Entretiens avec François de Closets, à la suite de la parution de son livre L’échéance : Français, vous n’avez encore rien vu (co-écrit avec Irène Inchauspé). François de Closets est également l’auteur de Toujours Plus ! et de Plus encore !
(Vidéo : TV5Monde, septembre 2011)
Vous avez sorti un dernier livre intitulé L’Echéance. Que signifie cette notion d’échéance pour vous ?
Il s’agit évidemment de l’échéance du surendettement, pas de l’échéance électorale. Quand j’ai proposé ce titre, mon éditeur se demandait s’il serait explicite pour le public.
Je pense qu’aujourd’hui tous les Français vivent dans l’angoisse de l’échéance qui attend la France et à laquelle elle ne pourra faire face. Depuis trente ans, je répète que la dette est la même pour les particuliers, les entreprises ou les États et que ses conséquences sont aussi destructrices. Mais j’étais bien seul. Les économistes avaient découvert la politique budgétaire dynamique qui, du déficit, fait une relance qui crée l’emploi. Je passais donc pour un réactionnaire. Hélas ! Ceux-là qui ont répété que l’endettement public de la France ne présente aucun danger viennent aujourd’hui en dénoncer la menace. L’imposture est totale.
Quelles seraient, selon vous, les réformes à mener en priorité ?
Il faut d’abord éviter que la France se trouve prise au piège de l’échéance : note dégradée, taux d’intérêt qui s’envolent, effet boule de neige, mise sous tutelle du pays et explosion sociale.
Il faut dans le même temps restaurer la capacité productive du pays, lui rendre sa compétitivité. Un tel sursaut nécessite de rompre avec la façon de gouverner traditionnelle entre une politique de gauche qui augmente les impôts et une politique de droite qui les baisse, une politique de droite qui veut réduire les dépenses sans jamais le faire et une politique de gauche qui les augmente inévitablement. Il faudra tout à la fois jouer sur les prélèvements et surtout sur les dépenses, faire la politique de la droite et de la gauche.
Pour cela, il faut tout de suite en finir avec deux convictions qui bloquent les Français. La première c’est que les très riches peuvent jouer de l’optimisation fiscale pour payer peu d’impôts, la seconde que la protection sociale est source de nombreux abus. D’une part remplacer le bouclier fiscal par le plancher fiscal qui limite les déductions possibles à un pourcentage très faible, d’autre part lancer sans complexes la lutte à la fraude sociale. Des mesures simples et fortes pour que les Français aient la conviction que tout le monde paye ce qu’il doit payer et que nul ne reçoit plus que ce à quoi il doit recevoir.
Sur le chapitre des prélèvements, on atteint pratiquement 45 %, il sera impossible d’aller au-delà. Les changements à apporter, faire reposer la protection sociale sur la consommation plus que sur le travail, revenir sur les innombrables niches sans grande justification, contribueront peu à réduire le déficit. Tout va se jouer sur la dépense, c’est le plus difficile. Tout le monde sait ce qu’il faut faire. Revoir toute la fonction publique territoriale, 400.000 emplois à supprimer, revoir toutes les interventions et subventions des acteurs publics, créer un comité de la Hache pour supprimer toutes les structures inutiles, enserrer strictement la protection sociale, etc.
Mais, dans le même temps, il faut revoir les relations interentreprises qui permettent aujourd’hui à 150 donneurs d’ordre d’écraser des milliers de PME. Il faut revoir l’orientation scolaire pour que l’économie trouve les compétences qu’elle recherche, etc. On le voit il faut combiner les mesures dites de droite et les mesures dites de gauche pour écarter le risque financier et retrouver notre compétitivité. Cela ne pourra se faire ni avec des politiques de droite ni avec des politiques de gauche. Le plan Fillon représente un premier pas dans ce sens, il faudra aller beaucoup plus loin.
Restez-vous, malgré notre dette et nos déficits, confiant dans l’avenir de la France ?
On ne peut pas se payer le luxe du pessimisme, mais on ne doit pas céder à l’optimisme de commande. La France ne s’en sortira pas sans des années d’efforts. Il faut être clair sur ce point. Faire l’impasse sur le coût des batailles à livrer, c’est se condamner à les perdre. Mais la France est un pays prodigieusement doué, gâté même, par la nature. Si elle ne peut s’en sortir, c’est l’Apocalypse pour tous. Mais on peut très bien perdre la partie avec tous les atouts en main.
Si la classe politique poursuit sa guerre civile en privilégiant la conquête du pouvoir sur l’intérêt du pays, elle peut nous conduire à la faillite. Si au contraire, elle crée une entente minimale pour éviter la catastrophe financière comme cela s’est fait dans les pays qui se sont sortis de telles situations, alors oui, bien sûr, nous pouvons être confiants.
Mais, attention si la situation n’a rien de désespéré, la classe dirigeante, elle, est bien souvent désespérante.
– Source de l’entretien écrit : iFRAP