La conquête des marchés ou comment la Chine s’active pour former une « nouvelle route de la Soie…. ». Les produits chinois sont désormais omniprésents dans les Balkans, devenus une porte d’entrée en Europe pour Pékin, lui permettant de court-circuiter les régulations anti-dumping de l’Union européenne. Pourtant, la Chine n’a « découvert » l’importance stratégique des Balkans qu’à la fin des années 1970, après avoir rompu sa « relation privilégiée » avec l’Albanie d’Enver Hoxha.
Jusqu’alors obnubilée par ses défis internes, la Chine n’a pas jouer de rôle direct dans les Balkans avant la fin des années 1970. En dépit d’une coopération rapprochée avec l’Albanie, en opposition aux revendications soviétiques de leadership communiste, Pékin ne formula pas de politique étrangère cohérente envers l’Europe du Sud-Est avant l’été 1978. Pour les successeurs de Mao Zedong, les Balkans devinrent alors un terrain de jeu essentiel dans une vaste offensive diplomatique censée permettre à la Chine de prendre pied dans la sphère d’influence soviétique, s’ouvrir au tiers-monde, et forger de nouvelles amitiés avec des nations capables de moderniser l’Empire du Milieu.
Ainsi, Pékin décida de couper les ponts avec l’Albanie d’Enver Hoxha afin de développer des liens économiques, politiques, et personnels avec la Yougoslavie « révisionniste » de Tito et la Roumanie de Ceaușescu. Après 1989, la chute du rideau de fer et la désintégration sanglante de la Yougoslavie ont affaibli les liens chinois avec l’Europe du Sud-Est.
Maintenant que la région a retrouvé une certaine stabilité, Pékin s’est enfin décidé à étendre son influence sur les Balkans par l’intensification des échanges commerciaux, des investissements massifs dans le secteur énergétique régional, et à travers le renforcement de ses alliances politiques.
Exploiter le potentiel commercial des Balkans
Autour 10% durant les années 2000, la croissance rapide de l’économie chinoise a été un puissant vecteur pour l’expansion du commerce avec le continent européen. Au cours de la dernière décennie, les échanges bilatéraux entre l’Europe et la Chine ont pratiquement quadruplé, passant de 101 milliards d’euros en 2000 à 395 milliards d’euros en 2010, pour former la deuxième plus grande relation économique au monde. Afin d’affirmer son ascendant économique sur l’Europe, Pékin a concentré son attention sur le potentiel commercial inexploité de la péninsule balkanique en effectuant des investissements stratégiques en Grèce et en planifiant une nouvelle Route de la Soie.
Les relations commerciales entre la Chine et l’Europe du Sud-Est se sont d’abord développées avec les plus grands marchés de la région, Bulgarie et Roumanie, mais aussi Croatie, tous trois sur le point de rejoindre l’Union européenne. En 2010, les échanges bilatéraux avec Bucarest se chiffraient à 2,6 milliards d’euros, alors que les affaires avec Zagreb et Sofia étaient respectivement évaluées à 1,1 milliards d’euros et 630,5 millions d’euros.
Hormis l’Albanie et le petit marché monténégrin, où la Chine est parvenue à devenir le deuxième partenaire commercial derrière l’UE, les échanges économiques sino-balkaniques restent encore limités. Avec la Serbie, les échanges se sont chiffrés à seulement 325 millions d’euros en 2010, en dépit d’une augmentation de 20% par rapport à 2009, ne plaçant Pékin qu’au huitième rang des partenaires de Belgrade. De même, la Chine n’est que le septième partenaire commercial de la Macédoine avec 107 millions d’euros, alors qu’elle ne représente que 0,6% des échanges commerciaux de la Bosnie-Herzégovine avec 43 millions d’euros.
Pourtant, les consommateurs des Balkans sont une cible de choix pour écouler les produits chinois bons marchés. C’est pourquoi Pékin cherche à accroître ses exportations vers la région en mettant en place des zones commerciales accessibles et proches de grands centres urbains. Le plus grand Chinatown des Balkans a ainsi été inauguré le 19 juillet 2011 à Afumati, un petit village en banlieue de Bucarest, où quelque 1.240 boutiques vendent désormais des produits chinois directement aux 2 millions d’habitants de la capitale roumaine. À Belgrade, le « China Trade Center Zmaj » a ouvert ses portes en juin 2010, suivi par le Chinatown de Zagreb deux mois plus tard. En Bulgarie, des négociations sont actuellement en cours afin de lancer la construction d’une zone commerciale chinoise à Bozhurishte, à une dizaine de kilomètres au nord de Sofia.
