Tristes, en colère, mais pas abattues. Depuis l’incendie criminel qui a rendu inutilisable le centre de protection maternelle et infantile (PMI) du quartier des Tarterêts, l’une des trois zones urbaines sensibles (ZUS) de Corbeil-Essonnes (Essonne), les femmes qui composent exclusivement l’équipe médicale ne baissent pas les bras. Le feu, déclenché par le jet d’un cocktail molotov le 7 février, leur a pourtant enlevé le site d’un travail auquel certaines ont voué des dizaines d’années de leur carrière. Comme il a retiré aux Tarterêts l’un des derniers espaces de vie collective de cette cité accablée par la violence.
(…) Il y a plusieurs années déjà, elles avaient alerté les élus sur la hausse croissante du sentiment d’insécurité et les risques liés à l’enclavement de la PMI “en plein milieu des tours”. “Après l’incendie, la mairie n’a pas eu un mot pour nous. Même après l’agression de Florence [l’un des médecins], la mairie n’est jamais venue” déplorent-elles.
“Au début, les voitures brûlaient, puis il y a eu des agressions contre le personnel, et l’année dernière la devanture de la PMI a été criblée de balles”, détaille la directrice.
Florence Lelièvre pourtant n’est “pas du genre fragile”, comme elle dit. Malgré ses 33 ans, elle a exercé dans de nombreuses cités de l’Essonne, la Grande Borne à Grigny par exemple, pas réputée pour sa quiétude. En mars 2011, elle a été agressée aux Tarterêts. “Un gamin de quinze ans et deux plus grands”, se souvient-elle. Un choc pour elle comme pour l’équipe, qui ne l’a pas empêchée de revenir travailler à la PMI. Mais “après les coups de feu, j’ai demandé à ne pas y retourner. C’était trop, et je voulais faire pression sur les élus pour qu’ils prennent conscience de la situation. Ça n’a servi à rien !”
(…) Mais le souvenir encore frais des violences laisse vite place à l’évocation des bons moments. “Les jeunes venaient chercher des capotes, d’autres venaient se faire soigner après avoir joué au chat et à la souris avec la police”, sourit Isabelle. (…)
“C’était un coup de pression contre la mairie”, avance l’une d’entre elles. Et d’expliquer comment Serge Dassault, maire de la ville entre 1995 et 2009, a introduit le clientélisme avec une partie de la jeunesse des Tarterêts. “Et avec Bechter ?”, demande-t-on, en faisant allusion au bras droit de Serge Dassault qui a pris la mairie en 2010. “Bechter et Dassault, c’est comme Poutine et Medvedev !”
(…) “Je voulais faire une tribune dans Libération, raconte-t-elle. Cela fait dix ans que j’y pense, mais je ne l’ai jamais fait : je ne veux pas faire monter le Front national. Il y a eu un article sur le site du Parisien au sujet de l’incendie, il n’y a quasiment que des commentaires racistes”, déplore-t-elle.(…)