Interview de Thomas Porcher, enseignant chercheur à l’École Supérieure de Gestion, auteur de « L’indécence précède l’essence » paru le 16 février aux éditions Max Milo.
Total vient encore d’annoncer un bénéfice astronomique, de 12 milliards d’euros, pour 2011. Dans votre livre, vous qualifiez ces profits « d’indécents »… En quoi le sont-ils ?
Ça n’est pas une posture idéologique. Je ne trouve pas révoltant qu’une entreprise fasse des profits, mais dans le cas de Total, ils sont réalisés au détriment de l’emploi et des comptes publics. Voilà des décennies que, pour contenter ses actionnaires, Total se concentre sur ses activités de production (à l’étranger) et délaisse le raffinage, dont la rentabilité à court terme est moindre. Résultat, ce secteur riche en emplois meurt à petit feu.
Par ailleurs, rappelons que l’entreprise ne paie aucun impôt sur les bénéfices en France, où elle déclare des pertes. La pression fiscale qui s’exerce sur elle dans notre pays (charges sociales comprises) est de 8 % de ses profits… contre 26 %, en moyenne, dans une PME ! Rendez-vous compte : si Total s’acquittait du même pourcentage auprès du Trésor, cela financerait la moitié du plan d’austérité !
L’institut français du pétrole considère qu’il faudrait investir 2,2 milliards d’euros sur 10 ans pour sauver les deux ou trois raffineries françaises menacées de fermeture dans les prochaines années. C’est tout à fait dans les moyens de Total ; pas dans sa logique financière.
Selon vous, Total lèserait également les consommateurs…
Oui, nous avons montré, avec d’autres chercheurs, que l’entreprise met plus de temps à répercuter à la pompe les baisses du cours du pétrole que ses hausses… Ces quelques centimes gagnés par litre d’essence pendant quelques jours engendrent des millions ! Total représentant 50 % des raffineries en France, et 40 % des stations services, c’est de loin l’acteur majeur du secteur. Et donc le premier responsable de cette anomalie.