Fdesouche

Selon un sondage exclusif Harris Interactive-JOL Press, 73% des sympathisants de droite sont favorables à la hausse de la TVA pour baisser les charges sociales. L’inquiétude demeure sur les effets inflationnistes de cette mesure. Décryptage.

Annoncée dimanche dernier par Nicolas Sarkozy, la hausse de la TVA de 1,6 point à 21,2% sera présenté ce mercredi 8 février dans le cadre d’un collectif budgétaire exceptionnel. Un texte qui proposera aussi des mesures d’urgence sur l’emploi des jeunes (la formation en alternance), la création d’une « banque de l’industrie » autour d’Oséo et le vote d’une « taxe sur les transactions financières » (en fait le simple rétablissement d’un impôt de bourse, supprimé en 2008…).

La réforme du financement de la protection sociale est bien le cœur de ce projet de loi qui est au fond un peu le quitte ou double du chef de l’Etat en vue de sa probable future candidature à un second mandat. C’est la première fois qu’une hausse d’impôt de cette importance sera votée juste avant une élection présidentielle, pour application après le vote, décisif, du peuple souverain. Un sacré pari qui repose sur la bonne compréhension par les français de l’équilibre d’une telle mesure, et de son utilité pour l’emploi.

Le dispositif, qui s’appliquerait à compter du 1er octobre 2012, consiste à basculer 13 milliards d’euros de cotisations patronales sur la branche famille vers un double financement, assis d’une part sur la consommation (hausse du taux normal de TVA de 1,6 point) et sur les revenus du capital (2 points de CSG supplémentaires sur les produits d’épargne, les revenus fonciers et les plus-values mobilières et immobilières). La CSG « capital » passerait ainsi de 13,5 à 15,5% et la TVA de 19,6% à 21,2%.

Comment les français vont-ils prendre cette mesure qui va les frapper au portefeuille, au nom d’une cause certes juste, l’emploi, mais à un moment où l’inquiétude monte sur le pouvoir d’achat, la promesse non tenue du quinquennat Sarkozy.


Les résultats d’un sondage exclusif réalisé du 31 janvier au 2 février par l’institut Harris Interactive pour JOL Press montre que la partie est loin d’être gagnée pour le chef de l’Etat. Il confirme les tendances du sondage commandé récemment par L’Humanité à l’Institut CSA, à savoir que 6 français sur 10 sont opposés à une augmentation de la TVA (à 64 % pour Harris, 63% pour le CSA). Ce résultat peu surprenant masque cependant un réel clivage gauche-droite, car selon Harris Interactive, 73 % des sympathisants de droite se disent favorables à une hausse de la TVA, malgré certaines réserves quant à l’efficacité de la mesure.

Toujours dans le détail, les hommes y sont un peu moins opposés que les femmes (61% contre 66%), les jeunes que les vieux (60% contre 68%), les CSP+ que les CSP-, les provinciaux que les parisiens, les non-diplômés que les diplômés. En terme de revenus, le sondage Harris/JOL Presse livre une des clefs de cette mesures : les bas revenus y sont très fortement opposés (plus de 70% contre), ce qui explique bien la position de François Hollande qui promet d’abolir cette hausse), tandis que les revenus supérieurs à 5000 euros pas mois sont 48% à être pour et 49% à être contre.

Cette cartographie éclaire donc cette réforme fiscalo-sociale d’un jour nouveau . La forte différenciation idéologique entre l’opposition de l’électorat de gauche et l’acceptation avec réserves de l’électorat UMP montre que l’intervention de Nicolas Sarkozy dimanche dernier a été entendue davantage comme le discours d’un candidat en campagne que comme celui d’un président.

Malgré ses explications et l’intention fort louable de lutter contre le chômage, Nicolas Sarkozy peine à convaincre, au-delà de sa propre majorité présidentielle, les français de la nécessité des réformes à venir, en pleine campagne électorale. D’abord, il est difficile de projeter des mesures à 6 mois, alors que les échéances sont dans moins de 3 mois. Ensuite, les français, notamment les plus modestes, ne sont pas du tout convaincus par ses affirmations selon lesquelles cette mesure ne provoquera pas d’inflation. Une large majorité de 80% des personnes interrogés par Harris Interactive pense au contraire que la hausse de la TVA entraînera une augmentation des prix. Et 57% ne croient pas vraiment que cette réforme globale améliorera la compétitivité des entreprises françaises. Moins d’un tiers pense que cette mesure est favorable aux exportation, un quart seulement estime que cela créera de nouveaux emplois et 82% ne croit pas qu’elle permettra une hausse des salaires nets. Sous-entendu la majorité des français est convaincue que les entreprises garderont pour elles toute la marge supplémentaire dégagée par cet allégement de charges, qui sera payée par le consommateur et l’épargnant.

