A deux reprises, au cours des années 1980, le Danemark a perdu un A dans la notation de ses emprunts. Il a fallu attendre 2001 pour que le pays revienne à son triple A, qu’il a conservé depuis. Cela s’est fait au prix d’un programme d’austérité drastique, lancé à l’automne 1986 et baptisé “kartoffelkur” : “cure de patates”, car il fut annoncé au moment des traditionnelles “vacances des patates” – une semaine pour la récolte –, ce qui donne une idée des recettes appliquées.
Le Danemark était dirigé par le gouvernement de centre-droit de Poul Schlüter, premier ministre conservateur de 1982 à 1993, lorsque ces deux dégradations ont eu lieu. Les partisans de Schlüter affirment que cette dégradation fut provoquée par l’aggravation de la dette publique les années précédentes, lorsque le social-démocrate Anker Jorgensen était au pouvoir. Les autres affirment que le gouvernement Schlüter paya le prix d’une politique d’emprunt forcenée.
Les salaires s’envolaient, les Danois vivaient très bien. Mais à crédit. La balance des paiements était dans une situation catastrophique, affichant un déficit de 100 milliards de couronnes. Cette situation, combinée à l’impact de la crise pétrolière, eut un effet dévastateur. La récession du début des années 1980 et la hausse des taux d’intérêt vit exploser la dette publique, qui fit plus que doubler en l’espace de trois ans.
En 1986, le gouvernement Schlüter mit en place sa “cure de patates”. Jusque-là, la couronne danoise avait été dévaluée plusieurs fois par rapport au mark allemand. La compétitivité danoise n’était plus soutenue que par ces mesures. Poul Schlüter mit fin à cette série de dévaluations, fixa la couronne et maîtrisa l’inflation.
Le nombre de chômeurs passa de 220 000 à 360 000 – le taux de chômage a culminé en janvier 1994 à 13,8 %, contre 6,2 % aujourd’hui – tandis que 60 000 familles perdaient leur logement. De nombreux programmes sociaux furent réduits au cours de cette “traversée du désert de sept ans”, comme la qualifiait le quotidien Berlingske, voici quelques années. Les mesures de soutien aux chômeurs, qui ont largement contribué à la notoriété du modèle danois, furent freinées.
La TVA À 25 %
La “cure de patates” conduisit aussi à l’introduction, en 1992, d’une sorte de “TVA sociale” : la TVA passa de 22 % à 25 %, ce qui revenait à remplacer les dévaluations, devenues impossibles, par une sorte de dévaluation interne. Le choix se porta sur une hausse de TVA, plutôt que des impôts, au motif que le coût serait supporté par tout le monde, et pas seulement par les salariés et les entreprises exportatrices, essentielles dans ce petit pays.
Lorsque la gauche arriva au pouvoir, en 1993, le premier ministre social-démocrate Poul Nyrup Rasmussen entama une vague de privatisations et de dérégulations. Avant les élections de septembre 2011, le gouvernement de droite sortant avait averti qu’en cas de victoire de la gauche, le Danemark risquait de perdre son triple A. Il n’en a rien été.