Il y a bien moins de jeunes en Italie qu’en France. Pourtant, être jeune et Italien, c’est réunir suffisamment de critères pour s’assurer… d’être au chômage. Dans la botte, 31% des jeunes de moins de 25 ans sont sans emploi (1). Un record bien au-dessus de la moyenne européenne et qui complique la vie des jeunes transalpins, obligés d’accepter petits boulots ou stages en attendant mieux.
Cecilia a 24 ans, un diplôme petite enfance obtenu l’année dernière… et un moral en berne. En cause, un emploi sous-payé qui ne correspond pas à ses qualifications. «Quand j’ai obtenu mon diplôme, j’ai cherché un travail pendant presque un an. Impossible de trouver. On me disait toujours : “On vous rappellera”.
Mais évidemment le téléphone ne sonnait jamais», se souvient-elle, amère. «C’est comme si nous, les jeunes, on ne comptait pour rien dans ce pays».
Début janvier, Cecilia a fini par obtenir un CDD d’un an dans une maison d’adultes en difficulté. Ce contrat, elle l’a trouvé à travers un programme gouvernemental permettant à des jeunes de moins 28 ans d’obtenir un CDD. Mais celui-ci ne peut pas excéder un an, ni être renouvelé.
Résultat, Cecilia travaille 30 heures par semaine pour un salaire de 400 euros par mois. «Évidemment, cela ne me permet pas de me loger ni de me nourrir», continue-t-elle. «Je vis toujours avec ma mère, je suis loin d’avoir les moyens d’être indépendante».
Pour Simone Baglioni, ancien responsable pour l’Italie du projet européen Younex visant à lutter contre le chômage, cette grande précarité s’explique par la structure même du marché du travail transalpin. «En Italie, même dans les moments les plus prospères, deux catégories sociales ont toujours souffert du chômage : les jeunes et les femmes», assure l’expert. D’après lui, c’est parce que dès la fin de la guerre, le marché du travail s’est basé sur le modèle du male bread winner, soit celui du travailleur adulte et père de famille.
Conséquence, les jeunes ont beaucoup de mal à trouver un emploi. Et lorsqu’ils en trouvent, c’est souvent pour un salaire dérisoire.
«A Rome, les salaires des jeunes sont complétement déconnectés du coût de la vie», assure Giorgia, en fin d’études de droit. La jeune fille assure n’avoir aucune chance de trouver un CDD en première embauche et s’attelle donc à obtenir un stage. «Les stages de diplômés en droit sont rémunérés environ 600 euros. Sachant qu’une chambre dans une colocation à Rome coûte dans les 500 euros, le calcul est vite fait», conclut-elle.
Son cas est loin d’être isolé. De très nombreux jeunes diplômés doivent se contenter de longs stages, rémunérés entre 300 et 800 euros par mois. Les CDD sont le graal que tous recherchent. Le CDI, ils n’y pensent même pas : pour les jeunes, il est quasiment impossible à décrocher.
«Nous les jeunes, nous n’obtenons que des CDD de courte durée», raconte Sofia, jeune comédienne de 24 ans. «Et cela ne concerne pas que les domaines artistiques. Ma sœur de 27 ans, qui est architecte depuis plusieurs années, voudrait se marier. Mais comme elle n’obtient que des CDD qu’elle n’est jamais sûre de voir renouveler, elle n’a pas assez de stabilité pour s’installer ou faire des projets à long terme»,confie Sofia.
Des aides sociales absentes
La précarité des jeunes est accentuée par une quasi-absence d’aides sociales. D’après Simone Baglioni, « le marché du travail italien s’est développé de manière duale : d’un côté, l’Etat a donné beaucoup de protection sociale (indemnités maladie ou chômage) aux détenteurs de CDI. Mais le problème, c’est qu’il en a privé les détenteurs de CDD ». Pour l’expert, cela est d’autant plus grave qu’en Italie, contrairement à une grande partie des pays européens, il n’existe pas d’équivalent du RSA.
L’ancien responsable du projet Younex est assez pessimiste quant au futur de l’Italie. Pour lui, la situation ne s’améliorera pas à moyen terme. Car pour lutter contre le chômage des jeunes, il faut avant tout des financements et « l’Italie n’a pas de classe entrepreneuriale prête à faire des paris sur l’avenir et à engager de l’argent ».
Le récent changement de gouvernement — fin du berlusconisme, remplacé par un gouvernement technique — est pour l’expert un pas en avant, mais qui est loin d’être décisif.
« Les gouvernements précédents n’ont rien fait pour les jeunes », explique-t-il. « Quant au gouvernement actuel, il s’emploie surtout à assainir les comptes publics. C’est déjà bien, mais ce n’est pas cela qui créera de l’emploi. »
Les jeunes, eux, espèrent tous que cela va s’arranger. Sofia pense que les libéralisations du gouvernement Monti ne peuvent faire que du bien à l’Italie, même si les résultats ne se feront pas sentir tout de suite. Elle tempère cependant : « Entre Mario Monti qui a déclaré que le poste à vie était d’un ennui profond et Michel Martone (ministre adjoint au Travail et aux Politiques sociales) qui a affirmé que ceux qui se diplômaient après 28 ans étaient de gros nuls, je me sens incomprise par nos dirigeants».
Federico, 24 ans, en fin d’études de droit, espère que la situation s’améliorera. « Même si je n’ai pas encore trouvé de travail et que je vais devoir effectuer des stages pendant quelques temps, j’espère que cela finira par aller mieux. Je l’espère vraiment, car je n’ai pas envie de quitter mon pays. J’ai envie de rester en Italie. »
En l’absence de perspectives d’avenir, le spectre de l’émigration guette une nouvelle fois la jeunesse italienne.