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Être ou ne pas être européen. Depuis leur entrée dans la Communauté européenne en 1973, nos voisins britanniques n’ont eu de cesser d’éluder cette interrogation shakespearienne… à leur avantage. Grâce à toutes sortes d’exemptions, le Royaume-Uni a tiré le bénéfice de son appartenance à l’Union sans en supporter véritablement les charges. La violente crise qui s’est abattue sur la zone euro rebat les cartes radicalement en obligeant ses pays membres à resserrer les rangs et donc inéluctablement pour le Royaume-Uni à reconsidérer son positionnement. Londres ne pourra plus rester très longtemps “un pied dedans , un pied dehors” et va devoir choisir.

Une clarification nécessaire, tant le statu quo actuel n’apparaît plus tenable aussi bien pour les Britanniques que pour les continentaux. La révision de ce modus vivendi relationnel n’en est pas moins délicate. Une Europe sans les Anglais n’aurait en effet guère plus de sens qu’un cavalier seul de ces derniers. L’enjeu est de tirer le maximum des uns et des autres pour une Europe plus forte et assurée dans la mondialisation.

Des portes qui claquent et des allers et retours de personnages dignes d’une pièce du théâtre de boulevard : voilà à quoi a ressemblé le dernier sommet européen du mois d’octobre où l’on a vu David Cameron, le Premier ministre britannique, invité à quitter la salle du conseil et à ne plus se mêler de ce qui ne le regardait pas – les affaires de la zone euro – par un président français exaspéré, Nicolas Sarkozy. Shocking ! Un incident diplomatique “significatif” et en tout état de cause révélateur d’une situation qui ne peut plus perdurer.

Son origine remonte au fait que les Britanniques ont depuis trop longtemps – 1973, date de leur entrée dans la Communauté européenne, soit près de quarante ans ! – “un pied dedans, un pied dehors” dans le système européen. Jusqu’ici et à force d’accommodements divers, de compromis savamment dosés, et aussi sans doute d’intérêts réciproques bien compris, cette situation a été à peu près gérable. Mais aujourd’hui, l’Europe en pleine crise a un besoin vital de resserrer les rangs et n’a vraiment plus les moyens de gérer les exceptions, aussi légitimes et respectables soient-elles.

Et ce n’est pas parce que le Royaume-Uni est une île – une réalité géographique qui n’a échappé à personne – qu’il faut continuer à accorder à nos voisins ce statut si particulier d’un pays “out” tout en étant “in”. Et qui permet à Londres de tirer les bénéfices de son adhésion à l’Europe sans en supporter la charge, et aux Anglais de continuer à cultiver leur singularité – notamment dans les domaines de la finance et du social – sans souci des retombées sur les autres.

Cette clarification nécessaire, les Britanniques n’ont eu de cesse de l’éviter – les deux partis, travaillistes et conservateurs, préférant différer la promesse d’un référendum sur la question –, mais cette fois la crise la rend incontournable. Messieurs les Anglais, être européen ou ne pas l’être, il est temps de choisir. “Nous sommes avec l’Europe, mais pas dans l’Europe” : cette sentence churchillienne est-elle toujours d’actualité ?

Mais qu’on ne se méprenne pas : cette question, posée à des amis, aura nécessairement un retentissement sur nous autres Européens du continent. Quelle Europe voulons-nous ? Avec qui ? Et pour quoi faire ? Les réponses que les Britanniques fourniront à ces interrogations, avec la bonne dose de pragmatisme et de lucidité qui les caractérise, pourront aussi – n’en doutons pas – nous aider à y voir plus clair et à avancer. Exaspérants mais utiles !

La posture du “free rider

Exaspérants, les Britanniques le sont indéniablement. Avec leur air du “je vous l’avais bien dit”, leur ton volontiers de donneur de leçons, et surtout leur volonté de ne pas mettre la main au portefeuille, leur comportement durant la crise avait de quoi faire “monter la moutarde au nez” de Nicolas Sarkozy l’autre jour à Bruxelles. Et une fois n’est pas coutume, personne n’a fait le reproche au président Sarkozy d’être sorti de ses gonds. C’est que le Royaume-Uni se comporte en véritable “free rider”, passager clandestin de l’équipage européen.

