par Kevin HURLEY, Préfet de police retraité
Daily Mail, mercredi 15 février 2012.
La police de Londres ne cesse de s’enfoncer par de successives crises suicidaires, minimisant ainsi sa capacité à combattre vraiment le crime.
La police londonienne, depuis trop longtemps, est bloquée par un dangereux mélange de faiblesse au plus haut niveau, de dogme politiquement correct, de priorités biaisées, et d’incompétence tactique. Ces points noirs ont été remarquablement illustrés par le cas scandaleux d’Ali Dizaei, l’officier de police notoirement corrompu originaire d’Iran, qui vient d’être renvoyé en prison pour la seconde fois après avoir été inculpé d’entrave à l’exercice de la justice.
Seule une institution aussi obsédée par le credo de la diversité, manquant à ce point d’intégrité morale, pouvait permettre au criminel récidiviste qu’est Dizaei de monter dans la hiérarchie jusqu’aux plus hauts postes. C’est par un renvoi pur et simple, non par des promotions, qu’il aurait dû être remercié depuis longtemps. Mais Dizaei est le symbole de la corruption qui règne au plus haut niveau de la Met (Metropolitan Police).
Trop d’officiers supérieurs semblent avoir oublié leur premier devoir, qui est de protéger les citoyens britanniques. Au lieu de prendre des décisions fermes – notamment vis-à-vis de Dizaei –, ils se complaisent dans des manœuvres politiciennes qui visent à les protéger et à faire avancer leurs carrières.
L’état-major de la Met développe une culture où la valeur pragmatique dominante est la lâcheté, et où le talent pour la langue de bois remplace la détermination à poursuivre les criminels. Ceux qui y perdent le plus ne sont pas seulement les citoyens britanniques honnêtes, mais aussi les policiers de terrain : à leur travail souvent héroïque et altruiste, ne répondent que les déboires occasionnés par une hiérarchie aussi égoïste que carriériste. Il n’est pas exagéré de dire que les premières lignes de la Met se composent de lions, conduits par des ânes chancelants.
En tant que Préfet de police retraité, j’ai été scandalisé par l’affaire Dizaei. J’étais au commandement du district de Londres Ouest en juillet 2008, lorsque cet homme tenta d’inculper un innocent homme d’affaires irakien, Waad al-Baghdadi ; il était engagé avec lui dans un violent conflit financier. Cette affaire déboucha sur deux procès en Assises, et finalement sur l’inculpation de Dizaei la semaine dernière.
J’avais eu les plus graves doutes sur cette histoire, depuis le moment où Dizaei avait traîné M. al-Baghdadi au commissariat de Hammersmith en l’accusant d’agression. Non seulement parce qu’une attaque de la part de M. al-Baghdadi était fort improbable – et c’était effectivement une mystification – mais aussi à cause de l’incroyable série de malhonnêtetés, de corruption et d’abus de pouvoir que Dizaei traînait après lui.
Je m’étais toujours douté, comme presque tout le monde à la Met, que cet homme n’était pas clair. Au premier abord, il était charmant, mais ses manières avenantes cachaient à peine son côté sombre. Il était d’une étonnante vénalité, ambitieux, sans scrupules, ses actions visant uniquement à faire avancer sa carrière et ses intérêts propres, sans aucune considération pour le droit ou la probité de ses méthodes.
Lorsqu’il avait rejoint la Met comme commissaire en 1999, nous avions reçu des mises en garde de la part de ses anciens collègues de la Police de la Thames Valley, où il était en poste depuis plus de dix ans ; il nous avait été décrit comme ne reculant devant rien pour atteindre son but. Mais dans le climat d’hystérie lié aux accusations de « racisme institutionnel », les hautes instances de la Met cherchaient à tout prix à embaucher des officiers supérieurs issus de minorités ethniques.
Les mises en garde de la Thames Valley furent largement outrepassées. Dizaei était passé maître dans l’art d’utiliser la peur du racisme pour détourner toute remise en question de son comportement, qui devenait de plus en plus agressif et égocentrique.
