A chacun sa méthode de travail (Internet, téléphone) et ses “clés de redressement”. Enquête chez les sondeurs.
Un gouffre électoral sépare les instituts Ipsos, LH2 et BVA de leurs homologues Ifop et CSA. Les premiers voient François Hollande loin devant Nicolas Sarkozy. Cinq, six à sept points d’avance. Des millions de voix. Les deux autres mettent un point seulement entre les deux candidats, le socialiste voyant sa cote reculer. Un point, l’épaisseur du trait. Et pas la même histoire, du moins au premier tour. Plusieurs questions se posent. (…)
Qu’est-ce que le “redressement”?
Voilà l’explication majeure. Les sondeurs corrigent tous les réponses de leurs échantillons. Ce lifting est indispensable. Un rapport des sénateurs Hugues Portelli (UMP) et Jean-Pierre Sueur (PS) datant de 2010 en livrait les clés.
Phénomène connu : les sondés d’extrême droite cachent leurs préférences. “À l’inverse, on peut observer que les partis de la gauche modérée sont généralement surreprésentés, phénomène dénommé ‘sinistrisme’ que les spécialistes de science politique peinent à s’expliquer”, indiquaient les sénateurs.
Du coup, les instituts relèvent ou abaissent les intentions de vote en fonction de leur propre cuisine. C’est leur secret de fabrication. Le plus souvent, ils se réfèrent aux choix passés de l’électeur. S’ils sont peu nombreux à avoir voté Le Pen par rapport aux résultats réels des scrutins, alors le score est relevé. Il y a d’autres moyens : la popularité du candidat, la prise en compte de phénomènes d’image… “Dans cette procédure finale, il y a une part humaine, par définition faillible et subjective”, rappelle un membre de la profession.
(…) Les instituts sont-ils politisés?
La palette des redressements offre une latitude d’appréciation aux instituts. Peuvent-ils échapper aux pressions, à leurs propres opinions, voire au désir de plaire aux partis politiques qui leur achètent des études? “Certains sont réputés proches du pouvoir, d’autres sont perçus comme plus indépendants“, glisse un ancien du métier. “Je ne crois pas à l’influence manipulatrice des sondages, réfute Denis Pingaud, conseil en stratégie d’opinion et auteur de Secrets de sondages (le Seuil). L’opinion est acculturée.
L’avalanche d’enquêtes fait que les effets sont annulés par le sondage suivant. Il y a un double mouvement, certains électeurs volent au secours de la victoire, d’autres se démobilisent.”
La petite famille des sondeurs anticipe une grande réconciliation. À l’approche du scrutin, les écarts vont se résorber, assurent-ils. “Chaque institut regarde ce que publient ses concurrents, dit l’un d’entre eux. Pour éviter les accusations et l’opprobre, celui qui sort un candidat à 26% quand les autres sont à 29% aura tendance à le redresser vers 27%…”
En cas de grave erreur comme en 2002, ils préféreront se tromper tous en même temps
Sondages Avril 2002 :
Jacques Chirac | Jean-Marie Le Pen | Lionel Jospin | |
---|---|---|---|
10-11 avril – CSA | 21 % | 12 % | 19 % |
10-13 avril – BVA | 18,5 % | 14 % | 18 % |
11-12 avril – Ifop | 19 % | 11,5 % | 17 % |
13 avril – Ifop | 20 % | 13 % | 18 % |
13-15 avril – Nouvel Observateur/Sofres | 20 % | 13 % | 18 % |
17-18 avril – CSA | 19,5 % | 14 % | 18 % |
17-18 avril – Ipsos | 20 % | 14 % | 18 % |
17-18 avril – LCI/Sofres | 19,5 % | 13,5 % | 17 % |
21 avril – Sondage confidentiel | 18 % | 14,5 % | 17 % |
Résultats du premier tour | 19,88 % | 16,86 % | 16,18 % |
Wikipédia |
---|