Par cette notion, les économistes pointent le comportement de ceux qui, dans la vie des affaires ou de tous les jours, tirent profit des avantages d’une situation sans en payer les charges. A l’instar de ces fraudeurs qui montent systématiquement dans les trains sans acheter de ticket, sachant que les autres paieront pour eux, et qui de ce fait arrivent à destination en ayant préservé leur pouvoir d’achat. Eh bien le Royaume-Uni a bien cette mentalité dans les faits.

En choisissant de rester en dehors de la zone euro, le Royaume-Uni veut bénéficier des avantages du marché unique sans payer le prix supposé de ce dernier”, analyse Jean-Paul Fitoussi, l’ancien président de l’OFCE, aujourd’hui directeur de recherche (voir LNE 1575 – Avis d’expert). Pour André Sapir, économiste à l’Institut Bruegel, cette attitude s’illustre par le fait que les Anglais ont bien voulu aider les banques et l’Etat irlandais dans la difficulté, mais qu’ils ne sont pas parties prenantes du Fonds européen de solidarité financière (FESF), alors que le sauvetage grec les concerne tout autant au sein du grand marché unique des capitaux européens.

Mais c’est de la manipulation du cours de change de la livre que les Anglais attendent le plus pour mener à bien leur dessein machiavélique. Depuis 2008, le sterling a été dévalué de près de 25 % par rapport à l’euro de façon à doper les exportations britanniques vers le continent. Problème : le ralentissement économique est si fort dans la zone euro que le “made in UK” peine à y trouver des débouchés, au point de compromettre la stratégie de reprise de l’économie anglaise. Mais les Anglais peuvent encore se consoler en regardant les bénéfices qu’ils récoltent de leur autonomie monétaire et financière.

Jamais les taux d’intérêts sur les titres anglais n’ont été aussi bas. Le Trésor britannique place ses obligations à dix ans à 2,25 %, presqu’aussi bas que les Allemands. La planète financière achète des titres anglais qui sont jugés parmi les plus sûrs de la planète. Les opérateurs angoissés se tournent vers Londres qui les rassure. Ils comprennent ce qui s’y passe, contrairement aux événements au sein de la zone euro qui les laissent sans repère”, analyse Jean-Marc Daniel, professeur d’histoire économique à l’ESCP-Europe. Certes, on ne peut pas faire reproche aux Britanniques d’avoir fait le choix du “non” à l’euro.

Mais s’ils en tirent un bénéfice aujourd’hui, c’est parce que la majorité des autres pays ont fait le choix, eux, de constituer une union monétaire. Il suffit pour s’en convaincre d’imaginer que tout le monde ait pris la même option de rester en dehors de la zone euro. Alors dans ce cas, les bénéfices pour tous ces outsiders s’annuleraient nécessairement les uns les autres, y compris donc pour les Anglais.

Les deux “joyaux de la couronne

La stratégie britannique du passager clandestin se double d’une autre, voisine et complémentaire, celle du cavalier seul dans l’Europe. Celle-ci se déploie sur deux axes majeurs, les services financiers et les conditions d’emploi de la main-d’œuvre, domaines considérés comme des atouts stratégiques à protéger à tout prix. “Le Royaume-Uni s’est constitué une spécialité forte dans le domaine de la finance. Les professionnels de la City sont les champions dans le maniement des outils de la spéculation. Ils sont hyper-performants dans la finance dérégulée. Plus de 80 % des hedge funds européens sont basés à Londres. Et la City peut être considérée comme la première place offshore de la planète”, analyse Marc Roche, le correspondant du journal Le Monde à Londres et auteur du Capitalisme hors la loi, un essai sur les zones d’ombre du hors-bilan et les paradis fiscaux.

L’autre atout sur lequel le Royaume-Uni mise : les conditions d’emploi des salariés, les moins contraignantes possibles. “Ils jouent la carte du dumping social salarial et surtout réglementaire”, n’hésite pas à diagnostiquer Jean Lapeyre, ancien secrétaire général adjoint à la Confédération européenne des syndicats (CES). Une carte qu’ils abattent dans le secteur des services connexes à la finance, comme la comptabilité, l’audit, le consulting, les relations publiques, gros pourvoyeurs d’emplois qualifiés, mais aussi dans l’industrie.

