Peut-on comprendre les quartiers pauvres américains au travers d’une simple série télévisée ? A en croire plusieurs chercheurs de l’université Paris-X (Nanterre-La Défense), la réponse est oui. Ils organisaient, vendredi 10 février, le second volet de leur séminaire consacré à “The Wire”. La série, saluée pour sa description quasi anthropologique des ghettos, raconte la vie des trafiquants de drogue, des policiers et des hommes politiques de Baltimore (Maryland) sur la côte est des Etats-Unis.
Convaincus que la série illustrait “des phénomènes majeurs traités par les sciences sociales”, ces universitaires ont décidé de la prendre comme objet d’étude. Thème retenu : “Race, classe et genre dans “The Wire”.” C’est que “The Wire” aborde de front la question raciale. Les deux tiers de la population de Baltimore est noire, la majorité vit dans les quartiers pauvres. Devant un amphithéâtre plein comme un oeuf, Anne-Marie Paquet-Deyris, spécialiste de littérature afro-américaine, explique ce que cela implique au quotidien :
des jeunes Blancs cherchant à singer les gangsters noirs américains, des policiers reprenant le vocabulaire des corner boys, les dealers de rue, et une ségrégation spatiale très nette entre cités pauvres noires et centre urbain blanc et riche.
“C’est l’une des premières fois que la culture noire urbaine est déclinée de façon systématique dans une série”, analyse Mme Paquet-Deyris. A l’appui de son propos, la chercheuse diffuse un extrait de la série. On y voit un wigger – contraction de white et nigger -, imiter les attitudes et l’accent des dealers noirs sous le regard goguenard d’un autre Blanc. Pour elle, la série montre surtout “une société postraciale où a été réintroduite l’idée de classe”. La perte du travail, le chômage, la désagrégation de l’école sont au coeur de la chute de Baltimore et à l’origine de la fin du rêve américain. (…)