Grande Rue, à Cluses, face à la mairie. Une voiture heurte une jeune femme engagée pourtant sur le passage piéton. Elle se relève un peu groggy et la hanche douloureuse. Le conducteur, loin de s’arrêter, appuie sur l’accélérateur. «Sale bougnoule!» crie la femme. Sa colère est pour le moins légitime mais pourquoi ne pas avoir lancé le traditionnel «sale chauffard!»?
«Je l’ai vu, il conduit presque allongé derrière son volant, les Arabes font tous ça, la nuit ils tracent à 150 et la police ne fait rien, par contre si je stationne à 22 heures devant la mairie, dans les dix minutes j’ai une amende.»
Cluses (18 000 habitants), à 50 km de Genève, est la quatrième ville de Haute-Savoie et celle où le Front national (FN) réalise ses plus gros scores départementaux. Les 40% sont parfois atteints lors des scrutins locaux. La crise a frappé la capitale du décolletage, le bassin de l’Arve enregistre 5300 sans-emploi. Le quartier populaire des Ewües abrite une population essentiellement d’origine maghrébine. Les grands-parents et les parents qui formaient le gros de la main-d’œuvre regardent de loin les jeunes livrés à une oisiveté «mauvaise», dit Abdelmalek. (…)
Insécurité, défiance et racisme, comme dans de nombreuses villes de France la situation joue pour l’extrême droite et Dominique Martin, le patron départemental du FN, conseiller municipal de Cluses et conseiller régional Rhône-Alpes. A deux mois de l’élection présidentielle où Marine le Pen est créditée de 15 à 20% des voix, l’élu est à la fois à Paris – il est l’un des bras droits de la candidate – et au pied des HLM de sa commune sitôt qu’il se passe quelque chose.
«La drogue circule, des vieilles dames se font jeter à terre et il y a du racket devant l’école catholique où mon fils est scolarisé», dénonce-t-il. Il poursuit: «On dit que cette région est calme, sans gros problème, plutôt nantie, allez voir la queue devant les Restos du Cœur!»
Eduqué en Suisse, au Petit-Lancy (GE), Dominique Martin envie l’UDC qui peut aller loin dans la provocation lors des campagnes électorales.«En France, on finirait en taule avec leurs affiches sur les minarets ou avec le mouton noir.» (…)
Christelle Borguiet, 28 ans, vivait encore à Marseille il y a six mois de cela. Elle est montée à Evian pour cause de «mauvaise qualité de vie dans le sud». «Les Maghrébins là-bas te traitent de jambon-beurre et le logement social est pour eux.
Quand Jean-Marie Le Pen est passé au second tour en 2002, la cité a été silencieuse pendant une semaine, ils avaient très peur», raconte-t-elle. (…)