Editorial de Claude Imbert dans Le Point.
Jamais électeur français ne vota sous la menace rampante d’une faillite nationale.
A six mois du scrutin, l’anxiété du naufrage l’emporte encore sur le choix du capitaine. La météo financière éclipse celle des sondages. L’incendie monétaire qui couve puis s’apaise, puis flambe à nouveau, affole les politiques. […]
D’ores et déjà, il impose un clivage qui laissera des traces. Il sépare le trio, disons, des «européens» (Sarkozy, Hollande, Bayrou) des contestataires souverainistes (le Front de gauche et le Front national). Les seconds coiffent les premiers d’un «bonnet blanc et blanc bonnet». Ils signent ainsi leur opposition radicale au consensus européen des trois «grands».[…]
Les divergences de Sarkozy, Hollande et Bayrou sont patentes, mais ils partagent la même acceptation de l’économie de marché. La même fidélité au grand dessein de l’Europe communautaire, aujourd’hui secouée par les tempêtes de la zone euro. […]
Sur leurs bords, de gauche ou de droite, la contestation prétend, elle, au regain d’une indépendance souverainiste. Tantôt au Front de gauche, par le voeu d’un égalitarisme d’inspiration marxiste, idéalement délivré des contraintes du marché. Tantôt au Front national de Marine Le Pen, par l’affirmation d’un nationalisme émancipé de l’Europe communautaire et atlantique. […]
La crise, en vérité, est un terrible décapant. Son acide a déjà révélé, chez nous, le gouffre des déficits et l’état critique de la Nation. Elle profile, aussi, peu à peu, le grand remue-ménage mondial d’une Europe désunie dans l’épreuve, d’une Amérique souffreteuse et d’une Chine épanouie. Elle ouvre bel et bien une ère historique nouvelle.