Car contrairement à une idée reçue, l’Angleterre conserve en effet un réseau assez dense de PME travaillant dans une logique artisanale de production de qualité, et d’unités plus grosses de filiales de compagnies étrangères. Autant d’employeurs et d’investisseurs intéressés par la fameuse flexibilité du travail à l’anglaise. Or, tant dans la finance que dans le social, force est de constater que les Anglais ont su faire prospérer leur modèle dans une Europe pourtant adepte d’une économie sociale de marché encadrée et régulée. Du travail d’artiste.

Britain first !

La partie n’était pourtant pas gagnée d’avance. Les Anglais en avaient d’ailleurs tellement conscience qu’ils sont entrés dans le marché commun en 1973, soit seize ans après sa création en 1957. Et ils n’ont eu de cesse de négocier avec leurs partenaires exemptions, exceptions et autres dérogations à l’occasion de négociations marathons mémorables qui ont longtemps fait le charme de la construction européenne.

Point d’orgue de cette stratégie : le sommet de Fontainebleau de 1984, lorsque Margaret Thatcher lance son fameux “I want my money back” et menace de faire tout bloquer. Résultat : depuis lors, Londres bénéficie chaque année d’un “rabais” sur le calcul de sa contribution financière pour tenir compte de la faiblesse des subventions que le Royaume-Uni touche en retour pour son agriculture. Un argument recevable sans doute, mais qui va tracer définitivement la limite de ce que l’on peut attendre de “l’esprit communautaire” des Anglais.

Depuis lors, nos voisins n’auront de cesse de veiller au grain de leurs intérêts en soupesant au trébuchet leurs contributions et leurs contreparties. “L’analyse coût/avantage de leur participation à l’Europe est assurément le fil rouge constant de la politique européenne des Britanniques”, analyse Agnès Alexandre Collier, professeur de civilisation britannique à l’université de Bourgogne et co-auteur des Habits neufs de David Cameron (Presse de Sciences Po). Mais à l’aune de ces égoïsmes nationaux, y a-t-il un pays européen suffisamment désintéressé pour lui reprocher cette attitude ? Poser la question, c’est y répondre…

To be or not be

La où les Anglais épatent, c’est dans la manière. Duplicité ? Perfidie ? Laissons ces clichés aux mauvais joueurs et reconnaissons que nos voisins sont passés maîtres dans l’art de l’entrisme, celui “d’en être sans en être”. Et s’ils défendent leurs intérêts comme les autres, ils le font indéniablement mieux que les autres, comme si le fait d’avoir ce pied en dehors de l’Europe leur avait servi d’aiguillon pour accroître – souvent en subtilité, le cas échéant avec brutalité – leur lobbying. De vrais tempéraments de négociateurs.

Meilleure illustration : le début des années 90. Après avoir été boutés hors du système monétaire européen en 1992 – une humiliation totale pour la Grande Bretagne –, les sujets de Sa Majesté, une fois digérée l’avanie, ont l’intelligence de revenir sur le sujet. Non sans en avoir tiré pour eux les conséquences. Dans un premier temps, les Anglais tenteront de convaincre leurs partenaires de ne pas faire la monnaie unique, à leurs yeux non viable pour des pays aussi hétérogènes, et surtout sans intégration économique et, à terme, intégration politique.

Observant que les Français et les Allemands entendent malgré tout la faire, les Anglais se retirent très vite du projet, mais en ayant l’intelligence de s’y intéresser de très près pour tenter d’en contrôler le processus, et si possible voir comment en tirer des bénéfices pour leur propre compte. Comment pourraient-ils laisser passer un tel business alors qu’ils sont depuis des lustres les champions de la finance et de la théorie économique ! Après avoir poussé le projet d’une monnaie commune plutôt qu’unique, les voilà qui participent officieusement à l’ingénierie de la fusion des monnaies européennes.

Le projet britannique bouclé en quelques semaines était techniquement impeccable”, se rappelle un négociateur. Très au fait de la machinerie interne de la zone euro, la finance anglaise aura tôt fait d’adopter l’euro comme monnaie de travail et Londres se met à brasser très vite plus d’euros que de sterling. En être sans être, leçon n° 1 !

