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C’était un samedi soir, vers 19 h, à Laval. Mohamed, 23 ans, commis dans une station-service, a vu entrer un client.
Un homme costaud dans la vingtaine, qui venait tout juste de mettre de l’essence.

«Vendez-vous de la bière ici? a-t-il demandé.

– Non, nous n’en vendons pas, a répondu Mohamed.

– Comment ça que vous ne vendez pas de bière?»

Mohamed a expliqué que cela prenait un permis d’alcool pour le faire. Il a aussi précisé que le propriétaire de la station-service, musulman comme lui, avait choisi de ne pas en vendre.

– C’est cave!», a répondu le client.

Mohamed n’a pas voulu se lancer dans un débat avec le client frustré. Il lui a remis son reçu. L’homme l’a chiffonné et est sorti de la station-service furieux. Il a renversé la poubelle placée entre deux pompes à essence. Les déchets se sont répandus sur le sol. Alors que le client venait de monter dans sa voiture, Mohamed est allé ramasser les déchets. Le client est alors sorti de sa voiture encore plus furieux. Il s’est approché de Mohamed. Il lui a enlevé ses lunettes et les a lancées. Il l’a défié du regard. Mohamed se sentait comme un enfant du primaire qui se fait intimider dans la cour d’école.

«Qu’est-ce que je t’ai fait? a demandé Mohamed à l’homme qui le regardait avec un sourire narquois.

– Tu me fais chier. Tu vends pas de la bière. C’est cave.»

Le client l’a poussé violemment. Mohamed est tombé. Il a ramassé ses lunettes. Il a tenté de prendre en note le numéro de la plaque d’immatriculation, ce qui a irrité encore davantage le client. (…)

C’est Marie-Ève Mathieu, son prof de français, qui l’a encouragé à en parler sans se cacher derrière le rire, tant elle a été choquée par la violence de l’événement. Femme engagée dans sa communauté, cette enseignante n’est pas du genre à se taire. Elle est présidente du comité Mobilisation gaz de schiste de la Vallée des Patriotes et candidate de Québec solidaire.

Elle aime rappeler à ses étudiants (immigrants ou fils d’immigrants pour la plupart) qu’ils ne sont pas impuissants devant l’intolérable. À moins de se taire et de ne rien faire.

Mohamed a suivi ses conseils. Il a choisi de ne pas se taire. Il ne cherche pas la revanche, mais la justice. «Ça me rassurerait de savoir que ces choses-là ne sont pas tolérées.»

Cyberpresse

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