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Bruxelles relance l’idée d’une mutualisation de la dette par la création d’euro-obligations. Plusieurs solutions avec des niveaux différents de mutualisation des dettes nationales. Cela nécessite en contrepartie une forte avancée vers une Europe fédérale.

Le grand retour des eurobonds? José Manuel Barroso, semble y croire. Le président de la commission européenne a pris tout le monde de court en annonçant qu’il présenterait ce mercredi 23 novembre, un plan détaillé, intitulé “Livre vert “, pour mettre en place ces “bons du trésor” européens. Derrière cette annonce plane l’ombre de Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe.

Celui-là même qui voici un an avait lancé l’idée d’une dette commune européenne dans une tribune au Financial Times “Les eurobonds auront raison de la crise”.

L’idée est simple et séduisante: pour éviter que les marchés n’attaquent individuellement les États les plus fragiles, il suffirait de mutualiser les émissions de dettes de tous les États. Concrètement, elles pourraient être émises par le FESF, la Banque européenne d’investissement ou la BCE. Le “Livre vert ” propose trois options :

  • Première solution, qui serait “la plus efficace” selon Bruxelles, consiste tout simplement à substituer les obligations des États par des obligations européennes, bénéficiant de garanties communes. C’est une mutualisation totale des dettes nationales, un refinancement intégral de tous les pays. Mais en contrepartie, la perte de souveraineté budgétaire des pays serait, elle aussi, totale.
  • Deuxième piste proposée: créer des euro-obligations qui ne couvriraient pas la totalité des besoins de refinancement des États. Parallèlement, ces derniers continueraient donc à émettre des obligations nationales.

Ces deux premières solutions nécessitent néanmoins une modification du Traité européen de Lisbonne qui stipule que les pays doivent assumer seuls leurs besoins financiers. Une clause de “non-renflouement” qui a cependant déjà été écornée par la BCE depuis qu’elle s’est décidée à racheter des obligations de plusieurs pays, notamment de la Grèce, de l’Italie et de l’Espagne.

  • La dernière solution est plus timorée. Elle consiste à demander aux Etats d’apporter des garanties aux eurobonds dont ils bénéficieraient à hauteur de leurs dettes respectives. Par ailleurs, là aussi, les pays continueraient à émettre des obligations nationales. Mais Bruxelles ne semble pas vraiment convaincu de la réelle efficacité de cette option qui pourrait, tout au plus, “contrairement aux deux autres approches, peut-être aider à faire face à la crise actuelle”.

Éviter la spéculation sur les États

L’idée adjacente de la première option est de renforcer la monnaie unique et de créer des Eurobonds proche du Treasury Bond américain qui, en dépit d’une dette étasunienne monumentale (15.000 milliards, 99% du PIB en 2011), trouvent toujours les faveurs du marché.

Depuis un an, cette idée fait son chemin et séduit comme elle effraie. Des économistes, comme le Nobel Joseph Stiglitz ; des ministres des finances, comme Giulio Tremonti, et certaines figures de comme Jacques Delors l’ont soutenu avec enthousiasme. Certains, favorables sur le fond, pointent néanmoins les obstacles techniques et politiques à sa mise en place à l’heure où les marchés exigent des réponses fortes et immédiates.

Les Pays du Nord, l’Allemagne en tête, sont eux carrément frileux à l’idée de supporter le coût de la mauvaise gestion de leurs voisins. Un coût qui a été chiffré cet été à 47 milliards d’euros pour l’Allemagne en 2011 par l’institut bavarois Ifo. Angela Merkel s’inquiète par-dessus tout d’un système qui favoriserait les états laxistes, couverts par la garantie allemande.

L’idée semblait d’ailleurs rangée au placard depuis cet été, après la fin de non-recevoir adressé par le couple franco-allemand. “Je ne crois pas à ce type de solution unique et je ne crois pas que d’un seul coup de baguette magique on va résoudre tous les problèmes. (…) Je ne crois pas que les euro-obligations nous aideraient aujourd’hui”, tranchait Angela Merkel, le 16 août dernier à l’Elysée.

Le président de la République avait, également, rejeté cette solution, tout en laissant une porte ouverte. “Les Eurobonds, un jour peut-être, on pourra les imaginer mais à la fin d’un processus d’intégration européen, pas au début.”

Pas d’eurobonds sans fédéralisme

Que José Manuel Baroso remette sur la table cette option n’est pas innocent. A-t-il senti le vent tourner ? Pense-t-il que l’Allemagne fléchira, alors qu’un nombre croissant de ses partenaires l’enjoignent à revoir ses positions? Vendredi 18 novembre, le grand quotidien économique Handelsblatt faisait sa Une sur “le pays esseulé” sur la scène internationale.

Le président de la commission a, en tout cas, insisté sur les dangers croissant qu’encourt la zone euro. “Les turbulences continues sur le marché des dettes souveraines montrent que les enjeux ont atteint une nouvelle dimension. En 2012, les difficultés pourraient être encore plus urgent et systémique”, a déclaré José Manuel Barroso à Strasbourg le mercredi 17 novembre.

Barroso, à l’instar des supporters des eurobonds, a rappelé qu’un tel système ne pourrait voir le jour sans un cadre fédéral européen. Celui-ci passera nécessairement par un abandon de souveraineté des États, un droit de regard de la commission sur les budgets nationaux et un système de sanction stricte, incluant la suspension des droits de vote ou la restriction de financements pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements.

Les “Sages allemands” ont aussi une solution

Si les orthodoxes de la gestion sont opposés par principe à l’idée d’une mutualisation de la dette, un signal est cependant venu d’Allemagne, le 9 novembre dernier. Dans son rapport annuel, le Conseil allemand des experts en économies dont les travaux sont suivis attentivement par la Chancellerie, propose une solution intermédiaire. Mutualiser la partie de la dette –au-delà des 60% du PIB- sans signer de chèque en blanc aux États déficitaires.

Cette alternative permettrait d’après “les Sages ” – c’est ainsi qu’ils sont qualifiés outre-Rhin – de rassurer les marchés tout en contraignant les États à une grande rigueur budgétaire et l’obligation de rembourser leurs dettes extraordinaires sur 20 ans. Pour l’année en cours, 2300 milliards seraient transférées à cette structure de défaisance d’après le calcul des sages.

Cette initiative a été reçue avec scepticisme par la Chancelière allemande, qui voit de nombreux obstacles, notamment constitutionnels, à sa mise en place. Cependant la chancelière allemande sait qu’elle ne pourra systématiquement refuser les solutions proposées, d’autant plus quand celles-ci viennent de son propre camp. “Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable”  disait Raymond Aron…

Pour le moment, la seule certitude est que si les eurobonds voient le jour, ce ne sera pas avant l’année prochaine “, selon un responsable européen.

myeurop.info

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