Les Anglais sont rodés à contrôler les organisations et à prendre les commandes quand cela peut servir leurs intérêts. En plaçant des hommes à eux à Bruxelles aux postes stratégiques – commissaires, directeurs généraux, représentants permanents –, ils furent à la manœuvre dans la seconde moitié de la décennie 80 pour donner l’impulsion décisive sur l’Acte Unique, dont l’objectif était de parachever le grand marché intérieur européen.

Ils furent chef de file, avec le commissaire Léon Brittain, pour la mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence dans le tournant des années 90. Last but not least, en poussant à l’élargissement de l’Union européenne à une demi-douzaine de pays de l’Est en 2003 d’un coup, ils purent même triompher : jamais l’Europe n’avait paru aussi proche de celle à laquelle ils aspiraient, à savoir une vaste zone de libre-échange allant de Dublin jusqu’à Bucarest et de Stockholm à Gibraltar, le rêve !

Tony Blair se voyait déjà en président de la Commission à la tête d’une Europe définitivement ralliée à son si cher modèle de la “troisième voie”, véritable “cheval de Troie du libéralisme” selon ses contempteurs. Certes, la bureaucratie de la Commission continuait à sévir avec ses multiples réglementations dont le caractère ubuesque ou kafkaïen fait les choux gras de la presse tabloïd à Londres, Liverpool, et Manchester. Mais le bonheur était sans doute à ce prix.

Red lines

Et puis patatras, la crise de 2008 survient, ébranle l’économie du pays et met sur la sellette la City. Que n’a-t-on pas entendu ! Il fallait mettre la finance – celle par qui la crise était arrivée – au pas et dans un célèbre G20 de crise, nos édiles mondiaux promettaient de “moraliser” le capitalisme. On en rit encore à Londres à l’heure des vêpres dans les travées de Saint-Paul, la cathédrale de la City. Car trois ans plus tard, rien – ou pas grand-chose – n’a changé, et la City qui a traversé la crise non sans un minimum de casse, continue malgré tout à prospérer.

A Londres, la ligne fut de défendre absolument la City. Autant sur certains sujets, les autorités peuvent et savent composer, autant sur les intérêts de la City, elles se montrent intraitables. Pour des raisons économiques évidentes, mais aussi pour des raisons identitaires : la City représente le dernier symbole de leur puissance”, explique Marc Roche. Intraitables, féroces et retors : tous les coups sont permis dès lors qu’il s’agit de se battre pour défendre ce qu’ils nomment les “lignes rouges”, c’est-à-dire les intérêts supérieurs du Royaume.

Le parcours chaotique de la taxe sur les transactions financières en est une bonne illustration. Ils laissent dans un premier temps filer l’idée sachant que la Commission, ralliée au dogme de la supériorité de la raison des marchés, la rattrapera pour mieux l’enterrer. Ils enfoncent le clou auprès des nouveaux membres à qui ils expliquent que cette taxe aura pour effet de freiner leurs investissements chez eux. Mais cela ne suffisant pas, ils jouent la carte du G20 pour la discréditer aux yeux des autres pays émergents, au plus grand plaisir bien sûr des Américains.

Opération réussie à Cannes. Mais il ne faut pas se méprendre : ils ne défendent pas une position de principe universelle contre cette taxe. Si des pays veulent la mettre en œuvre, ils ne s’y opposeront pas ; ce qui leur importe en revanche, c’est qu’elle ne les concerne pas pour conserver leur attractivité. Seront-ils capables d’accepter des règles du jeu collectives ? Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman, ne cache pas son scepticisme : “Ils appuient sur la corde sensible des nouveaux Européens avec la plus totale mauvaise foi. Ils les montent non sans succès contre l’étatisme des Français et contre la domination allemande.