On le voit, l’effort de pédagogie pour convaincre de l’intérêt de la TVA sociale reste à faire et pour les députés UMP, chargés de la vendre sur le terrain après l’avoir votée, le défi apparaît immense !

Bien sûr, l’idée de transférer une partie des charges sociales sur la fiscalité indirecte n’est pas forcément mauvaise. Le FMI l’a d’ailleurs recommandée dans son dernier rapport sur la France (ce qui n’est pas forcément une preuve que la médecine est bonne, vu le succès de son intervention en Grèce…). Même certains socialistes, comme Manuel Valls, ont examiné avec attention, avant d’y renoncer, cette mesure, qui revient, sans le dire, à une sorte de dévaluation déguisée, sans aucune concertation avec nos partenaires européens, au demeurant.

A l’actif du chef de l’Etat, il y a la conviction, tardive de sa part, mais juste sur le fond, que la France souffre d’un très grave déficit de compétitivité, accumulé en particulier vis-à-vis de l’Allemagne. Avant le passage à l’euro, la France avait 10 points de compétitivité d’avance sur son voisin ; fin 2011, elle se retrouve exactement à l’inverse, avec 10 points de retards, soit 20 points de perte de compétitivité en quinze ans, a récemment relevé Alain Minc, un « visiteur » régulier du chef de l’Etat. Cela se traduit par un écart de près de 220 milliards d’euros entre l’excédent commercial allemand et notre déficit extérieur… Il faut donc agir. La TVA sociale permettra sans doute de grappiller quelques précieux points pour rétablir la compétitivité prix de certaines industrie (agriculture, agro-alimentaire, automobile). Mais le jeu en vaut-il la chandelle au regard des risques ? Car pour beaucoup de secteurs d’avenir, notamment les services, l’informatique, les entreprises innovantes, dont les salaires sont plus élevés que dans l’industrie (qui ne bénéficieront donc pas de l’allégement de charges), la hausse de 1,6 point de la TVA va faire perdre de précieux points de compétitivité par rapport à des pays qui pratiquent un dumping fiscal sur la TVA (Luxembourg notamment). Sans harmonisation fiscale en Europe, la TVA sociale Sarkozy apparaît donc comme un « fusil à un coup », dont la balance avantage/inconvénient penche du mauvais côté…

Nicolas Sarkozy aurait été plus convaincant si, au lieu d’écouter ses amis du Medef et de l’Afep, qui se sont laissé prendre à cette solution de facilité de basculer les charges patronales vers la fiscalité indirecte payée par les ménages, il avait cherché à financer la suppression des cotisations de la branche famille par des économies. Par exemple par la suppression de l’exonération des charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires qui entre désormais en total conflit avec la nouvelle politique de protection de l’emploi de cette fin de quinquennat. Sans parler du coup de bambou de la hausse de CSG sur l’épargne de tous les Français, y compris les plus modestes, qui va ponctionner les petits et moyens retraités qui vivent de revenus financiers ou fonciers accumulés sur toute une vie. Et qui sont souvent des électeurs UMP… C’est Maurice Allais qui le dit (repris dans le dernier numéro de « Challenge » sur « les pères de l’économie », page 63) : « Vous ne pouvez pas taxer les gens quand il gagnent de l’argent, quand ils en dépensent et quand ils épargnent »… Monsieur Sarkozy, il faut choisir, aurait sans doute expliqué au président de la République notre (seul) prix Nobel d’économie.

La TVA sociale n’est pas encore votée. Vu l’opposition farouche de la gauche et le soutien à reculons de la majorité UMP, il n’est pas encore trop tard pour que ce projet risqué, pour ne pas dire improvisé à la hâte, évolue dans sa conception et son financement vers une réforme plus cohérente, plus efficace et présentant moins d’effets pervers. S’il s’agit d’augmenter, de 22 à 35 milliards d’euros, les allégements de charges sociales, cette réforme est incontestablement utile pour l’emploi. Mais pour les Français, le risque est qu’ils ne retiennent que la hausse… de la TVA, l’impôt le plus impopulaire qui soit.

La Tribune

Fdesouche sur les réseaux sociaux