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Le mouvement anti-Wall Street continue de faire des émules aux Etats-Unis, même hors des grands centres urbains. Des manifestations sont désormais organisées dans des petites villes à travers le pays, preuve que l’Amérique profonde s’indigne aussi.

Missoula (Montana), début novembre 2011

Nancy Pi-Sunyer, 66 ans, enseignante à la retraite de Long Island ; un groupe d’écoliers de huit ans ; un jeune chrétien d’Alabama qui brandit une pancarte sur laquelle il a écrit « Ne volez pas aux pauvres simplement parce que vous pouvez le faire », aucune de ces personnes n’a le profil du protestataire type.

Le mouvement Occupy Wall Street est plutôt composé de jeunes urbains de gauche. Pourtant, l’un de ses traits distinctifs est qu’il échappe à toute définition. Des rassemblements sont organisés loin des grands centres urbains dans des endroits comme Pocatello (Idaho), Kalamazoo (Michigan) ou Bethany Beach (Delaware). Les idées politiques exprimées ne sont pas forcément les mêmes, sans que cela ne soit très grave. Et les participants ont de 7 à 77 ans.

« Cela fait longtemps que je crois que le changement ne surviendra que s’il y a une mobilisation massive », affirme Tom Ballock, habitant de Birmingham dans l’Alabama. A 62 ans, ce jeune retraité malgré lui soutient le mouvement sur internet et dans la rue. Ils ne sont parfois qu’un ou deux militants à se retrouver devant une agence bancaire en centre-ville, mais « plusieurs automobilistes témoignent de leur soutien en klaxonnant ou en faisant un signe de la main », explique Ballock. « Il y en a aussi qui nous disent de plutôt chercher un boulot mais le mouvement suscite beaucoup d’intérêt, même dans un Etat conservateur comme l’Alabama ».

Au niveau national, le mouvement n’a pas encore conquis les 99% de la population qu’il affirme représenter. Le mois dernier, un sondage mené pour le compte de la chaîne CBS News et du New York Times révélait que 43% des Américains disaient soutenir Occupy Wall Street tandis que 27% s’y déclaraient hostiles. Ce qui signifie que près d’un tiers de la population reste indécis.

Aujourd’hui, c’est à ces gens que les manifestants tentent de s’adresser. Ainsi, à Bakersfield, en Californie, les rassemblements prennent une tournure plus informative que contestataire. « Nous ne voulons pas être une présence perturbatrice », explique Lynnette Rena, 22 ans. Issue d’une famille d’ouvriers, elle jongle entre l’organisation de réunions locales, son travail chez Starbucks et ses heures de baby-sitting.

Autre exemple, dans la petite ville de Boaz (9551 habitants), en Alabama, la police a interpellé neuf jeunes pour manifestation sans autorisation avant d’abandonner les poursuites, explique Levi Gideon, 19 ans, graphiste installé à son compte. Chrétien, il se sert des saintes écritures pour attirer l’attention des passants. « Les gens sont plus réceptifs quand vous les abordez en faisant référence à des choses qu’ils connaissent », observe-t-il. Les réactions sont plutôt positives, mais la récente adoption par l’Etat d’Alabama d’une loi pour lutter contre l’immigration clandestine a créé une certaine confusion. « On nous prend parfois pour des manifestants contre la loi anti-immigration », explique Gideon.

A Pocatello (54 255 habitants), dans l’Idaho, les deux rassemblements hebdomadaires réunissent jusqu’à 150 personnes et une dizaine de militants ont même bravé la neige le 2 novembre pour camper sur place. « Nous ne sommes pas nombreux comparés à New York mais nous y mettons du cœur », déclare Scott Richardson, 28 ans. Cela fait des années qu’il parle de lancer un mouvement de contestation local avec des amis. « Nous attendions juste que le monde se réveille, et aujourd’hui il est réveillé », souligne Richardson.

A Bakersfield (347 483 habitants), en Californie, un important groupe d’étudiants de l’université de Californie a organisé fin octobre un sit-in qui a rassemblé près de 140 participants, dont un grand nombre d’étudiants musulmans et hispaniques. « La plupart du temps, c’est vraiment difficile de mobiliser les gens pour quoi que ce soit, même pour des causes plus conservatrices », explique Ericka Hoffman, une étudiante en sociologie de 26 ans. « C’est intéressant de voir un groupe aussi varié manifester pour quelque chose comme ça ».

Si des dizaines d’universités ont organisé des rassemblements la semaine dernière, dans bon nombre de petites villes, ce ne sont pas les étudiants qui sont à la tête du mouvement, explique Richardson. Et pour nombre d’étudiants, ces manifestations ne changent rien. « Les manifestations ne dissuadent pas les étudiants d’entrer dans la finance », déclare Jeff Homer, 21 ans, co-président de l’association étudiante Harvard Investment Association. « Ce n’est pas comme si on venait de découvrir que les gens n’aiment pas Wall Street ».

Courrier international

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