Les pays européens non membres de la zone euro, au premier rang desquels la Grande-Bretagne et la Suède, veulent être plus impliqués dans les décisions prises par l’Eurozone. La perspective d’une Europe à deux vitesses inquiète.
“Nous en avons assez de vous entendre nous critiquer et nous dire ce que nous avons à faire “, aurait répliqué Nicolas Sarkozy au Premier ministre britannique David Cameron dimanche 24 octobre, lors du énième sommet européen sur la crise de la dette à Bruxelles. “Vous dites détester l’euro, vous n’avez pas voulu le rejoindre et maintenant vous voulez vous ingérer dans nos réunions “, aurait ajouté le président français. Ambiance.
Qu’a fait David Cameron pour s’attirer les foudres de Sarkozy? Il a exigé, et obtenu, qu’un autre sommet réunissant les 27 pays de l’UE soit convoqué mercredi 26 octobre à Bruxelles, alors qu’un sommet des seuls dirigeants de la zone euro était initialement prévu. “La crise de la zone euro affecte toutes nos économies, y compris celle de la Grande-Bretagne“, a justifié David Cameron. Le Britannique n’est pas le seul à se plaindre de la volonté croissante des 17 États de la zone euro de prendre des décisions sans les consulter.
Les Suédois, les Danois et les Polonais supportent eux aussi de moins en moins cet état de fait. Les dirigeants des pays non membres de la zone euro sont soutenus par le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. “Il ne devrait pas y avoir de séparation entre la zone euro et le reste de l’Union européenne “, a déclaré récemment le Portugais. Même les Pays-Bas et la Finlande, deux pays pourtant membres de la zone euro, estiment que “tous les États membres doivent être impliqués dans les décisions “.
“Les pays non membres de la zone euro craignent, légitimement, une issue négative de la crise de la dette, à savoir une sortie de la Grèce de la zone euro. Dans ce cas, il faudrait geler tous les comptes des créanciers de la Grèce et contrôler les capitaux pour éviter une fuite. Cela entraînerait une profonde remise en cause des règles financières et de libre-échange de l’Union européenne “, explique Michel Aglietta, professeur de sciences économiques à l’Université de Paris-X Nanterre et conseiller au CEPII.
Participer au FESF
“Si les pays non membres de la zone euro estiment que le niveau d’intégration financière en Europe est tel qu’ils sont concernés par les décisions de la zone euro, il faut qu’ils aillent jusqu’au bout de leur logique et qu’ils participent au sauvetage de la Grèce et au financement du Fonds de secours européens (FESF) “, poursuit Michel Aglietta.
Mais ce que craignent vraiment ces dix pays non membres de l’Eurozone, c’est que rojet de l’Union européenne à vingt-sept soit progressivement vidé de substance au profit d’une Europe à deux vitesses. La France milite en effet en faveur d’une montée en puissance de la zone euro en tant qu’entité à part pour donner corps à son idée de “gouvernement économique “. L’Allemagne aussi plaide pour aller encore de l’avant via une nouvelle réforme des traités, voire un arrangement entre les seuls pays de l’Union monétaire.
“La zone euro ne peut plus fonctionner sur la seule base d’un fédéralisme monétaire. Un fédéralisme budgétaire et politique renforcé est désormais inévitable”, analyse Michel Aglietta. Alors oui, il y aura bien deux Europe à l’avenir: un noyau dur constitué des pays de la zone euro et un espace communautaire – l’UE des 27 – régi par plusieurs règles dans des domaines tels que les droits de l’homme, le libre-échange et la concurrence. “Au bout du compte, une Europe à deux vitesses vaut mieux qu’une Europe immobile “, a récemment déclaré en substance le gouverneur de la Banque centrale polonaise, Marek Belka.