Cette semaine, Gilles-William Goldnadel revient sur la polémique autour des propos de Claude Guéant. Selon lui, depuis le choc médiatique de la Shoah de la fin des années 60, toute défense de la civilisation et de l’homme occidentaux est associée au nazisme.
“La Shoah me concerne au moins autant que M. Letchimy, et qu’il ne me plait guère qu’on la mette à toutes les sauces, même créole.”
Depuis la semaine dernière où j’évoquais déjà la sortie controversée de Claude Guéant concernant les « civilisations qui ne se valent pas », la polémique n’a toujours pas cessé. Le ministre de l’Intérieur, en tournée aux Antilles, en est réduit à évoquer une évolution civilisationnelle dans le temps (la France esclavagiste ne vaut pas la France d’aujourd’hui), plutôt que dans l’espace, pour ne pas fâcher l’Islam. Précautions qui ne semblent guère cadrer avec la nouvelle stratégie plus intrépide prêtée au futur candidat présumé.
S’agissant d’une phrase ne mettant pas même en cause directement une civilisation plutôt qu’une autre, dénuée de mépris ou d’invectives, on mesurera l’irrationalité de la démesure polémique à l’aune, précisément, de son intensité et de sa durée. C’est dans cette irrationalité disproportionnée que j’ai toujours cherché le sens dissimulé.
Mon explication, contenue dans mes précédents ouvrages (les Martyrocrates, Réflexions sur la Question Blanche) réside dans la détestation de l’homme occidental issue de la Shoah commise par des occidentaux. D’un excès l’autre, l’inconscient collectif européen en est venu, après avoir trop longtemps méprisé l’Autre, à une dilection pour l’altérité.
Nul doute que si Claude Guéant avait critiqué la civilisation occidentale néocolonialiste ou l’American Way of Life, qu’il se serait fait davantage d’amis chez les antiracistes en carton-pâte. […]
C’est ce qui fonde le terrorisme intellectuel qui tétanise les organes de cette défense. Rien donc de très étonnant, qu’à chaque polémique récurrente sur le sujet, le refoulé affleurant ne finisse par surgir chez les militants les plus déterminés.
Cette semaine, aura été le tour d’un député socialiste Guadeloupéen pour suggérer lourdement que la pensée du ministre de l’intérieur finirait par conduire à un nouveau nazisme. Mélenchon a approuvé, il ne se sera trouvé aucun socialiste courageux ou lucide pour dénoncer l’ineptie du propos.
Ségolène Royal, pour tenter de le justifier, a cru devoir rappeler que son auteur était descendant d’esclaves. Puisqu’on en est à mobiliser son arbre généalogique, je rappellerai donc, qu’à une date plus récente, la Shoah me concerne au moins autant que M. Letchimy, et qu’il ne me plait guère qu’on la mette à toutes les sauces, même créole.
Cette semaine, la Société des Journalistes du Figaro a voté une motion pour contester le parti pris éditorial de la direction. Pour quelle raison, les sociétés des journalistes de Libération, ou, dans une moindre mesure, du Monde, n’ont-elles pas adopté des motions symétriques, compte tenu de leur engagement délibérément à gauche, si un journal d’opinion se devrait de les modérer ?
J’oserai trois explications complémentaires :
– d’abord par ce que la sociologie des journalistes est ainsi faite que la profession est idéologiquement ancrée à gauche et à l’extrême gauche (80% selon un sondage de Marianne) donc, y compris au Figaro.
– ensuite, et peut-être surtout, en raison d’une intimidation permanente et unilatérale.
C’est ainsi, que dans ces mêmes colonnes, j’ai raconté comment la Mère Courage de France Inter, j’ai nommé Sophia Aram, a moqué à longueur d’antenne Etienne Mougeotte et son journal, et eux seuls.
Enfin, il existe une tradition non écrite de la presse de droite ou généraliste d’encaisser les coups sans jamais les rendre. C’est ainsi que le placide Jean-Pierre Pernaut de TF1 fait figure de tête de Turc permanente. Dans un ordre d’idées assez voisin, le certainement pas à droite David Pujadas, mais esprit indépendant, a été traité de larbin par Mélenchon sans bénéficier de la moindre protection d’une profession habituellement sourcilleuse.
Et c’est ainsi que la gauche extrême gagne tous les combats, sans combattre. […]
Atlantico – 13/02/2012