Le géant américain Monsanto a été jugé “responsable”, lundi 13 février, à Lyon, de l’intoxication à l’herbicide en 2004 d’un agriculteur français, ouvrant la voie à des dommages-intérêts, ce qui constitue une première en France.
“Monsanto est responsable du préjudice de Paul François suite à l’inhalation du produit Lasso”,
peut-on lire dans le jugement du tribunal de grande instance de Lyon.
En conséquence, le tribunal “condamne Monsanto à indemniser entièrement Pierre François de son préjudice”, qui sera évalué après une expertise médicale.
La firme américaine estime pour sa part qu’il n’y a pas “d’éléments scientifiques suffisants” dans le dossier et envisage de faire appel.
Le 27 avril 2004, Paul François, un céréalier aujourd’hui âgé de 47 ans, avait reçu au visage des vapeurs de Lasso, un puissant désherbant produit par le leader mondial de l’agrochimie, en ouvrant la cuve d’un pulvérisateur. Il avait été rapidement pris de nausées puis de troubles (bégaiement, vertiges, maux de tête, troubles musculaires…) l’obligeant à interrompre son activité pendant près d’un an.
Aujourd’hui, Paul François ne travaille plus qu’à mi-temps, en proie à des fatigues chroniques et à des maux de tête tenaces. Les médecins considèrent que son système nerveux central a été affecté.
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En mai 2005, un an après qu’il eut inhalé les vapeurs, des analyses relevaient dans son organisme des traces de monochlorobenzène, un solvant présent pour moitié dans le Lasso, au côté du principe actif, l’anachlore. Trois ans plus tard, Paul François, qui est devenu le porte-parole des victimes des pesticides, obtenait en justice que ses troubles soient reconnus comme maladie professionnelle. Il lançait alors une procédure en responsabilité civile contre Monsanto.
A l’audience, son avocat, Me François Lafforgue a reproché à Monsanto d’avoir “tout fait pour laisser le Lasso sur le marché” alors que sa dangerosité avait été établie dès les années 1980, d’où son interdiction au Canada, en Angleterre et en Belgique. Ce n’est qu’en 2007 qu’il a été retiré du marché français.
UNE DÉCISION “ESSENTIELLE”
Selon Me Lafforgue, Monsanto aurait aussi manqué à son “obligation d’information” en ne détaillant pas la composition du produit sur l’étiquette, et en n’avertissant pas des risques liés à l’inhalation, ni de l’obligation de porter un masque. L’avocat de Monsanto, Me Jean-Philippe Delsart, met quant à lui en doute la réalité de l’intoxication, soulignant que les problèmes de santé ne sont apparus que plusieurs mois après.
“La reconnaissance de la responsabilité de Monsanto dans cette affaire est essentielle : les firmes phytosanitaires savent dorénavant qu’elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités sur les pouvoirs publics ou l’utilisateur et que des comptes leurs sont demandés”,
a déclaré François Veillerette, porte-parole Générations futures, une ONG qui se bat contre l’utilisation massive de pesticides dans l’agriculture.