Dans son livre Leur grande trouille (Ed. Les Liens qui libèrent), le journaliste François Ruffin, fondateur du journal Fakir, prend la défense du protectionnisme. Il dénonce l’ostracisme autour de cette option économique et les ambiguïtés de la gauche antilibérale elle-même à ce sujet.
On observe une alliance objective entre le patronat, qui tire profit du libre-échange, et une extrême-gauche qui renvoie dos à dos celui-ci et le protectionnisme, en faisant miroiter une révolution ouvrière internationale que je souhaite, mais à laquelle je ne crois pas à court ou moyen terme.
Depuis l’écriture de cet ouvrage, Arnaud Montebourg a pris la défense du protectionnisme avec le succès que l’on sait. Sentez-vous le vent tourner ?
Montebourg est devenu un héraut du protectionnisme. Mais, dès le lendemain de la primaire socialiste, le discours dominant est redevenu le même, les partisans du libre-échange sont retombés sur leurs pieds. Montebourg a vu ses idées dénoncées comme proches du nazisme ou du stalinisme. Aucun des principaux candidats ne défendra le protectionnisme en 2012.[…]
Vous expliquez que c’est notamment l’exaltation du «métissage culturel» qui a facilité l’acceptation du libre-échange commercial par la gauche. Du coup, la mise en place du protectionnisme sera-t-elle aussi inséparable d’une revalorisation de la culture nationale ?
Je pense que ça va avec. Moi, je n’ai pas de problème avec l’idée de nation. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit fondée sur la pureté de la race. Certains prônent le métissage tout en condamnant le protectionnisme. D’autres prônent le libre-échange des marchandises, mais le protectionnisme pour les hommes. Pas question de taxer les roulettes en aluminium chinoises, ce serait du fascisme. En revanche, on peut créer des brigades qui vont en Libye ou au Niger pour empêcher l’immigration vers l’Europe. […]
Marine Le Pen a-t-elle joué un sale tour à la gauche en récupérant le discours protectionniste ?
La gauche lui a tout simplement abandonné le terrain. D’où la nécessité de récupérer des outils de politique économique et un discours favorable au monde ouvrier, deux choses délaissées par la gauche.[…]Le protectionnisme, aujourd’hui, relève de l’évidence pour beaucoup de personnes. Raison de plus pour ne pas laisser ce boulevard au Front national.
Libération (Merci à Toto)