Les entreprises chinoises ne se limitent cependant pas à la vente de leurs produits sur les marchés locaux, elles ont également implanté des usines dans les Balkans. En novembre 2009, le géant automobile Dongfeng a signé un accord avec le constructeur serbe Fabrika Automobila Priboj (FAP) afin d’assembler des véhicules en Serbie. De même, Great Wall Motor Corporation et la firme bulgare Litex Motors ont commencé à produire des voitures low-cost en février 2011.
Les Balkans, un terrain d’entraînement ?
Ainsi, l’Europe du Sud-Est sert de terrain d’entrainement permettant aux entreprises chinoises d’acquérir la maturité industrielle et la sophistication technologique nécessaire pour rivaliser sur les marchés d’Europe occidentale. Grâce aux Balkans, la Chine peut également court-circuiter les régulations anti-dumping de l’Union européenne et directement exporter ses produits à près de 800 millions de consommateurs grâce à des accords de libre-échange contractés entre ces pays et l’UE, la Russie, et la Turquie.
Pékin cherche également à accroître l’importation de produits en provenance de la région. Des entreprises d’État ont ainsi investit dans l’exploitation minière locale afin d’alimenter la croissance rapide de l’économie chinoise. La plus grande firme métallurgique chinoise, China Minmetals Corporation, a par exemple signé en octobre 2009 un accord pour un montant de 800 millions de dollars avec Aurubis Bulgaria, filiale du plus grand producteur de cuivre européen. Six mois plus tard, Sichuan Jiannanchun International Group et le turc Kürüm Energy, Resources, and Metallurgy formait la joint-venture Illyria Mineral Industry afin de développer les exportations albanaises de ferrochromes vers la Chine. Avec leurs réserves, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo pourraient accueillir de tels projets.
Dans l’autre sens, les entreprises balkaniques de produits d’outillage restent demandées sur le marché chinois. Des grandes firmes comme le serbe Goša FOM (équipement et machines), le roumain World Machinery Works (outils), ou les bulgares Balkancar Record Company et Di-Ven (transpalettes) ont le potentiel pour accroître leur position en Chine, où ils peuvent rivaliser avec des produits occidentaux plus onéreux.
La Grèce : une porte d’entrée pour la Chine
Depuis le début de la crise de la dette grecque, Pékin a joué un rôle actif en soutenant l’achat de bons du trésors grecs, en annonçant son intention de doubler son commerce bilatéral annuel avec Athènes, avec l’objectif de 8 milliards de dollars d’ici 2015, et en mettant en place un fond spécial sino-grec de 5 milliards de dollars pour le développement du transport maritime.
Plus stratégiquement, en plein cœur de la crise financière en novembre 2008, le président chinois Hu Jintao a signé un contrat évalué à 3,4 milliards d’euros permettant au géant maritime China Ocean Shipping Company (COSCO) de rénover et contrôler une partie du port du Pirée. Entré en vigueur le 1er octobre 2009, l’accord a également autorisé COSCO à accroitre la capacité du port en y construisant un troisième quai. La construction prochaine d’un centre logistique à Attica devrait alors permettre de tripler les opérations annuelles du port en portant à 3,7 millions de containers son trafic annuel d’ici 2015. En prévision, Pékin a d’ores et déjà décidé de graduellement dérouter ses navires des ports de Naples et d’Istanbul vers la Grèce.
En outre, COSCO tente toujours de s’emparer du port de Thessalonique, relié par voie ferrée au reste de la péninsule des Balkans et à l’Europe centrale. Le gouvernement chinois est notamment intéressé par la privatisation prochaine de la compagnie ferroviaire grecque OSE, qui devrait être mise en vente au titre du plan de réduction des déficits publics. Ainsi, la Chine serait capable de délivrer rapidement ses produits transitant par la Grèce.
La mainmise de la Chine sur le transport maritime et ferroviaire grec ont pour but de transformer la Grèce en un rival méditerranéen pour Rotterdam, première plate-forme portuaire européenne. L’emplacement stratégique du pays rend plus aisé le transport maritime de containers depuis l’Extrême-Orient vers l’Europe en passant par le Canal de Suez. Il fournit également une base logistique idéale pour conquérir les marchés émergents du pourtour de la Méditerranée et de la Mer noire. En d’autres termes, Pékin voit désormais la Grèce comme le lien entre les entreprises chinoises et les consommateurs d’Europe, du Moyen-Orient, et du Nord de l’Afrique.
