« Au lieu d’une réduction de l’endettement public, nous assistons à son aggravation, car la réduction de l’activité économique produite par les coupes budgétaire se traduit par une réduction des dépenses du secteur privé. » Pour Ed Harrison, l’éditeur de Credit Writedowns, les dirigeants européens font une erreur de diagnostic en se focalisant sur les politiques d’austérité. Pour la raison suivante : lorsque les Etats, les ménages et les entreprises tentent tous ensemble de se désendetter au même moment en réduisant leurs dépenses, s’amorce alors une spirale récessive s’auto alimentant. Avec au bout, la faillite.
L’Europe a pris la mauvaise direction car le remède prescrit pour résoudre la crise de la dette souveraine, une soi disant rigueur expansionniste, est une politique économique conduisant à l’échec. L’idée, c’est que le licenciement de salariés du secteur public, afin de réduire les dépenses, permettrait d’éliminer le déficit budgétaire dans des pays comme la Grèce et le Portugal et, par conséquent, de rétablir la confiance du marché dans leur dette souveraine. La réalité s’est avérée quelque peu différente. Au lieu d’une réduction de l’endettement public, nous assistons à son aggravation, car la réduction de l’activité économique produite par les coupes budgétaire se heurte à une réduction des dépenses du secteur privé. Si l’Europe continue sur cette voie, la zone euro va complètement éclater, avec des répercussions politiques et économiques entièrement imprévisibles.
Au Portugal, le gouvernement a adopté les sévères mesures d’austérité qui conditionnaient l’octroi d’une aide. Mais, l’activité économique du pays va maintenant se contracter. Parce que les décideurs européens ne parviennent pas à comprendre la dynamique de la déflation de la dette. Ce qu’ils ne voient pas, c’est que le secteur privé portugais est très endetté. Lorsque l’économie se contracte, les individus et les entreprises endettés du secteur privé ont une propension irrésistible à épargner pour réduire le poids de la dette et tenter d’éviter les défauts de paiement et les faillites. Ce qui signifie que le secteur privé tentera toujours d’améliorer son solde d’épargne net quel que soit celui des administrations publiques. Lorsque le gouvernement tente alors de passer à une situation excédentaire en réduisant les dépenses et en augmentant les impôts, il se heurte aux réductions de dépenses du secteur privé, qui tente toujours d’épargner et de rembourser ses dettes. Une force irrésistible heurte alors un objet fixe !
Ces compressions de dépenses publiques ou augmentations d’impôts, lorsque le secteur privé est endetté et que l’économie est au point mort, ont pour résultat une déflation de la dette, avec de plus en plus d’acteurs qui réduisent leurs dépenses, et sont menacés par l’insolvabilité en raison de la contraction économique. L’Europe doit comprendre que la Grèce n’est pas un cas particulier. Au contraire, elle est la première occurrence de la déflation de la dette, qui risque de prendre le Portugal pour prochaine victime. Pour parler clair, le Portugal est la prochaine Grèce.
On peut porter au crédit des agences de notation et du Fonds monétaire international qu’ils ont tous exprimé leur inquiétude devant cette politique européenne. De fait, à chaque nouvelle dégradation de la note des Etats, Standard & Poor’s et Moody’s ont écrit qu’elles avaient rétrogradé plusieurs pays en Europe, en partie parce que l’approche centrée sur l’austérité n’avait fait qu’empirer les choses. Les agences de notation ont souligné que l’Europe devait mettre en oeuvre d’autres politiques de croissance, si elle veut garder un quelconque espoir.
Le problème est le suivant : l’Europe est focalisée sur un faux problème, celui des déficits budgétaires. Le plus gros problème, dans la plus grande partie de l’Europe, est celui de l’endettement du secteur privé et du secteur financier. Si l’Europe veut résoudre ses problèmes, elle doit traiter cet endettement, et cela nécessitera bien plus que ces annonces incessantes d’austérité budgétaire et de réduction des dépenses.