L’Association nationale des Policiers Noirs, dont Dizaei était président, était l’instrument qu’il s’était choisi pour intimider sa hiérarchie. Il devenait à lui-même sa propre loi. La Met étant terrorisée à l’idée de prendre la moindre sanction contre lui, il se sentait devenir invincible. Même la Commission indépendante des plaintes, habituellement fort respectueuse du politiquement correct, demanda que l’on impose des limites à Dizaei ; mais l’état-major fut beaucoup trop pusillanime pour cela. Beaucoup étaient parvenus à leur haut grade justement en évitant de prendre des décisions fermes ; ils n’allaient pas risquer leur carrière en s’attaquant à un si terrifiant adversaire, qui les dénoncerait comme racistes. Grâce à leur manque de courage, Dizaei s’en sortit, malgré un comportement qui aurait conduit n’importe quel autre policier au licenciement.
Il alla jusqu’à rédiger une thèse de doctorat accusant la Met de racisme, et publia en 2007 un livre autobiographique, Not One Of Us (« Pas l’un des nôtres »), où il se livrait encore à une sévère critique contre la Met. Mais au lieu d’être licencié pour trahison, il reçut une promotion. Face à un cadre supérieur qui s’enrichit en traînant dans la boue la réputation de son entreprise, comment expliquer un si lamentable comportement ?
Se sentant invulnérable, l’égo de Dizaei devint légendaire parmi ses collègues. Un jour, il accusa deux policiers d’avoir endommagé sa voiture personnelle ; mais après enquête, il s’avéra que les dégâts avaient été faits par l’une de ses nombreuses maîtresses. N’importe lequel des officiers de police qui aurait agi de cette manière serait passé en commission de discipline, ou bien aurait été renvoyé pour ce scandaleux manque de respect envers les deux policiers ; mais rien n’arriva à Dizaei, protégé par le bouclier de l’antiracisme.
Un autre jour, arrivant au commissariat, il gara sa voiture avec négligence, si bien qu’il bloquait la sortie des véhicules d’urgence. Il y eut presque immédiatement un appel pour une intervention : l’un des policiers requis pour cette intervention lui demanda de déplacer sa voiture, ce à quoi Dizaei répliqua : « Déplace-la toi-même » en lui jetant les clefs, puis il entra négligemment dans le commissariat.
Telle était l’arrogance de cet homme. Il n’avait aucun sens du service public, ni le moindre sens des convenances. C’était une brute en uniforme, qui avait menacé un jour de tuer « comme une chienne » la mère d’une de ses maîtresses.
Cependant, il était assez intelligent pour avoir exploité, depuis une dizaine d’années, les pressions politiques qui s’exerçaient sur la Met. C’est bien sûr le même joug politiquement correct qui est cause de la faiblesse avec laquelle on a traité, l’été dernier, les gangs d’émeutiers et de vandales – dont la plupart venaient de minorités ethniques.
Paralysés par le politiquement correct et les accusations de racisme, terrifiés à l’idée d’être rendus responsables de décisions contestées vis-à-vis du maintien de l’ordre, les cadres de la Met ont laissé les bandes contrôler la rue pendant cinq jours avant de lancer une offensive. Les citoyens méritent autre chose que cette Police.
Il y a néanmoins un grand espoir avec la nomination du nouveau Préfet de police, Bernard Hogan-Howe, qui s’est fait un nom en combattant le crime dans les rues agitées de Liverpool. La force de Hogan-Howe est qu’il ne recherche pas l’admiration des politiciens, ce qui est toujours un signe de jugement sain. Il a aussi une vraie expérience des exigences opérationnelles.
Beaucoup trop de cadres supérieurs de la police londonienne ont atteint les hauts grades sans avoir une telle expérience. On peut même affirmer que la volonté d’éviter les responsabilités difficiles est souvent la porte d’entrée vers une carrière prestigieuse à la Met.
L’arrivée de Hogan-Howe, combinée avec la chute attendue de Dizaeli, pourrait mettre un point final à cette logique. Et la politique de maintien de l’ordre répondrait enfin aux besoins du public, non à celui des politiciens.
(Merci à Bertrand et Savoyard pour la traduction)