La nouvelle route de la Soie
Avant les années 1990, la plupart du fret déplacé depuis la Méditerranée orientale vers les marchés occidentaux passait par le territoire yougoslave. La fracturation territoriale de la péninsule des Balkans, couplée à la destruction des infrastructures eut pour conséquence immédiate le déroutage d’environ 75% du fret par la mer, les 25% restants transitant par route ou par rail via les Balkans orientaux vers l’Europe centrale et les pays issus de l’URSS.
Prévue pour la fin 2013, l’inauguration du corridor paneuropéen n°10 est censée reconnecter l’Europe de l’Ouest à la Turquie en liant les anciennes républiques yougoslaves le long de la vieille route de la Fraternité et de l’Unité. Néanmoins, le lent développement de sa parallèle ferroviaire pose un obstacle à la reprise du trafic commercial via les Balkans. Voilà pourquoi des entreprises chinoises et la Banque chinoise de développement (CDB) ont exprimé leur intérêt pour financer et construire la portion serbe du corridor ferroviaire n°10 ainsi que l’autoroute liant Belgrade au sud de l’Adriatique, pour un coût total de 4.5 milliards d’euros. Afin de convaincre les autorités serbes, la Chine pourrait mettre en avant les conditions financières généreusement accordées pour la construction du pont entre Zemun et Borča. Ce « Pont de l’Amitié Sino-Serbe » qui reliera les deux rives du Danube en 2014, est financé à 85% par un prêt à faible taux de la Banque chinoise d’import-export.
Par ces investissements dans des projets d’infrastructure, Pékin cherche à accélérer la création d’un réseau de ports, de centres logistiques, et de voies ferrées afin d’accélérer les relations commerciales entre l’Europe et la Chine. En effet, l’intégration économique de ces deux pôles révèle aujourd’hui l’incroyable potentiel que revêt une route commerciale transcontinentale liant ces marchés. C’est ainsi que les autorités chinoises souhaitent faire resurgir l’ancienne Route de la Soie afin d’améliorer les conditions de transport terrestre.
Cette nouvelle autoroute du commerce, complétée d’une voie de chemin de fer parallèle, s’étendrait alors de la Chine occidentale à l’Europe à travers l’Asie centrale, l’Iran, la Turquie, puis au-delà du Bosphore dans les Balkans. Ce grand projet chinois offrirait alors un raccourci majeur aux traditionnelles voies maritimes au départ des ports chinois de Shanghai et Guangzhou, réduisant le temps de transport de 36 jours par porte-containers à seulement une douzaine par train, tout en fournissant une alternative moins onéreuse et plus sûre que le Golfe d’Aden et ses pirates.
En réalité, une route ferroviaire entre la Chine et l’Europe a déjà été lancée. Le 30 juin 2011, un train transportant des équipements chinois de haute-technologie quittait Chongqing pour un trajet de 13 jours à travers le Kazakhstan, la Russie, le Belarus, et la Pologne avant d’atteindre sa destination à Duisbourg, en Allemagne. Toutefois, les plans de long-terme pour la création d’une route méridionale à travers la partie Sud de l’Asie centrale autorisera une circulation plus fluide en évitant aux cargaisons ferroviaires d’utiliser l’ancien réseau soviétique, dont l’écartement des rails diffère du système standard utilisé en Chine, au Moyen-Orient, et en Europe. Restera alors à la Chine d’investir massivement dans les infrastructures de transports d’Asie centrale, d’Iran, et de Turquie pour exploiter pleinement le potentiel de cette nouvelle Route de la Soie.
Énergies, le courant passe bien entre la Chine et les Balkans
Avec leurs infrastructures énergétiques obsolètes, les pays des Balkans se sont lancés dans de vastes projets de remise aux normes. La Chine s’est immédiatement placée en première ligne sur ce marché juteux. Pékin sait convaincre grâce à ses tarifs ultra-compétitifs et à ses prêts à des taux extrêmement bas. Et si l’avenir énergétique des Balkans passait par l’Empire du milieu ?
Peu affectée par la crise financière mondiale, la Chine a su prendre avantage de ses réserves monétaires afin de distancer des rivaux occidentaux frileux dans une nouvelle niche stratégique : les énergies renouvelables. Au cours des dernières années, les entreprises énergétiques chinoises ont bénéficié du support institutionnel de Pékin, de la hausse du prix du pétrole, et d’une plus grande prise de conscience internationale à propos du changement climatique pour devenir le leader mondial en termes d’investissements verts, devant les États-Unis et l’Allemagne. Le marché potentiellement lucratif de l’Europe du Sud-Est retient aujourd’hui l’attention de l’Empire du Milieu.
