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Pour démontrer l’irresponsabilité des établissements financiers, un activiste catalan a obtenu 500 000 euros de crédit auprès de 39 banques qu’il a reversés à des associations. Il encourt huit ans de prison.

Tout commence à Madrid en 2006. Un ami lui explique que les banques sont peu regardantes à propos des prêts. Une idée germe alors : sous prétexte de rénover un appartement et de s’acheter une voiture, Duran contracte plusieurs crédits dans différents établissements. “Avec une imprimante, une photocopieuse, des ciseaux et du scotch, on fait des miracles,” explique-t-il. Duran falsifie ses documents d’identité, s’invente également une entreprise pour justifier certaines dépenses et ne pas atterrir sur le fichier des personnes surendettées. Pour faire grossir son capital et emprunter davantage, il emploie l’argent accordé par une banque pour en rembourser une autre…

Le 17 septembre 2008, deux jours après que Lehman Brothers ne révèle sa faillite et quelques mois avant que n’éclate l’affaire Madoff, Duran s’enfuit à l’étranger et révèle son arnaque. Dans un article intitulé “J’ai volé 492 000 euros à ceux qui nous volent bien davantage pour les dénoncer et construire des alternatives de société”, il reconnaît avoir abusé trente-neuf banques (BBVA, Bankinter, Deutsche Bank, Barclays, etc.), et obtenu soixante-huit crédits. Il précise : “En incluant les agios, ce sont plus de 500 000 euros que je ne rembourserai pas.” Avec cette opération, Duran veut pointer l’irresponsabilité de banques qui favorisent le surendettement des ménages. Et pour enfoncer le clou, celui que l’on appelle désormais le “Robin des banques” reverse l’argent détourné à des mouvements sociaux qui travaillent sur le coopérativisme et l’environnement.

En 2009, Duran rentre en Espagne. Le 17 mars, il est arrêté à Barcelone lors d’une manifestation. Placé en détention préventive à la Modelo, une prison située dans le centre de la ville, il est transféré après deux jours. Devant les protestations de nombreuses associations (dont le mouvement 17-S qui s’est formé en soutien à Duran) qui réclament sa libération, on le transfère à Can Brians, à une trentaine de kilomètres de Barcelone. Au bout de deux mois, il sort en versant une caution de 50 000 euros, réunie grâce à des dons. Des plaintes au civil sont déposées, mais son cas fait désordre dans un pays où la contestation sociale va bon train.

Le 23 novembre, le ministère public sort de son silence et réclame une peine de huit ans de prison pour falsification de documents et insolvabilité. Sa réaction, peu médiatisée, est radicale :

Si un jour, selon ou contre ma volonté, je suis jugé, le seul verdict que j’accepterai sera l’acquittement. Le tribunal doit reconnaître que mon action ne constitue pas un délit, qu’elle obéit à une éthique, à une recherche de bien commun, et à une volonté de dénoncer ceux qui ont fait énormément de mal à notre société. Je ne négocierai pas une réduction de peine, je n’essaierai pas d’éviter ma condamnation, je ne paierai aucune caution ou amende. Si l’Etat est incapable de se dégager de la pression des pouvoir financiers, alors, que cette incapacité éclate aux yeux du monde. Et ma détention en sera la meilleure preuve.

De son logement du quartier Gràcia, Enric attend aujourd’hui le verdict. Suspense, même si le temps, dans un pays où se multiplient ces dernières semaines des débats sur l’impunité des banques et la corruption politique, joue en sa faveur.

BBC

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