Les Anglais sont des êtres très civilisés, mais ils sont cyniques quand il le faut. Pour eux la fin justifie les moyens et s’il faut “tuer” un adversaire, ils le tuent. Ils savent se comporter comme des brutes sans état d’âme”, évoque Philippe Moreau Defarges, directeur adjoint à l’IFRI. Mais ils savent le plus souvent se montrer malins. Pour éviter d’avoir à sortir l’artillerie lourde en matière de régulation bancaire, Londres a su prendre les devants en présentant sa propre réforme, mettant ainsi Bruxelles devant le fait accompli. Un paravent efficace.

Battling David

Ce que les Anglais redoutent le plus ? Perdre la maîtrise de leur destin. “Avec la crise et ses développements, qui poussent inéluctablement vers une intégration économique – voire politique – plus poussée dans la zone euro, ils sentent que les choses sont en train de leur échapper et qu’ils sont en passe de perdre la main”, analyse Marc Roche. Céderont-ils dans ce contexte à la tentation du pire, celle de l’éclatement de la zone euro selon la théorie du complot qui a parfois cours ? Cela ne leur ressemble pas, même si par souci de pragmatisme, le Trésor se prépare à gérer toutes les éventualités…

Ou en tout cas le laisse croire, non sans une dose de sadisme. De même, le biais anti-euro quasi systématique d’une bonne partie de la presse ne lasse pas d’interroger. On se demande bien à qui le catastrophisme de certaines unes, par exemple du Financial Times, peut profiter, parfois au prix d’informations “tordues” par rapport à la réalité. Ainsi a-t-on appris un beau matin qu’un grand groupe industriel allemand avait quitté une banque française pour “placer” sa trésorerie à la Banque centrale, signe de sa perte de confiance absolue dans l’établissement parisien.

Une information vendue quatre colonnes à la une qui s’est avérée très vite des plus banales. Pour l’heure, les Anglais apparaissent surtout totalement “schizophréniques” selon le diagnostic d’un observateur attentif à Bruxelles. “Les graves déboires de la zone euro ne les arrangent pas, tant l’interdépendance est grande entre leur économie et l’Europe. Ils réalisent près de 50 % de leurs exportations avec les pays de l’Union. Ils savent par réalisme que la zone euro ne peut survivre qu’avec davantage d’intégration, et ils vont même jusqu’à l’expliquer à leurs membres. Mais en même temps, un tel processus ne peut que les mettre un peu plus à l’écart. D’où le stress qu’ils manifestent actuellement, et peut-être l’algarade de David Cameron de l’autre jour avec Nicolas Sarkozy”, décrypte l’expert.

Attention : il ne faut pas pour autant imaginer les Anglais défaits. Les autres Européens n’ont pas encore fait la preuve de leur capacité à sortir de l’ornière même sous l’égide d’un “directoire franco-allemand”. Ensuite les Britanniques disposent encore d’une carte maîtresse. Ils peuvent monnayer leur feu vert à une renégociation des traités – indispensable du fait de la règle de l’unanimité – pour obtenir des concessions majeures comme le “rapatriement” de certaines compétences européennes à Londres, thème qui a la faveur des conservateurs actuellement (par exemple en matière de législation du travail) et qui pourrait assouvir en partie les eurosceptiques de son parti – David Cameron doit faire face à une rébellion de jeunes parlementaires tories qui réclament l’organisation d’un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne – et surfer sur la vague anti-euro de l’opinion publique.

Il serait utile de demander leur opinion aux Britanniques qui n’ont pas eu à se prononcer sur l’Europe depuis 1975. Le pays macère dans une culture eurosceptique plus ou moins virulente, et cela permettrait sûrement une clarification et la purge d’un certain nombre de fantasmes”, analyse Jean-Claude Sergeant, professeur émérite à l’université de la Sorbonne Nouvelle et président de l’association France-Grande-Bretagne.

La force des Anglais, c’est leur pragmatisme. Ils raisonnent intérêts/inconvénients avec une calculette à la main, et non dans l’abstraction avec de belles idées non opérationnelles. Et ils nous entraînent dans l’action. Ils ont aussi, du fait de leur passé impérial, un sens très fort de la mondialisation. Où que vous soyez dans le monde, il y aura un Anglais. Les Anglais savent qu’ils sont condamnés à l’Europe. Mais nous, en même temps, nous sommes condamnés à eux”, lance Philippe Moreau Defarges. Our best ennemy !

Le Nouvel Économiste

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