Les Balkans et la Communauté européenne de l’énergie
Au cours des années 1990, la fragmentation du marché balkanique de l’énergie a eu pour conséquence la perturbation sporadique des fournitures en gaz et en pétrole de certains membres de l’Union européenne (tels que la Grèce, l’Autriche, ou l’Italie) et mis en péril les interconnections entre l’Europe occidentale et les réserves énergétiques du bassin Caspien, d’Asie centrale, et du Moyen-Orient. La réorganisation du marché européen de l’énergie initiée au début des années 2000 par Bruxelles a joué un rôle moteur en faveur de la stabilité et du développement durable des Balkans. Les négociations menées au sein du Processus d’Athènes ont finalement abouti à la mise en place le 1er juillet 2006 de la Communauté européenne de l’énergie, par laquelle l’UE a étendu son marché énergétique aux pays des Balkans.
Afin de répondre aux objectifs européens d’accessibilité, de développement durable, et de sécurité énergétique, les pays d’Europe du Sud-Est se sont engagés, à travers la Communauté européenne de l’énergie, à libéraliser leurs marchés énergétiques et à mettre en application toute une série de régulations garantissant sécurité et efficacité énergétique en accord avec la législation européenne en vigueur. En d’autres termes, la création de la Communauté européenne de l’énergie a abouti de facto à une intégration partielle des Balkans dans le marché unique européen. C’est ainsi que les États d’Europe du Sud-Est se sont engagés à atteindre les standards européens en matière de production énergétique d’ici à 2015.
Alors que la région progresse vers l’intégration européenne, des efforts constants vont être nécessaires pour ingérer l’acquis communautaire en matière d’énergie. Les négociations d’adhésion de la Croatie ont par exemple démontré que les futurs membres de l’UE devront faire face à des difficultés supplémentaires pour assurer la protection de l’environnement, la production d’énergie renouvelables, et l’efficacité énergétique. Afin de remplir les conditions draconiennes de Bruxelles, Zagreb s’est ainsi engagé à produire au moins 20% de ses besoins énergétiques à partir de sources renouvelables.
De plus, l’adoption en juin 2009 du paquet énergie-climat a introduit de nouvelles régulations que devront respecter les Balkans occidentaux avant d’intégrer l’Union européenne. Le plan climat de l’UE requiert de ses membres une réduction de 20% des émissions de gaz à effet de serres par rapport aux niveaux de 1990, une augmentation de 20% de la part des énergies renouvelables, ainsi qu’une baisse de 20% de la consommation énergétique d’ici à 2020.
Énergie dans les Balkans, un potentiel peu exploité
Problème : les Balkans sont dotés de centrales et d’infrastructures énergétiques datant pour la plupart des années 1960 et 1970, aujourd’hui parmi les moins efficientes d’Europe. D’autre part, dans l’ancienne Yougoslavie une large partie de ces infrastructures a été endommagée durant les conflits, rendant d’autant plus urgent un plan général de réhabilitation du réseau énergétique régional. En effet, des pics d’usage peuvent actuellement entraîner des pannes de courants ou nécessiter la mise en place d’un système de rationnement.
D’une manière générale, l’absence d’une fourniture stable en électricité demeure un obstacle pour le développement économique de la région et les investissements internationaux. En outre, les marchés énergétiques balkaniques sont dépendants de l’importation d’hydrocarbures : en 2005, cette dépendance aux marchés extérieurs variait de 32% pour la Bosnie-Herzégovine et la Serbie à 58% pour la Croatie. Afin de relever ces défis et garantir leur sécurité énergétique, les pays Europe du Sud-Est se sont engagés dans un long processus de reconstruction et de réformes, les amenant à enfin exploiter son potentiel en terme d’énergies renouvelables.
En effet, des pays comme l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, ou le Monténégro ont un vaste potentiel hydroélectrique. Par exemple, Tirana n’exploiterait que 35% de son potentiel hydrique, bien que 90% de ses besoins énergétiques soient produits à l’aide de barrages, une situation enviable qui pourrait permettre au pays des aigles d’exporter cette énergie. L’Italie est déjà sur les rangs pour en bénéficier (Voir notre article : Albanie : Berisha signe avec Berlusconi deux contrats énergétiques pour 2,5 milliards d’euros). À l’est de la Macédoine, des estimations montrent que le vent pourrait faire tourner des éoliennes 170 jours par an afin de garantir en théorie 7% des besoins en électricité du pays. De même, les plaines de Voïvodine et les 600 kilomètres de côtes croates renferment un potentiel éolien toujours inexploité.
