiocre sans remédier à la situation fiscalement dégradée du pays puisque la dette fédérale augmenterait à nouveau fortement. L’horizon de ces mesures de relance, c’est l’élection de 2012. Rien de plus !

Je cite les déclarations du Président de la FED sans commentaire : Bernanke a exhorté les élus du Congrès à ne pas saper la reprise économique du pays qu’il a jugé « proche de fléchir » et encore « léthargique sur le front de l’emploi ». C’est vers cette seconde question qui faut nous tourner pour ne pas laisser les deux parties de ce post étrangères l’une à l’autre.

2° Crise – Emploi – fiscalité des personnes (Impôts et cotisations sociales).

A – Crise fiscale et Crise générale

Qu’est-ce que révèlent les données fiscales américaines ? Elles montrent très clairement que le financement des administrations reflète la nature profonde de la crise. Les recettes ne réussissent pas à financer les dépenses de l’Etat fédéral en raison d’un problème de chute des revenus salariaux des personnes et une insuffisance des cotisations sociales. Rien ne favorise la demande réelle – l’État fédéral n’est pas un consommateur -, l’emploi et, partant, les impôts et les cotisations sociales aux USA. Les investissements des entreprises nuisent eux-mêmes à l’emploi car ils obéissent à une croissance à dominante extensive faisant de l’utilisation maximale de la main d’œuvre couplée à un investissement intensif insuffisant les sources d’une augmentation de production de valeur accompagnée d’un chômage de masse persistant.

Nous y voyons la confirmation d’une analyse qui voit dans la crise l’expression même d’une chute des revenus et de l’emploi sous le double aspect d’un chômage de crise s’ajoutant à un sous-emploi latent qui s’est manifesté dans la décennie précédant la crise. Ces deux phénomènes sont l’effet d’une croissance à dominante extensive où le système production n’a plus été en état d’absorber la main d’œuvre pour continuer à produire de forts volumes de valeur. La croissance a alors été tirée à crédit par le jeu d’un surendettement croissant des acteurs économiques privés.

Dans la mesure où l’État fédéral se substitue sans efficacité au crédit privé pour entretenir une croissance insuffisante, le talon d’Achille de la croissance, l’insuffisance de la production de valeur, se retourne contre lui sous la forme d’une crise de l’emploi – sous emploi latent antérieur et chômage de crise – qui affaiblit ses revenus issus du travail salarié. L’Etat Fédéral a noué ainsi les fils d’une crise fiscale inévitable qui menace de le ruiner. Il est en fait dans une logique qui conduit inévitablement à l’accroissement de la dette souveraine des USA visant à relancer une croissance introuvable.

La stagnation relative des impôts et des cotisations sociales dans le financement de la dette souveraine des USA est le signe que la chute tendancielle de l’investissement aux USA est en train de rendre fiscalement insoutenable le financement de la dette souveraine et un scénario crédible de sortie de la crise. Le niveau d’emploi et la demande solvable des ménages, déjà insuffisante à la fin des années 90, sont aujourd’hui le point de faible des finances publiques.

Les revenus agrégés des personnes peuvent encore faire illusion sur le niveau de la demande solvable et le niveau d’imposition. Les revenus issus du capital ne sont pas à eux seuls susceptibles de soutenir la croissance et la fiscalité des administrations publiques si les revenus salariés sont durablement atteints. La logique d’investissement des entreprises en croissance à dominante extensive rend la situation de l’État fédéral et des administrations publiques quasiment désespérée tant du côté des recettes que des dépenses.

La politique de relance entraîne l’État fédéral dans un étau formé d’une mâchoire fiscale et d’une mâchoire financière actionnées par le mirage d’une reprise à crédit.

3° Crise fiscale

L’ensemble de ces facteurs induit la montée en puissance inéluctable d’une crise fiscale sous-jacente au gonflement de la dette souveraine publique (État fédéral, administrations subfédérales). Si le crédit public n’est plus économiquement efficace, alors la croissance effective de l’économie va se dissocier de l’expansion de la dette souveraine. C’est ce qui est en train de produire.

L’éclatement d’une crise n’est plus alors qu’une question de temps. Les USA connaissent déjà une crise fiscale rampante qui résulte de deux effets agissant en boucle : la dépense publique alimente la croissance, donc les impôts et cotisations sociales, mais la croissance ralentissant, les impôts ne peuvent suivre la croissance de la dette. Ce qui implique de faire plus de dette publique au risque de perdre un jour le soutien des prêteurs.

Les administrations publiques semblent donc soutenir à bout de bras une croissance qui se dérobe. Elles se sont substituées à un endettement privé qui ne peut plus tirer la machine par le jeu du surendettement. L’État fédéral peut faire de la dette à tout va, la FED peut dégrader son bilan, les données économiques montrent que la trajectoire actuelle de l’économie américaine implique à moyen terme une crise fiscale pouvant s’exprimer sous des formes diverses.

4° Des formes de risque.

La question de la dette souveraine ne résulte pas seulement de son volume, de la confiance des investisseurs, des taux d’intérêts qui la frappent. La crédibilité fiscale de l’État américain – et plus largement des administrations publiques – se pose à quiconque examine froidement les données publiées par le BEA.

Cette crédibilité soulèvera la question de la recouvrabilité de la dette à long terme et du versement des intérêts qui pourrait la grever à des niveaux de rémunération déraisonnables.

C’est évidemment l’État fédéral qui est en première ligne mais de graves difficultés sur les dettes subfédérales pourraient précipiter une panique. Un nouvel épisode de la dette souveraine des États européens pourrait aussi avoir un effet de déstabilisation par le simple jeu des rapatriements de capitaux permettant de combler les pertes des marchés financiers sur des dettes souveraines en Europe. La dette italienne est une bombe à retardement pour la pauvre maison Europe dont la construction s’est faite en commençant par le toit. Elle est aussi une très grave menace pour les USA.

La zone Atlantique ne forme qu’un seul et même espace de risque. L’inquiétude de l’administration Obama vis-à-vis de la question de la crise des dettes souveraines en Europe s’explique sans doute pour cette raison. Et ce faisant nous désarmons les analyses qui prêtent des intentions hostiles des USA à l’égard de l’Union Européenne et de l’euro. Si ces intentions hostiles existent au plan monétaire, elles sont économiquement suicidaires.

On conçoit donc que la Réserve fédérale, alarmée par le ralentissement de l’économie, ait choisi d’acheter de la dette à long terme nouvellement émise. La question de la crédibilité financière des USA est officiellement posée par les mesures de la FED qui permettront, le cas échéant, d’éviter une crise de consolidation de la dette passant par des souscriptions difficiles ou des taux de rémunération excessifs sur les titres du Trésor à longue maturité (5 ans et +). Rien n’est fait par la FED pour l’économie et donc pour l’amélioration de la fiscalité de l’État fédéral.

On comprend mieux aussi pourquoi Obama veut relancer les dépenses en les centrant sur l’emploi, il faut redresser la situation de l’emploi pour désamorcer la crise fiscale tout en soutenant l’économie. Il s’agit de dépenser de l’argent pour gagner du temps.

Si les investisseurs comprenaient que la fiscalité – cotisations sociales incluses – américaine ne se porte guère mieux que le reste de l’économie, la crise de la dette souveraine s’enclencherait. Les investisseurs semblent pour l’instant préférer le somnambulisme à l’examen des faits…C’est tant mieux à très court terme. La nef des fous peut poursuivre son voyage. Pour aller où ? Et pour combien de temps encore ?

Le Monde

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