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La Banqueroute de l’Etat royal, Marie-Laure Legay, Editions EHESS, 320 pages

L’occasion était trop belle. Celle de sonder la France de l’Ancien ­Régime, pour mieux comprendre, peut-être, celle du président Nicolas Sarkozy. Mais y a-t-il des points communs entre les blocages politiques et financiers, à la veille de la Révolution française, et ceux auxquels la France fait face aujour­d’hui ?

Dans cette synthèse savante, sous-titrée «Gestion des finances publiques de Colbert à la Révolution française», Marie-Laure Legay, professeur d’histoire à l’Université de Lille, nous livre une histoire passionnante des finances aux XVIIe et XVIIIe siècles, en évitant toutefois, avec soin, tout anachronisme.

Sa thèse ? La France de l’Ancien Régime avait de nombreux atouts, notamment des outils de gestion mis en œuvre au temps de Colbert (1619-1683). Mais elle s’est montrée incapable d’encadrer « l’affairisme » au cœur de l’Etat.

Un observateur, à la fin du ­règne de Louis XV, notait déjà : « C’est peut-être par l’esclavage dans lequel les financiers ont tenu les ministres des finances que ces derniers n’ont jamais osé entreprendre [de] réformes. » Mais, pour Mme Legay, la monarchie n’a pas seulement trébuché sur l’ampleur de la dette. Elle a vacillé à cause d’une organisation obsolète, de l’Etat en général et des finances publiques en particulier.

Clientélisme

D’un côté, montre l’historienne, des dépenses insuffisamment contrôlées, ce que l’on appellerait aujourd’hui du clientélisme. Deux conseillers écrivent ainsi, en 1787 : « Le ministre des finances n’a presque toujours été […] qu’un trésorier sans cesse en activité pour payer des dépenses souvent inutiles. »

De l’autre, des recettes centralisées, mais dont l’Etat perd progressivement la maîtrise. La monarchie n’est pas morte de trop d’impôt, mais d’une insuffisance d’impôt, indique Mme Legay, pour qui le manque de contrôle de l’administration sur elle-même est la faiblesse majeure de l’Etat royal.

Reste une question : pourquoi ce royaume, doté d’une législation et d’une administration financière les plus développées d’Europe, fut-il incapable de se réformer ? « Il est possible, écrit l’auteur, qu’en tout premier lieu il ait été aveuglé par sa propre «science» administrative. »

Le Temps (reprenant Le Monde)

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Cet ouvrage renouvelle l’approche de l’histoire financière de la France. En s’intéressant à la comptabilité publique depuis Colbert jusqu’à la période révolutionnaire, Marie-Laure Legay montre la défaillance du contrôle de l’État sur lui-même.

Partant des atouts de la gestion publique en France et notamment des outils mis en œuvre au temps de Colbert, parfaitement présentés, Marie-Laure Legay montre comment ils se sont révélés inaptes à encadrer l’affairisme installé au cœur de l’État.

En insistant sur les rapports socio-politiques qui lient l’administration monarchique à ses intermédiaires financiers, l’auteur éclaire d’un jour nouveau les paradoxes d’une gestion organisée à partir de recettes centralisées et de dépenses insuffisamment contrôlées.

Elle étudie les difficultés de maîtrise de la dette publique et l’asphyxie parallèle du service ordinaire de l’État au moment où ce dernier devient largement débiteur de la nation. Par là, c’est aussi un essai sur les origines financières de la Révolution française.

À l’heure où les gouvernants sont appelés à opérer une refonte générale de l’organisation financière, ce détour par l’histoire est une lecture nécessaire.

« Les interrogations actuelles sur le fonctionnement de l’État, dont les impératifs de gestion semblent reléguer au second plan le projet politique, inviteront peut-être le lecteur à faire le détour par l’histoire. Il existe en effet des précédents fameux au cours desquels l’opinion publique a mis en cause tout à la fois l’emballement de la dette, les intermédiaires financiers et jusqu’aux outils de gestion adoptés, pour solliciter des gouvernants une refonte générale de l’organisation financière qui, au vue de tous, prenait la société en otage. »(M-L Legay)

Editions de l’EHESS

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