Néanmoins, avec la récession, il est devenu très difficile pour des pays largement déficitaires de libérer des fonds afin d’investir dans les énergies renouvelables. La crise économique a rendu les firmes énergétiques européennes plus prudentes dans leurs investissements dans les Balkans. L’italien Enel, l’allemand E.ON, et le tchèque CEZ ont ainsi annulé un accord prévoyant la construction d’une centrale au gaz de 400 MW en Roumanie à cause de coûts imprévus.
Pékin multiplie les investissements dans les Balkans
Alors que les firmes occidentales se montrent réticentes à l’idée de réaliser des investissements risqués, les Balkans offrent à la Chine l’occasion de damer le pion à ces concurrents. Ces dernières années, les investisseurs chinois ont ciblé de plus en plus régulièrement de nouveaux projets énergétiques dans la région. En Roumanie, la China National Electric Equipment Corporation a présenté un plan d’un milliard d’euros pour une centrale thermique de 500 MW, alors que la Chinese Nuclear Power Engineering Corporation devrait être désignée pour ériger deux nouveaux réacteurs nucléaires à Cernavodă.
Pékin va également s’occuper de la construction de la centrale hydroélectrique de 1.000 MW à Tarniţa-Lăpuşteşti, un projet évalué à 1,3 milliards d’euros. En Bulgarie voisine, la China National Nuclear Corporation s’est dite intéressée à l’idée d’ajouter une nouvelle unité de 1.000 MW à la centrale nucléaire de Kozloduy. Des firmes chinoises pourraient également prendre avantage de la lenteur des négociations entre Sofia et Moscou pour réaliser une seconde centrale nucléaire à Belene. Enfin, la banque chinoise d’import-export a accordé un prêt d’un milliard d’euros à faible taux à Elektroprivreda Srbije afin de moderniser le réseau électrique serbe et construire une centrale thermale à Kostolac.
Non seulement prêtes à prendre plus de risques que leurs rivales occidentales, les entreprises chinoises proposent des projets à des prix imbattables, quitte à rogner sur la sécurité. Par exemple, la Banque chinoise de développement (CDB) fournit actuellement des fonds pour la construction d’une centrale à charbon de 300 MW à Stanari, en Republika Srpska. Ce projet, évalué à 500 millions d’euros et porté par la China Dongfang Electric Corporation, ne coûtera ainsi que la moitié du prix exigé par le français Alstom et le consortium polono-canadien Rafako-SNC Lavelin.
Avec des investissements évalués à près de 55 milliards de dollars en 2010, la Chine est désormais leader mondial en matière d’énergies renouvelables et exporte son expertise dans les Balkans. Les firmes chinoises Polar Photovoltaics et Wiscom Systems prévoient ainsi de construire une centrale solaire à Ihtiman, dans l’ouest de la Bulgarie. En avril 2011, la Public Power Corporation of Greece (DEI) a signé un accord avec Sinovel Wind, le plus grand fabricant de turbines éoliennes chinois, afin de développer un champ éolien de 200 à 300 MW.
Le même mois, la China International Water and Electric Corporation signait un protocole d’accord avec le gouvernement macédonien pour construire 12 centrales hydroélectriques le long du Vardar, du Kosovo à la frontière grecque. Ce super-projet à 1,5 milliards d’euros, censé être achevé dans 15 ans sera également financé à hauteur de 85% par un prêt de la CDB (Voir notre article : Macédoine : les Chinois vont construire 12 centrales hydroélectriques).
Bien qu’elle ne soit pas limitée à l’Europe du Sud-Est, la part croissante qu’occupe la Chine dans les projets énergétiques obéit à une stratégie de long-terme. En effet, en investissant dans un marché potentiellement lucratif et qui doit encore être complètement libéralisé, Pékin s’empare d’actifs dans une région directement connectée à l’Union européenne. De plus, Pékin cherche à accroître ses exportations de produits énergétiques afin de compenser la baisse à long-terme du prix des équipements, due à des économies d’échelles, une plus grande productivité, et une certaine surcapacité.
C’est ainsi que la Chine est d’ores et déjà parvenue à dépasser ses rivaux occidentaux et s’impose désormais comme le plus grand fabricant mondial de turbines éoliennes et de panneaux solaires, tout en soutenant fortement la construction de centrales au charbon propres et de centrales nucléaires. Au final, en l’absence de politiques vigoureuses soutenant les technologies du futur tant aux États-Unis qu’en Europe, l’Occident pourrait bien un jour échanger sa dépendance au pétrole du Moyen-Orient pour une autre dépendance, celle-ci aux technologies énergétiques estampillées Made in China.