La démission annoncée de Berlusconi n’a pas rassuré les marchés. Le champion des cabrioles a posé ses conditions : des élections anticipées sans gouvernement de transition. Autrement dit, l’incertitude politique totale. Résultat : le taux des emprunts d’Etat a atteint 7,42%. Situation intenable qui menace l’euro.
La bourse plonge, le “spread », l’écart de rendement Italie-Allemagne à 10 ans atteint 572 points de base puis retombe à 552 points. Le rendement des obligations sur dix ans, grimpe à 7,42%. Un niveau insoutenable comme le prouve, notamment, l’exemple de la Grèce qui a dû réclamer une aide financière du Fonds Monétaire International (FMI) et de l’Union Européenne (UE). Et aussi, un point de non retour.
Du coup, Rome craint d’être dévoré à la sauce grecque. Et pourtant, la situation des deux pays n’est pas comparable. “L’Italie est un pays riche qui repose sur un tissus de PME solides, les fondamentaux sont solides contrairement à ceux de la Grèce” estime Vincenzo Visco, ancien ministre des Finances du gouvernement Prodi.
Soit. Mais les chiffres et les faits dénotent une série de coïncidences alarmantes entre les deux pays. Après la visite en janvier 2010 des inspecteurs de la Banque Centrale Européenne (BCE) et du FMI, la Grèce a dû mettre en place un remède de cheval assorti d’une réforme des retraites et de coupes draconiennes au niveau de l’administration publique. L’Etat a été mis au régime sec et de nouveaux impôts ont fait florès.
Sauver la boutique
Coté chiffres, la situation grecque est éloquente : le PIB est en chute libre (-5% cette année) et son rapport avec le déficit public (10,6% fin 2011) dépasse largement les prévisions. Le taux de chômage est de 17,6% avec des taux de 40% en ce qui concerne les moins de trente ans. Pour sauver la boutique hellénique, un plan d’aide réparti en plusieurs tranches d’un montant global de 230 milliards d’euros a dû être mis en place durant les derniers mois.
En Italie, la première tournée d’inspecteurs BCE-UE est arrivée ce matin. La réforme des retraites et les coupes dans l’administration publique comme la réforme de la fiscalité font partie des mesures qui devraient être rapidement adoptées conformément aux engagements souscrits par Silvio Berlusconi avec ses partenaires européens. Et l’activation d’un plan d’aide à l’Italie est à l’étude, affirmaient des diplomates européens le 24 octobre dernier.
Film d’horreur
Faut-il en déduire que l’Italie est en train d’emprunter le même chemin que la Grèce ? C’est en tout les cas le film d’horreur que les analystes et les politiciens italiens se projettent depuis deux jours. Durant les derniers mois, de nombreux économistes comme l’Américain Nouriel Roubini ou l’Italien Tito Boerio, ont affirmé qu’une démission anticipée de Silvio Berlusconi – avant l’échéance de la législature en 2013- impliquerait immédiatement une inversion de tendance.
On y croyait jusqu’à mardi soir lorsque le Cavaliere a finalement décidé de jeter l’éponge après l’adoption de la loi formalisant les dépenses de l’Etat en 2010. Mais la chute de la bourse, l’envol du spread et la hausse du taux de rendement des obligations d’Etat, ont eu l’effet d’une douche glacée sur les Italiens. Habitués aux cabrioles du Cavaliere, les marchés n’ont probablement pas cru à son histoire de démission.
D’autant que le milliardaire a posé des conditions pour son départ. Primo, le Parlement devra approuver la loi de stabilité. Puis, le chef de l’Etat Giorgio Napolitano devra organiser des élections anticipées et renoncer à l’idée de former un gouvernement provisoire pour terminer la législature. Or, c’est là que le bât blesse.
Berlusconi n’est pas Zapatero
Partant du principe que l’Italie n’est pas l’Espagne et que des élections anticipées susciteraient à nouveau l’inquiétude des marchés, l’opposition et la majorité – mis à part les prétoriens du Cavaliere – veulent éviter un schéma à la Zapatero. D’autant que Silvio Berlusconi resterait en place pour gérer les affaires courantes jusqu’à la date des élections.
Du coup, la situation semble au point mort. Même si les pressions s’accentuent autour du Cavaliere pour le pousser à accepter l’idée de passer la main sans poser de conditions. C’est le cas notamment des présidents du Sénat et du Parlement qui se disent prêts à appuyer sur l’accélérateur pour faire adopter la loi de stabilité d’ici la fin du mois de novembre. En souhaitant que d’ici là, l’Italie n’aura pas fait un pas de plus vers la Grèce.